Louer ou acheter sa voiture: entre mythes et réalité
"Ceux qui veulent conserver leur voiture longtemps devraient l'acheter dès le départ, ne jamais la louer." Ce conseil, vous l'avez déjà entendu? Et vrai qu'il fait du sens.
Mais en certaines occasions, la location peut également être une bonne affaire - notamment si le taux d’intérêt pour un terme donné est plus avantageux que celui réclamé pour le financement.
Certes, en fin de bail, un locataire doit assumer la valeur résiduelle de la voiture. Ce qu'il fait soit en versant plusieurs milliers de dollars pour « l’acheter », soit en rendant les clés - pour ensuite repartir à zéro.
Mais pour ceux qui aiment changer de véhicule à tous les trois ou quatre ans, la location est généralement plus avantageuse que l’achat, « à condition de ne pas se mentir, dit Jesse Caron, agent de recherche chez CAA-Québec : louer à répétition, ça coûte cher."
Car pour ces "girouettes" de l'automobile, la location a le bon côté de fixer à l'avance la valeur du véhicule en fin de bail. En cours de route, le modèle s'est montré peu fiable? La voiture a dû être réparée à la suite d'une collision? Le locataire pourra s'en débarrasser plus facilement que l'acheteur: il lui suffira de rendre la voiture (d’usure normale, bien sûr) pour effacer sa dette.
L'acheteur, lui, devra probablement assumer une perte – en plus de devoir mettre en vente, rencontrer les clients potentiels, négocier le prix… « Autant de démarches qui demandent du temps et créent des frustrations," dit M. Caron.
Invisible, mais coûteuse: la dépréciation
On vient de le dire, la location "à perpétuité" fait mal au portefeuille - tout comme d’ailleurs la revente d'un véhicule après seulement quelques années. Et pour cause : toujours rouler dans une voiture neuve (ou presque neuve) fait que son propriétaire/locataire paie constamment des intérêts... en plus d'absorber à répétition la dépense automobile la plus coûteuse qui soit: la dépréciation.
Cette dernière réalité, bien qu’invisible, est pourtant très réelle: davantage que les réparations et l'entretien, et beaucoup, beaucoup plus que les dépenses en carburant, c'est la dépréciation qui coûte « automobilement » le plus cher. Jusqu'à la moitié de la valeur de la voiture après trois ou cinq ans, selon les modèles, soutient Dennis DesRosiers, grand manitou de la statistique automobile au Canada.
Autrement dit: la perte de valeur d’une voiture au cours de ses premières années d'existence, même d’une voiture compacte, est beaucoup plus importante que le coût, par exemple, d'une nouvelle transmission. C’est dire que ceux qui ne veulent rouler qu’en véhicules encore protégés par la garantie d’origine paient très cher cette police d’assurance : « C'est littéralement du luxe que de se payer en permanence la protection complète et 'béton' du constructeur automobile," dit M. Caron.
Besoin d'être rassuré que tout tournera rondement? Offrez-vous plutôt une garantie prolongée. Ou dites-vous "que si votre véhicule était un 'citron', les problèmes se seraient déjà manifesté pendant la durée de la garantie," dit encore M. Caron.
Et heureusement, des citrons, il y en a de moins en moins sur le marché; la qualité des véhicules s'est de beaucoup améliorée à la dernière décennie. Ce qui signifie que "pour le kilométrage moyen annuellement parcouru par les automobilistes québécois, affirme M. Caron, un véhicule âgé de quatre ou cinq ans, avec 80 000km au compteur et bien entretenu, est encore bon pour rouler... deux fois plus loin et deux fois plus longtemps."
Pas que le paiement mensuel
On le sait, les publicités automobiles misent sur la "location à seulement 199$ par mois". Et il est logique que la location exige moins de débours mensuels que le financement, puisque le locataire ne paie qu'un temps (déterminé) d’utilisation du véhicule.
Mais... "On ne doit pas qu'acheter un petit paiement, met en garde M. Caron. C'est une grossière illusion de penser que la location ne coûte pas cher."
Oui, la location peut être avantageuse dans le cas d'un budget très, très limité et "à condition de faire preuve de discipline", dit encore M. Caron. Ainsi, les sommes mensuellement "épargnées" devraient servir à rembourser des dettes à des taux plus élevés - une carte de crédit, par exemple.
Il faut néanmoins se souvenir qu'au terme de la location, par exemple de 48 mois, ce "petit paiement" de 199$ aura représenté plus de 9550$ (plus taxes) pour un véhicule... qui ne nous appartient toujours pas. Surtout, il faut se mettre en tête que "petit paiement" ne signifie pas nécessairement "faible coût". Bien au contraire: avez-vous remarqué que les plus faibles mensualités cachent souvent les taux d'intérêt les plus élevés?
Danger: monter en gamme
Trop de gens s'arrêtent encore à ce que la location coûte par mois. Tout au plus, ils comparent avec le paiement mensuel, inévitablement plus élevé, qu'ils débourseraient s'ils choisissaient d'acheter, plutôt que de louer la voiture.
Certains, devant "un si petit paiement", se laissent tenter par une voiture plus grande, mieux équipée et, par conséquent, plus chère que ce qu'ils avaient d'abord budgété. Mais si la location rend les modèles de luxe plus accessibles, elle ne réduit absolument pas leur véritable coût. Et il ne faudrait surtout pas oublier que "plus on monte en gamme, plus les véhicules coûtent cher d'entretien," rappelle M. Caron.
Voir l'équation dans son ensemble
C'est pourquoi il faut analyser tous les éléments de l'équation, à commencer par le plus important: le taux d'intérêt.
Il faut également tenir compte du terme du contrat, des versements (mensuels ou aux deux semaines?), des taxes, des frais de transport et de préparation, du comptant versé ou de la valeur de la voiture qu'on laisse (peut-être) en échange.
L’équation devrait aussi inclure une marge de manœuvre pour les frais d'utilisation qui, nécessairement, s'ensuivront: essence, immatriculations, pneus, entretien...
C'est donc l'ensemble de la transaction qu'il faut regarder. Et généralement, pour qu'une affaire en soit une bonne, il faut opter non seulement pour le plus petit taux d'intérêt possible, mais également pour le plus petit terme possible - les intérêts courent alors moins longtemps.
Quand la location se fait plus "intéressante"
Il se peut que le meilleur taux d'intérêt soit celui offert à la location - et non au financement. Il peut alors s'avérer avantageux de louer, pour racheter en fin de bail si la voiture nous convient toujours.
Mais avant de sauter à pied joint dans ce mode d'emprunt, il faut prévoir que la valeur résiduelle de la voiture (ce qu'il faudra payer pour la conserver) devra être financée. Fort probablement, il faudra alors faire appel à un emprunt bancaire ou à une marge de crédit - à des taux généralement plus élevés que les 2% ou 3% annoncés dans les publicités d'automobiles neuves.
Par ailleurs, il faut s'assurer que la valeur résiduelle soit, dès le départ, bien estimée. "Il n'y a pas si longtemps, dit M. Caron, ces valeurs étaient surévaluées – ce qui permettait de réduire les mensualités. Mais de plus en plus, on voit au contraire des valeurs très basses, comme si les constructeurs ne voulaient plus assumer le risque de la location."
Conséquence d'une telle estimation du prix en deçà de ce que vaudra la voiture sur le marché, au terme du bail? "Le locataire se retrouve à défrayer une plus grande partie de l'utilisation qu'il fera du véhicule," répond M. Caron.
Et à ce compte-là, mieux vaut faire l’effort mensuel de quelques dizaines de dollars de plus par mois pour... l’acheter, cette voiture.
Financer sur sept ou huit ans... à éviter!
Le financement automobile sur sept, voire sur huit ans est une tendance récente. S’agit-il d’une bonne affaire ou d’un piège? À cette question, CAA-Québec répond: «Les consommateurs sont généralement perdants.»
Vrai qu'avec leur qualité et leur durabilité en hausse, les voitures d'aujourd'hui peuvent davantage se prêter à des termes de 84 ou même de 96 mois.
Et soyons clairs: si Honda proposait sa Civic - la voiture la plus vendue au pays depuis 15 ans et la championne de la fiabilité, s'il en est une - assortie d'un financement sur huit ans à 0% d'intérêt, les consommateurs seraient fous de ne pas profiter de l'occasion.
Mais sinon, dit CAA-Québec, le financement automobile à long terme n'est généralement pas une bonne affaire - surtout pour des modèles dont la fiabilité n'est pas légendaire.
Certes, les mensualités réparties sur sept ou huit ans sont plus petites que si elles étaient réparties sur quatre ou cinq ans. Mais il suffit de les additionner pour s'apercevoir à quel point l'intérêt qui galope (pendant plus longtemps et à des taux généralement plus élevés) se traduit par des milliers de dollars supplémentaires à payer pour la même voiture.
Par ailleurs, un financement sur sept ou huit signifie que l'on paie encore tous les mois... une voiture dont la garantie du constructeur est échue. C’est dire qu'en plus des paiements mensuels, il faudra peut-être assumer des réparations.
Enfin, dépréciation oblige, celui qui finance son véhicule sur une très longue période et qui doit s'en départir avant d'avoir fini de le payer, risque de se retrouver à rembourser une dette plus élevée que la somme qu'il pourra tirer de la revente.
Voilà autant de raisons pour acquitter le plus rapidement possible son automobile... quitte à se procurer un modèle moins coûteux ou moins bien équipé.