Beautés désertiques
Ce qui frappe ici, après les rues sales des derniers jours, c'est la lumière. Le soleil fait ressortir, sur le bleu-mauve du ciel, toutes les teintres ocres et rosées que Jaipur arbore. Le coup d'oeil est tout simplement féérique. Nos appareils-photo ne cessent de mitrailler à droite, à gauche, devant... Vous m'excuserez si ce blogue vous passe et repasse des clichés qui, finalement, se ressemblent tous, mais il est bien difficile de choisir entre un paysage sublime... et un autre paysage tout aussi sublime.
Le Fort Amber est à la fois une citadelle et une cité royale qui ont été occupées par les maharajas à compter du 16e siècle. On y accède... à dos d'éléphant. Deux par deux, nous avons grimpé sur une plateforme haute de trois mètres, de façon à nous retrouver nez à nez avec le dos de notre pachyderme - et juste assez hautement pour ne pas être incommodés par les odeurs de crottin. Sincèrement, ça brasse autant à dos d'éléphant qu'à dos de chameau, mais reste que c'est l'idéal afin de parcourir la longue rampe en colimaçon qui mène à la Suraj Pol - la Porte du Soleil.
À l'intérieur du Fort Amber, tout n'est que beauté. Il y a entre autres cette salle d'audiences privées aux mille miroirs joliment incrustrés dans le stuc. Au temps des maharajas, la lumière des bougies et les couleurs des tapis s'y reflétaient à l'infini - de quoi bienb alimenter les contes des mille et une nuits. Plus loin, des arches tout en mosaïques colorées accueillent les touristes qui s'y photographient mutuellement, quand ce n'est pas un dôme couleur sable qui se détache sur la montagne désertique...
Lorsqu'il est temps de quitter la forteresse, c'est dans un Jeep Mahindra (une marque automobile indienne) que nous embarquons. J'ai vraiment cru que ces Jeep dataient de la Deuxième guerre mondiale, mais notre Guide du Jour m'assure qu'ils n'ont que cinq ou dix ans... Comme quoi les choses ne changent pas trop vite, ici.
C'est donc cahin-caha que nos Jeep cracheurs de fumée noire tentent de nous reconduire à l'autobus. Mais c'est sans compter ces vendeurs qui veulent nous refourguer leur camelotte. Ils sont des plus insistants (mais jamais méchants) et ceux qui ont déjà visité les contrées du Tiers-Monde savent de quoi nous parlons. Nous nous employons à ne pas leur parler, à ne pas les regarder, à ne jamais leur dire "Non" (ici, ça veut dire "peut-être"...) et à continuer d'avancer. "Vous voulez qu'on vous lâche les baskets?" nous lancent-ils, question de nous faire réagir. Peine perdue: nous restons muets et enfin, nous nous extirpons de cette jungle humaine.
Un voyage organisé, ça vous dit où aller et quand. Jusqu'à présent, c'est super: dans un pays comme l'Inde, j'apprécie particulièrement qu'on me pave la voie touristique. Mais aujourd'hui, notre Guide du Jour veut absolument nous faire visiter une usine où l'on fabrique des bijoux de pierres précieuses, puis une manufacture de tapis. Vous aurez compris que les démonstrations sont toujours suivies d'une visite à la salle d'exposition où l'on est alors fortement invité à acheter. Nul doute que notre Guide du Jour n'obtiendra pas une grosse commission sur le dos de notre groupe, parce que bien peu de Québécois cèdent à la pression. Vous nous voyez, ramener de gigantesques tapis en laine de cachemire?!!?
L'après-midi nous a permis de découvrir le Jantar Mantar. Construit en 1728 par un maharaja féru d'astronomie, Sawai Jai Singh II, ce parc d'observatoires et d'instruments à mesurer le temps nous rappelle qu'à l'époque aussi, on savait dire la bonne heure. Paraît qu'on pouvait même prédire les inondations et la température des mois d'été... Également, le Rashivalaya Yantra, composé de 12 grandes sculptures pour chacun des signes du Zodiaque, est encore utilisé aujourd'hui (!) par les astrologues afin de déterminer les horoscopes. On nous dit qu'il s'agit du seul "instrument" du genre au monde. L'histoire ne dit pas si Jojo Savard est passée par ici...
Le City Palace nous a fait aussi voir les Gangajali, les deux plus grands objets d'argent au monde - oui, oui, c'est le livre des Records Guinness qui l'affirme! Ces immenses jarres ont servi, au tournant du siècle dernier, à transporter l'eau du Gange jusqu'à Londres pour un maharaja en visite...
Un mot sur le maharaja Singh II dont il est question plus haut, si vous le voulez bien. Sa grande intelligence lui a valu, dès l'âge de 11 ans, le surnom de "Sawai", ce qui signifie "Un et quart". On lui doit entre autres les avenues dégagées et à angle droit qui sillonnent Jaipur - et d'ailleurs, la circulation est ici beaucoup plus fluide que tout ce que nous avons vu jusqu'à présent. Un urbaniste avant son heure, ce Singh II.
Nous quittons Jaipur tôt en matinée, demain, avec pour direction Jodhpur. C'est dire qu'après la Ville Rose, nous visiterons... la Ville Bleue!
Oh, avant d'oublier: la Vedette du Jour est notre amie Solange... pour le beau turban coloré qu'elle a porté au Fort Amber!