Rolls Royce à Montréal : pour portefeuiles bien garnis
Montréal a déjà eu sa concession Rolls Royce (Decarie Motors), mais c’était avant que la marque ne soit rachetée par BMW au tournant du millénaire. C’est dire que depuis une décennie, les portefeuilles québécois bien garnis devaient se rendre à Toronto ou à New York pour trouver le concessionnaire Rolls Royce le plus près.
Ou alors ils achetaient une Bentley.
Mais la donne changera à la fin avril puisque la première franchise Rolls Royce montréalaise – et par le fait même, québécoise – à évoluer sous la bannière du constructeur allemand ouvrira ses portes rue Sorel, en bordure de l’autoroute Décarie.
Beaucoup d’appelés, peu d’élus
L’opportunité «montréalaise» de Rolls Royce aura été, dit-on, parmi celles qui ont suscité le plus d’intérêt, ces dernières années. Les rumeurs sont nombreuses autour de ces prestigieux droits et peu d’informations filtrent. Mais trop souvent pour être une coïncidence, les noms Saputo (de grands amateurs d’automobiles) et Stroll (un passionné Ferrari et propriétaire du circuit de course à Tremblant) sont prononcés.
Scotti aurait aussi, à un moment donné, posé sa candidature. Et Joey Segal, propriétaire de Decarie Motors, admet avoir été de la course. Mais : «Nous avons rapidement compris que s’il n’y avait pas de problème, ce seraient des gens ‘de la famille’ qui obtiendraient la première considération.»
Ça reste dans la famille
Et c’est ainsi que ça s’est passé.
Les tractations ont duré presque deux ans, pour se conclure d’une traditionnelle lettre d’intention en décembre dernier. Ceux qui ont raflé la mise sont Gab Bitton et Norman Hébert – doit-on rappeler que ce dernier est propriétaire de trois concessions BMW/MINI?
Ce dernier commente : « C’est une fierté pour notre groupe de réunir le plus haut de gamme possible. Et c’est une fierté pour notre ville d’être choisie par une marque comme Rolls Royce. »
Les deux hommes d’affaires réunissent à eux seuls 24 concessions automobiles. Gab Bitton, fondateur du groupe Holand Automotive, se spécialise dans la location de la voiture de grand luxe, en plus de posséder Lamborghini Palm Beach, en Floride.
Norman Hébert est quant à lui président-fondateur du groupe Park Avenue, l’une des 300 plus importantes entreprises canadiennes, selon Report on Business, avec ses établissements Lexus, Infiniti, Audi et BMW.
BMW. Voilà donc le mot magique qui a ouvert les bonnes portes.
D’ailleurs, tous les gens interrogés dans le cadre de notre enquête ont spontanément affirmé que le choix était logique : ce qui se passe dans la famille reste dans la famille.
Dans les anciens locaux Ferrari
Deux partenaires donc, réunis sous une nouvelle entité : Première Automotive Partners. Cette dernière entend investir cinq millions de dollars dans l’achat et la rénovation de l’édifice qui lui servira de théâtre pour son nouveau Rolls Royce Motor Cars Quebec.
Et… pas besoin de chercher bien loin l’endroit parfait : Ferrari vient tout juste de quitter ses locaux de la rue Sorel.
Dans l’automobile, cinq millions de dollars pour acheter et rénover un concessionnaire de luxe (luxe… le mot est faible!), ce n’est pas la mer à boire. Mais certains joueurs de l’industrie, qui souhaitent l’anonymat, soutiennent qu’il s’agit là d’un investissement fort important… quand on sait le petit nombre de voitures qui seront vendues chaque année.
10 ou 25 Rolls Royce par année?
À travers le monde en 2010, la marque britannique a écoulé un peu plus de 2700 voitures – presque deux fois plus qu’en 2009. Comme quoi les choses reprennent.
Son plus grand marché demeure les États-Unis (22 concessionnaires répartis dans 17 villes), suivis de la Chine (8 concessionnaires), le Royaume-Uni (6 concessionnaires), les Émirats Arabes (2 concessionnaires) et le Japon (3 concessionnaires).
Le Canada n’est évidemment pas de la partie, côté ventes. Mais sur la trentaine de pays qui ont l’honneur d’au moins une franchise, il est l’un des rares qui pourra désormais se targuer de plus de deux pignons sur ses rues.
En effet, le pays de la Feuille d’érable ne comptait jusqu’à présent que deux concessionnaires Rolls Royce (un à Toronto et l’autre à Vancouver, ouvert depuis un an seulement). Montréal qui s’ajoute maintenant pourrait bien créer un effet de levier quant aux ventes canadiennes.
Norman Hébert, interviewé au Salon de Montréal, soutient qu’il lui sera possible de vendre de 25 à 30 voitures neuves par année.
C’est à peine deux véhicules par mois.
Très peu, dites-vous? Bernard Durand, directeur de Lotus chez Scotti, croit au contraire que c’est fort optimiste : « Peut-être qu’ils réussiront à en vendre autant la première année, mais ça ne sera pas le cas par la suite. Comme nous avec l’arrivée des Lotus : on a vendu 80 Elise la première année, mais on n’a jamais pu refaire ça. »
À Toronto, on trouve aussi l’objectif très peu modeste. L’année 2010 aura été une « très bonne année » et le concessionnaire de l’Ontario n’a pourtant écoulé que… 23 voitures neuves.
De l’art sur quatre roues
Pour la première fois depuis fort longtemps, les visiteurs du Salon de l’auto de Montréal peuvent admirer non pas une, mais bien trois Rolls Royce flambant neuves, toutes fraîchement débarquées du siège social américain de la marque, situé au New Jersey.
La pièce maîtresse est évidemment la Phantom décapotable d’un demi-million de dollars, avec sa boiserie de capote inspirée de la fabrication nautique.
Ma-gni-fi-que, dedans comme dehors.
Lorsque Rolls Royce Motor Cars Quebec ouvrira ses portes au printemps, il proposera évidemment cette Phantom Drophead (447 000$... plus options), mais également la Phantom (380 000$ plus options) et la Ghost (247 000$) – cette dernière devrait représenter 80% des ventes, si l’on en croit ce qui se passe à l’international.
La Phantom en version allongée, si chère aux Chinois (c’est qu’ils les aiment longues, leurs voitures, les Chinois) ne sera pas en salle d’exposition. M. Hébert assure cependant qu’elle pourra être commandée et livrée.
« Il y a de l’argent à Montréal… »
Être un point de vente Rolls Royce, ça veut nécessairement dire faire les choses autrement. «Les clients de Rolls ont un point en commun, a confié M. Bitton aux médias présents à l’annonce du retour de la marque. Ils veulent acheter sur le champ et tant pis s’il est 7h30 du matin; on ne peut pas leur dire ‘on est occupé’, sinon ils vont s’acheter… une Ferrari.»
Quels milliardaires achèteront? On ne le saura sans doute jamais, à moins d’en voir le propriétaire au volant – ou assis derrière son chauffeur.
Mais déjà, M. Hébert soutient qu’une dizaine de ‘prospects’ sérieux se sont fait connaître au Salon de Montréal. Et lui qui peut pourtant se targuer d’être à la tête du deuxième plus important regroupement de concessionnaires d’automobiles au Québec (derrière le groupe Gabriel) nous a confié tout naïvement : « Je vous le dis, il y a de l’argent à Montréal… »