Viagra... au naturel
Ce matin, nous avons quitté Kumarakom, notre paradis de bord de mer où, à 8h du matin, il faisait déjà 29 degrés Celsius... Nous nous enfonçons dans les terres qui mènent dans la région du Periyar, là où niche une réserve naturelle de 777 kilomètres carrés. Au fur et à mesure que notre autobus escalade la petite route qui serpente les Ghâts occidentaux, le mercure nous donne du répit. De quoi fouetter les troupes, qui se sont montrées fort nonchalantes, depuis deux jours.
Au fil des quatre heures de route que nous accomplissons en matinée, nous admirons les grandioses montagnes abruptes transformées en plantations de thé - à condition bien sûr d'oublier la petite peur qui nous tenaille lorsque nous roulons trop au bord du précipice...
À l'occasion, nous apercevons une sorte d'arbres qui porte, à mi-tronc, une petite jupette de plastique. Quoi, serait-ce le sirop d'érable indien? Bien sûr que non: il s'agit d'hévéas. Lorsque légèrement entaillés, ces arbres à caoutchouc crachent un épais liquide blanchâtre qui est ensuite recueilli dans de petites coupelles. Une fois chauffé, passé à l'acide formique et fumé (!), le matériel se transforme en une pièce de caoutchouc ultra-résistante qui deviendra soit des gants de latex pour les hôpitaux, ou soit encore... des condoms.
Justement, parlons sexualité: notre visite au coeur d'une plantation en après-midi nous fait découvrir les vertus de toutes ces épices qui parfument (un peu trop, parfois!) nos mets. Lorsque notre Guide du Jour se sert d'une hachette pour scalper l'écorce d'un arbre, nous sommes tous surpris par l'odeur de cannelle qui embaume soudain. Il nous pointe du doigt les fruits du cacao, les grains de café Arabica. Ici, c'est le curcumin, là c'est le gingembre. Et là encore, c'est un arbre à poivre - du vert d'abord, du noir si on l'y laisse une autre saison, puis du rouge (et du blanc une fois la peau retirée) si l'on se montre encore plus patient.
Mais là où notre Guide du Jour a vraiment capté l'attention des hommes de notre groupe (et des femmes aussi, ne le cachons pas!), c'est sous l'arbre qui produit des noix de muscade. C'est que le petit fruit pâle, lorsque râpé et mélangé à du lait, constituerait un excellent substitut naturel au Viagra. Et nos hommes de faire répéter comment on prépare la concoction, déjà...
La réserve des tigres du Periyar, nous devions la visiter à bord d'un bateau. Mais ce dernier a fait naufrage il y a à peine un mois, faisant 46 noyés. Notre Guide du Jour nous explique qu'à la vue d'un animal sur la berge, tous les gens qui se trouvaient sur le bateau se sont précipités à la balustrade, ce qui a fait chavirer l'embarcation. Lui-même, présent sur la rive lors de l'accident, dit s'être précipité sur les lieux et avoir repêché un gamin de cinq ans, mort noyé. "Mais on n'en parle pas, on oublie tout ça", a-t-il dit en balayant l'air de sa main. On a vite deviné qu'il était encore secoué par les événements.
Depuis la catastrophe, les excursions sur le lac Periyar grand de 26 kilomètres carrés sont interrompues. Nous en sommes quitte pour déambuler à pied du point d'accueil jusqu'au point d'eau. Pas de tigre en vue; tout au plus apercevons-nous un chat... Par contre, nous croisons de nombreux singes. Ceux-ci grimpent aux arbres et traversent le chemin en nous coupant la voie comme, chez nous, le font les écureuils. Autre pays, mêmes moeurs...
Décidémment, le Sud de l'Inde restera gravé dans nos mémoires pour sa nature luxuriante, ses fleurs exotiques et... la beauté de ses hôtels. Le Muthoot Cardamon, qui nous accueille pour une nuit dans la petite bourgade de Thekkady, est une succession de coquets bungalows perchés dans la montagne. Comme partout en Inde, les gens y sont d'une incroyable gentillesse. J'ai d'ailleurs eu droit non pas à un, mais bien à deux club sandwichs et ce, sans même qu'aucun supplément ne me soit chargé! Vraiment, ils ont réellement le don de rendre les touristes heureux, ces Indiens.
Nos Vedettes du Jour sont Claire et Pierre qui, à l'instar de nous tous cet après-midi, sont monté à dos d'éléphant pour une petite balade dans la "brousse". Cette fois, pas de nacelle: juste une toile jetée sur le dos du pachyderme, munie de quelques poignées pour s'y maintenir. Même s'il s'agit de notre deuxième virée à dos d'éléphant depuis le début de notre périple, l'expérience demeure impressionnante: quels mastodontes, que ces bêtes aux oreilles de Dumbo et aux quelques poils hirsutes sur le caillou!