Pierre et Tsunami
Au pied du Temple du Rivage, difficile de croire qu'une gigantesque vague s'est abattue à l'endroit même où nous nous tenons. Et pourtant: il y a bientôt cinq ans, le Tsunami a fait ici près de 10 000 victimes. Nous comprenons soudain pourquoi, au village de pêcheurs visité la veille, toutes les maisons sont constuites dans le même moule: un petit carré à deux étages. Si ces résidences miniatures nous ont semblé toutes neuves, c'est parce qu'elles l'étaient...
La ville à l'ancienne vocation portuaire, fondée au 7e siècle, a été inscrite au Patrimoine mondial de l'Unesco. C'est qu'on retrouve ici des temples érigés à même d'immenses blocs de pierre in situ. Fallait pas que le sculpteur manque son coup, sinon ça en était fait, de son oeuvre...
C'est aussi ici que l'on peut admirer la "Desente du Gange", une grande murale toute en reliefs qui serait, nous dit-on, l'un des plus beaux exemples de l'art pallava de toute l'Asie. Une fissure naturelle à la verticale symbolise le fleuve sacré avec, tout autour, créatures célestes, ascètes et animaux.
Partout, la pierre est dominante. Et au-delà des sanctuaires monolithiques, il y a... la Motte de beurre de Krishna. Cet énorme rocher en boule tient en équilibre précaire on ne sait trop comment - de quoi nous faire s'amuser à simuler quelques photos à la Hercule...
Serions-nous fatigués, après maintenant 25 jours passés en Inde? Sentirions-nous que le Grand Retour approche? À moins que ce ne soit le chaud soleil qui nous fait dégouliner de sueur?
Toujours est-il que nous trouvons les vendeurs de Ma....puram particulièrement agressants. Malgré tout notre savoir-faire glané ici et là au fil des villes indiennes - ne jamais regarder la marchandise, ne jamais dire "non" (c'est compris comme un peut-être) et continuer tout droit son chemin - les marchands ne nous lâchent pas. En réalité, c'est sans doute le Tsunami et son onde de destruction qui a davantage affamés les gens, ici plus qu'ailleurs au pays - comme si c'était possible...
Peu avant l'heure du midi, nous prenons la route pour Chennai, que nous visiterons tout au long de l'après-midi. La fin de la journée sera occupée par un spectacle typique et un dernier repas tous ensemble. Alors si vous me le permettez, je vous reviens demain avec les derniers détails de ce samedi passé dans la capitale du Tamil Nadu. Après tout, notre dimanche, dernière journée passée en sol indien, sera plutôt ennuyant à vous raconter: on s'en va faire les magasins! Personnellement, je dois me procurer une valise supplémentaire pour ramener mon rideau, ma nouvelle tunique de soie, mes T-shirts Nano et quoi encore...
Oh, n'oublions pas nos deux Vedettes du Jour. Nous nommons Jean-Pierre et Mireille. Jean-Pierre d'abord, pour son calme et sa lecture du Lonely Planet lorsque le Guide du Jour de Mumbai n'était pas en mesure de convenablement nous renseigner.
Et Mireille? Parce qu'elle ronfle. Oui, oui, parce qu'elle ronfle! Systématiquement, toutes les nuits. La nuit dernière, les bouchons ne voulaient plus tenir au creux de mes oreilles. Conséquence: j'étais parfaitement éveillée lorsqu'est venu le temps d'assister à l'un des plus beaux levers du soleil de toute l'Inde.
La grosse boule de feu a percé les nuages alors que, sur la mer, les petites embarcations des pêcheurs ballottaient au gré des vagues. Comme s'ils répondaient à un signal de la nature, des petits crabes presque transparents se sont extirpés de leur trou. Ils sont tout mignons - en autant qu'ils ne s'approchent pas trop des fesses posées sur le sable... Les gardiens de sécurité de l'hôtel se sont approchés et, yeux fermés, visage tourné vers le soleil, ils ont prié, avant de se signer à l'indienne - le bout des doigts qui touche le coeur, puis les lèvres. Un beau moment "zen", comme on les aime.
Ce soir, nous nous réunissons pour notre dernier souper de groupe. Demain à pareille heure, nous serons à l'aéroport, cartes d'embarquement pour le Canada en poche. On sent déjà la nostalgie poindre entre nous. Les émotions sont à fleur de peau, les gestes sont plus impatients, quelques yeux se mouillent déjà. Il ne sera pas facile pour nous demain de se séparer...