Nous sommes des... Nano-iaques!
Mais avant, toutes ces belles montagnes des Ghâts occidentaux que nous avons escaladées la veille en autobus, sous un beau ciel bleu plein de soleil, il nous a fallu les redescendre ce matin du côté ouest... et dans le brouillard. Remarquez, c'est peut-être mieux ainsi: au moins, on ne voit pas les vertigineux ravins...
Les nuages de pluie nous sont arrivés cette nuit mais heureusement, ils nous lâchent rapidement, au fur et à mesure que nous nous approchons de Madurai. La ville de trois millions d'habitants est établie sur les rives de la Vaigai et sera notre hôte pour les deux prochaines nuits.
Madurai... Après les trois ou quatre derniers jours passés au paradis de l'Inde du Sud, nous avons l'impression de renouer avec l'Inde des premiers moments: celle de la circulation anarchique, des ordures qui jonchent le sol et des gens qui mendient ou dorment dans la rue, l'Inde qui fourmille de monde, celle bruyante et sale mais tellement belle et pleine de belles couleurs.
Nous sommes passés de la région du Kerala à celle du Tamil Nadu, où vivent les populations tamoules. Ici, les bâtiments sont délâbrés et la population est visiblement très pauvre, malgré toutes ces rizières qui abondent dans cette pointe sud du pays. Elles sont toujours aussi fascinantes, ces rizières qui mélangent, tel un "patchwork", le vert brillant du riz en pousse, le gris de l'eau boueuse et le rouge ocre de la terre. De temps en temps, une tache de couleur surgit: ce sont les ouvrières, les pieds dans la flotte et le dos rond penché sur un bien dur labeur...
Si le Kerala va à contre-courant indien et interdit la libre circulation des vaches (!), le Tamil Nadu, lui, les autorise. Nous en retrouvons donc sur la route et dans les fossés, mais aussi attelées à des charettes ou en train de labourer un champ. Ici, allez savoir pourquoi, elles ont des cornes, les vaches.
Une chose n'a pas changé entre le Kerala et le Tamil Nadu: là comme ici, les gens ont une bien curieuse façon de dodeliner de la tête, comme une marionnette "bubble head". La première fois où l'on a répondu à ma demande d'information par ce drôle de hochement de la tête, j'ai pensé 1) qu'on se moquait de moi ou 2) qu'on ne savait pas et qu'on hésitait entre le "oui" et le "non". Avec le temps, on a appris qu'il s'agit d'un "oui" des plus respectueux. Vous devriez nous voir en train d'imiter la chose en pouffant de rire...
En milieu d'après-midi, une partie du groupe s'est rendue au centre-ville de Madurai afin de visiter les tailleurs. L'idée est de se faire confectionner une tunique ou un sari sur mesure - le travail est fait en soirée, une séance d'essayage est prévue à l'hôtel ce soir à 21h et si des retouches sont nécessaires, les tailleurs ont jusqu'au lendemain matin pour procéder.
Madurai étant une grande ville, l'occasion était trop belle: au lieu de penser "tailleurs", la journaliste automobile que je suis a pensé "char". Et j'ai voulu voir de quoi ça avait l'air de près, un concessionnaire automobile Tata. Armée de deux gardes du corps (!), Louis et Michel, j'ai pris le touk-touk pour parcourir les cinq ou six kilomètres menant du centre-ville à la rue périphérique T.P.K.
En chemin, notre touk-touk a dû s'arrêter pour faire le plein... de propane. Et notre chauffeur de glisser une bonbonne "full-full-full" (ce sont ses mots!) sous le siège bien peu confortable où nous nous serrons à trois...
Chez Tata Motors, force est de constater qu'un concessionnaire automobile, ça reste un concessionnaire automobile - quoique celui-ci est plus spartiate qu'en Amérique du Nord et que, contrairement à chez nous, on y bénit la voiture avant d'en remettre les clés à l'acheteur.
Oui, oui, on bénit la voiture: vous savez, ces points rouges et or qu'on nous colle au front, comme un 3e oeil? Eh bien, les quatre pneus du véhicule y ont droit, pendant que la carrosserie reçoit un peu de fumée d'encens et quelques grands gestes amples accomplis avec une sorte de lampe d'Aladin enflammée. Allah, Bouddha, Khrisna, allez en paix!
Devant le concessionnaire, deux Nano trônent fièrement parmi les autres modèles Tata - Indica, Indigo, Aura... Ces deux Nano ont déjà trouvé preneurs, ne reste plus qu'à recevoir... le paiement final. L'histoire ne dit pas combien de temps le concessionnaire accordera au client pour payer, avant de refiler la voiture à un autre consommateur plus en moyens...
Rappelons qu'à 2500$US, la Tata Nano est la voiture la moins chère de l'Inde (du monde, aussi!) et la demande sur le marché indien est si forte que celui ou celle qui veut s'en procurer une... n'en recevra livraison qu'en 2011.
Puisqu'il est impensable pour nous de ramener une Nano au Canada (elle est petite, mais pas suffisamment pour nos valises, quand même!) nous nous contentons de... dévaliser la réserve de T-Shirts Nano. À la vue de nos achats qui s'amoncellent sur le comptoir, les têtes indiennes dodelinent avec de plus en plus d'intensité. On a dû avoir l'air de vrais fous, mais que voulez-vous, on ne magasine pas tous les jours chez Tata!
Demain, nous visitons Madurai. Plus que quatre jours en Inde... Ça passe beaucoup trop vite!