On n'est pas des chameaux!
La légende veut que Pushkar ait été créée par un pétale tombé de la main du Créateur Brahma, l'un des dieux de la Triade hindoue. Une autre légende veut aussi que Brahma ait été maudit par sa femme Sarasvati, qui ne lui a pas pardonné de s'être fait accompagner à une cérémonie par une autre dame qu'elle... Ah, comme la jalousie n'a ni âge, ni frontière.
Le temple que nous devons visiter, celui qui justement honore Brahma, requiert que nous entrions sans sac à main, sans appareil-photo et sans chaussures. Malheureusement pour certains d'entre nous, les sexy (!) chaussettes achetées à Delhi sont dans le sac à main... resté dans l'autobus. Les plus braves iront pieds nus, comme les pèlerins. Nous sommes quelques-uns à décliner l'invitation.
Nous en profitons pour prendre un bain de foule plutôt tranquille avec, pour toile de fond, une étroite et charmante rue colorée du bazar Sadar où les odeurs, les épices et les saris se mélangent. De toutes les petites villes que nous avons croisées, c'est indéniablement Pushkar la plus jolie. Peut-être est-ce à cause de son nom (Pushpa veut dire "fleur" et kar signifie la main)? Il y a un peu plus d'une semaine que nous avons débuté notre grand périple et si quelqu'un doutait encore d'être en Inde, le ou la voilà sûrement convaincu(e), et de bien belle façon.
Le lac Pushkar a accueilli les Hindous qui ne pouvaient faire le voyage jusqu'au Gange afin d'y laver leurs péchés et s'assurer d'une place au paradis. Notre Guide du Jour nous affirme que le lac est aujourd'hui asséché; nous le croyons sur parole et reprenons la route sans faire le détour. Mais après tout, peut-être voulait-il simplement se débarrasser un peu trop rapidement de sa journée de travail...
Alors qu'on traverse un village où la terre battue a été balayée, où les maisons arborent quelques belles couleurs quoique défraîchies et où les ordures semblent avoir été ramassées, on entend résonner dans l'autobus: "C'est propre, ici!" Et on s'esclaffe: on trouve maintenant propre ce qui, au premier jour, nous aurait fait pointer nos appareils-photo...
D'ailleurs, voilà qui me fait penser: l'hôtel où nous avons lunché ce midi était un bel exemple du fossé qui nous sépare, nous les touristes, des gens qui vivent ici. Jardins verts foisonnants, architecture fraîchement repeinte, salle à manger digne d'un maharaja aux plafonds décorés d'arabesques multicolores... "C'est décadent", disons-nous. Mais que ça fait du bien, de temps en temps, de replonger dans un semblant de propreté.
Aux abords de Pushkar, c'est le désert. Mais celui-ci a été envahi, la semaine dernière, par le plus grand des marchés annuels aux... chameaux de toute l'Asie. Ici, il est venu se transiger des centaines de camélidés contre des milliers de roupies, dans une atsmophère de foire et de carnaval. Du grand rendez-vous animalier, il ne reste que quelques bêtes qui paressent au soleil, alors que de rares campements de toile s'offrent encore à nos regards. Le désert a repris ses droits et il est de toute beauté sous le soleil - à mon avis, c'est dans le désert que l'on retrouve la plus belle lumière naturelle qui soit.
Nous autres, cependant, on n'est pas des chameaux. Après presque trois heures de route, et l'autobus ne faisant toujours pas mine de s'arrêter pour la pause-pipi, nous demandons grâce. Le chauffeur nous dit qu'il n'y a aucune installation digne de nos blancs et capricieux derrières avant deux autres bonnes heures. Non, non, pas question d'attendre jusque là! On nous pointe du doigt le désert qui traverse la route, les sourcils interrogatifs. Oui, oui, ça ira, supplions-nous. Même que ça sera parfait juste là, derrière cette petite construction de ciment abandonnée. J'vous dis qu'on a arrosé le sol aride de plus de liquide en cinq minutes qu'il a dû tomber de pluie ici en dix ans. Et quelle rigolade pour nous, les dames, qui avons poussé un grand "ahhhh!" de soulagement collectif!
Pour ceux qui s'interrogent: la diarrhée des voyageurs semble nous donner du répit depuis hier. Seulement deux ou trois membres de notre groupe doivent encore reluquer l'endroit où se trouvent les toilettes en cas d'urgence, mais sinon le régime pain nan/bananes/riz et Coca semble avoir porté fruit. Et dire qu'on s'inquétait de la A-H1N1...
Notre Vedette du Jour? Stéphane "Kid Kodak" Sampo. Il est celui qui, chaque jour, immortalise le plus grand nombre de paysages, de scènes de vie et de membres de notre groupe. S'il vendait 50 roupies chaque cliché sur lequel l'un d'entre nous apparaît, il deviendrait millionnaire!
L'apprentissage du jour: un chameau peut boire 70 litres d'eau du coup, puis ne plus rien boire ou manger pendant une semaine en été - voire tout un mois en hiver. Notez que les camélidés ont deux rangées de cils et ce, pour mieux protéger leurs yeux du sable. Deux rangées de cils... comment se fait-il que les L'Oréal et les Cover Girl de ce monde n'ont pas encore pensé à ça? Ça leur permettrait de vendre deux fois plus de mascara...
On vous revient demain sur Jodhpur!
P.S. Sur une note plus personnelle: j'ai tenté d'envoyer quelques courriels qui n'ont toujours pas obtenu de réponse. Il semble que les communications ne franchissent pas toujours le cyber-espace entre l'Inde et le Canada. Shirley, tout va pour toi? Katrine, tu vas bien? Maude, la A-H1N1 ne s'attaque pas trop à tes écoles? Nancy, je t'ai lue, merci! Voisin J., on s'en sauve toujours, de la neige?! M. Chalin, mari de Georgette, faites-nous encore le bonheur de vos commentaires! Christine, Annie, Marie-Josée et tous les autres qui nous écrivent (c'est comme aux Oscars, j'en oublie sûrement...), merci pour vos commentaires. Vous devriez voir les étoiles qui illuminent les regards lorsqu'on les transmet...