Cadillac CTS-V wagon: Folie californienne
mercredi, 6 juillet 2011
Un rêve. Un rêve, je vous dis: débarquer à Los Angeles la veille d’un long congé et se faire demander de choisir entre une Cadillac quatre portes CTS-V toute noire… ou sa contrepartie familiale couleur argent.

Fiche technique

MarqueCadillac
ModelCTS-V Wagon
Année2013
MoteurV8 (6,2L)
TransmissionAutomatique 6 rapports

Vous, qu’auriez-vous fait? Vous auriez sans doute choisi le coupé – après tout, qui veut d’une familiale?
Mais permettez-moi la contradiction. Car comme à peu près personne au Canada n’a encore conduit la ‘wagon’, eh bien c’est sur elle que mon choix s’est porté pour longer la côte Pacifique.

Et maintenant, une confidence : je n’ai jusqu’alors jamais posé une fesse dans une Cadillac CTS-V. Berline, coupé, familiale… jamais. Oh, j’ai bien entendu moult collègues s’extasier sur le bolide qui porte le V de la victoire (à moins que ce ne soit le V du vice?). Reste que mon attirance, lorsqu’il est question de performance, a toujours été dirigé vers, disons, plus européen que la division V de Cadillac.

Eh bien, j’ai manqué quelque chose. Et pour me reprendre, quoi de mieux qu’une belle familiale avec 556 chevaux sous le capot?

C’est fou, c’est anti-thésique et… ça marche sans V-ergogne.

V comme dans Vaincre les bouchons
Les premiers instants derrière le volant de la CTS-V familiale (un volant non pas recouvert de cuir, mais de suède tout ce qu’il y a de plus sensuel en paume), c’est dans les légendaires bouchons de circulation de Los Angeles que je les ai vécus.

Et c’est bien tant mieux. Parce que ça m’a donné le temps d’apprivoiser cette foutue surenchère de commandes que GM s’amuse encore (et malheureusement) à perpétrer. En effet, il n’est pas simple de se retrouver dans cette multitude de ‘pitons’ où figurent rien de moins que des hiéroglyphes (voir nos photos). Nous, journalistes automobiles, on a beau essayer Buick après Chevrolet, Cadillac après GMC, on ne s’habitue pas à toutes ces fonctions qui montent au volant, encore moins à devoir parfois actionner deux commandes plutôt qu’une avant de parvenir à ses fins.

Un bon mot cependant pour les contrôles de climatisation de notre bolide : positionnés tout en bas de la console, ils sont faciles d’accès, en plus d’avoir le mérite de se séparer selon qu’ils s’adressent au conducteur ou au passager.

V comme dans « Vous avez vu mon ‘char’ »?
Déjà une demi-heure que j’ai quitté le stationnement de l’aéroport LAX et je n’ai parcouru… que six milles sur la californienne 405. Mais ça aura suffit pour que mon voisin de droite, du haut de son Lexus RX300 bleu marin, me lance un tonitruant : « I love your car! »

« I love it too », que je fuse.
Et comment. Car la découverte de la familiale Cadillac, même à petite vitesse, passe par de bien belles surprises. D’abord, merci aux sièges Recaro de cuir, la position de conduite s’ajuste en tous les sens. Y compris dans celui de la largeur, grâce à des traversins qui se gonflent autant autour du tronc que des cuisses. Y’a moyen de s’enfoncer là-dedans pour ne plus en bouger, virages serrés ou pas. C’est le grand confo, mais pour ça, il faut débourser 4000$ – c’est pas donné, des Recaro.

V comme dans Vilaine
Si l’habitacle se fait obscur et sans grand contraste, il néanmoins conçu pour donner une impression de ‘cockpit’. On est certes loin de l’onctuosité des Allemandes ou de la sophistication des Japonaises, mais cette brutalité de design colle bien à la personnalité de la V-ilaine.

Aussi, ma CTS-V a le bonheur de la transmission manuelle (une automatique six rapports avec palettes au volant est évidemment proposée en option). Là encore, le levier est feutré, en plus d’être orné du logo V, question de bien marquer le point.

Pour le manier, oubliez cependant la douceur ou toute velléité de souplesse : les passages demandent à ce qu’on les malmène – et, de surcroît, qu’on le fasse avec précision, sinon c’est le mauvais rapport qu’on engage. D’ailleurs, le mode recul, placé au nord-est de la 5e vitesse, m’a donné du fil à retordre tout au long du week-end.

V comme dans « On y va »!
Au bout du pied droit, bouchons californiens du vendredi après-midi obligent, je ne peux pas encore sentir toute la puissance du V8 suralimenté de 6,2 litres. (Ça vous dit quelque chose, cette motorisation? Pensez Chevrolet Corvette ZR1…).

Reste qu’à chaque progrès de la circulation, j’ai l’occasion de tester la dureté de l’embrayage. Ce dernier ne se laisse pas manier comme une minouchette, c’est certain : ça ‘clang’ sous la sandale et bordel qu’on aime.

Ça y est : passé la grande ville des Anges, la route se dégage. Et on y va! Le pied droit enfonce l’accélérateur, dans une escalade de puissance où le couple est si abondant (551 lb-pi) que même en sixième, les reprises ne manquent pas d’air.

On se plaît quand même à rétrograder, juste pour entendre ce qui, poussé dans ses retranchements, s’extirpe du tuyau d’échappement. Et la voiture qui s’est montrée jusqu’à présent fort bien disciplinée laisse enfin sortir la bête : ça gronde, d’un beau rugissement de V8 compressé. On pousse encore un peu plus? Ça ne sera jamais assez pour atteindre les limites de ce que cette familiale (une familiale!!) est capable de donner.

Et ça continue de coller à la route. Après tout, Michelin a spécialement concocté des Pilot sport PS2 de 19 pouces pour l’occasion et laissez-moi vous dire qu’ils s’accrochent fermement.

Et heureusement, ça freine aussi : il suffit d’un effleurement de la pédale pour qu’entrent en action les larges disques Brembo – ceux-là même qui montrent sans scrupule leurs étriers jaune canari au travers des jantes exclusives. Avec de tels freins, quand bien même on aurait du chien tout le tour de la tête, on ne sera jamais dans le pétrin.

V comme dans Ça vire
Vous savez quoi? La dernière fois que j’ai eu du plaisir à conduire une ‘wagon’, c’était à l’époque de feue la Dodge Magnum SRT-8. Mais on ne parlait alors « que » de 425 chevaux, dans une voiture définitivement plus longue (de 16cm) et, donc, pas agile comme celle que j’ai actuellement entre les mains.

De fait, la CTS-V familiale est un cheveu moins longue que la berline. Ce qui ne l’empêche pas d’offrir deux fois plus de cargo – voire quatre fois plus lorsqu’on en replie la banquette.

Malgré ses airs de ‘wagon’, la CTS-V n’en a pas la chanson. À preuve : son poids (quelque 245 kilos de plus que la ‘non-V’, mais qu’est-ce quand on a plus d’un demi-millier de chevaux sous le capot?) est presque parfaitement distribué : 52% à l’avant, 48% à l’arrière. C’est mieux que pour la variante quatre portes, ça.

Voilà pourquoi la familiale se comporte solidement en virages, sans un mouvement de caisse inapproprié. Rien pour l’ébranler. Qui plus est, sa direction, un brin moins substantielle qu’escomptée de la part d’une si puissante américaine, fait paraître la balade sans effort et toute légère, comme maniée du bout des doigts.
C’est intoxiquant.

V comme dans Ça vole
Nécessairement (et heureusement), la CTS-V s’amène avec la suspension indépendante « Magnetic Ride ». Ce système à fluide permet aux amortisseurs de réagir, dans la milliseconde, aux aléas de la route et des différents bitumes. Avec, en prime, deux modes à sélectionner : Touring ou Sport.

Mais même en mode ‘Touring’, pas de cadeau : la fermeté est au rendez-vous. En mode sport, c’est carrément brutal, brassant ces bourrelets qu’on ne pensait même pas posséder.

Bien connectée (un euphémisme…) au bitume, la voiture donne néanmoins l’impression de flotter au-dessus de la situation. Ça vole, littéralement, mais c’est tellement bien balancé (un autre euphémisme…) que ça nous transforme en V-oyou des limites de vitesse.

Le mot de la fin : sincèrement, c’est quoi l’idée de fourguer 556 chevaux et 551 lb-pi dans une familiale? C’est la puissance des Ferrari, Lambo, AMG et autres folies de ce monde, ça.

Mais justement, c’est ça l’idée : l’utilité d’un utilitaire, sans compromettre le (méga) fun d’une sportive.
Combien pour tout ça? Au minimum 74 800 beaux dollars, mais avec les rabais actuellement offerts par le constructeur (environ 7000$), il y a moyen de se payer, pour la même somme, les sièges Recaro et le toit ouvrant panoramique.

Une « bargain » pour toute cette V-igueur qui se loge sous le capot, si vous voulez mon avis.
Si Cadillac en vend, de ces ‘wagons’? Ça reste à voir. Le constructeur ne veut pas s’étendre sur les chiffres et nous nous doutons bien qu’il s’agit là davantage d’un splash marketing que d’une décision d’affaire rationnelle.
Et vous savez quoi? On s’en fout comme dans l’an quarante. Parce qu’une familiale de 556 chevaux qui mord solidement la route comme ça, on en prendrait une demain matin.

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