Comprendre en 8 trucs la vie des motocyclistes
1) Maintenant que vous les voyez…
On vous a donné ici les cinq raisons pour lesquelles vous ne les voyez pas, les motos, sur la route et depuis, vous leur portez une attention toute particulière. Bravo, mais…
… connaissez-vous tous les défis que représente le fait de rouler sur deux roues?
À moins que vous ne soyez vous-mêmes un motocycliste, vous ne savez pas que ces manoeuvres si naturelles à bord de nos voitures – accélérer, virer, freiner, circuler sous la pluie battante – deviennent de sérieuses menaces pour qui roule en équilibre sur deux étroites surfaces de caoutchouc.
Alors, avant de trop faire flirter votre carrosserie automobile avec le genou d’un motocycliste, de le suivre de trop près ou de lui couper la voie, même par mégarde…
… lisez ces conseils qui vous permettront de mieux assurer la protection des de ce qui, mine de rien, est le plus petit véhicule motorisé du réseau routier.
2) … laissez-leur leur espace vital
C’est si tentant, pour un automobiliste pressé ou simplement distrait, d’empiéter sur les deux tiers d’une voie laissés libres par un motocycliste. Mais gruger l’espace vital d’une moto entraîne de funestes conséquences.
Cet espace vital ne se résume pas qu’aux quelques pouces qui l’entourent, elle et ses occupants. Au contraire, comme pour une voiture, il comprend toute la voie dans laquelle elle circule. Et de cet espace, elle en a grand besoin pour:
- éviter le centre où peuvent s’agglutiner des résidus d’huile ou de liquides, qui risquent de transformer le bitume en patinoire aussi momentanée qu’instantanée, du moins pour qui roule sur deux roues;
- conserver une marge de manoeuvre à droite ou à gauche de la voie, advenant la nécessité de s’éloigner d’un poids lourd qui déplace de l’air;
- maintenir une distance sécuritaire avec les autres usagers de la route si Mère Nature envoie un bon coup de vent, anodin pour les automobiles plus larges et plus stables, mais qui ferait soudainement se déporter la moto;
- se garder une «porte de sortie» dans l’éventualité soudaine d’un cahot ou d’un débris. On s’en doute, pareil obstacle ne fera généralement que secouer la suspension d’une automobile, mais le motocycliste qui n’aura d’autre choix que d’y rouler perdra presque assurément le contrôle.
Et une perte de contrôle en moto, surtout à vitesse d’autoroute, ça fait nécessairement mal.
3) Laissez-les gérer leur sécurité
Autre raison de leur laisser leur espace vital: vous leur permettez de rouler dans la portion de gauche de la voie sans craindre de se faire «voler» la portion de droite.
En effet, bon nombre de motocyclistes croient s’assurer d’une meilleure visibilité lorsqu’ils roulent directement devant les yeux du conducteur qui suit derrière. (Et c’est sans doute le cas, en autant que ledit conducteur porte ses yeux sur la route et non sur son cellulaire ou sur son écran de navigation…)
Donc, si vous apercevez un motocycliste se balader d’un côté à l’autre de sa voie, ne pensez pas qu’il s’amuse à vous narguer.
«Lorsque vous nous voyez ainsi changer de position dans la voie autoroutière, c’est que nous sommes en train de gérer notre sécurité,» dit Robert Langlois, qui pilote des motos depuis quatre décennies, en enseigne la conduite depuis trois décennies et dirige l’école Tecnic Moto de Montréal Ouest depuis plus d’une décennie.
4) Gardez-vous une petite gêne
La plus grande peur des motocyclistes est d’avoir à freiner d’urgence. Car aussi performantes soient-elle, les motos ne peuvent freiner sur le légendaire dix cents.
Contrairement aux systèmes ABS et de contrôle de stabilité qui font aujourd’hui pratiquement tout le travail lors d’un freinage d’urgence automobile, il est très difficile de faire ralentir une moto.
Même pour un expert comme Bertrand Gahel: «C’est très simple, si on barre la roue avant, on est à terre en une fraction de seconde, dit l’auteur du livre Le Guide de la Moto publié depuis deux décennies:. Et on se dit alors: ‘Merde, je vais mourir’.»
C’est donc avec précaution que la moto amorce son freinage, quand ce n’est carrément pas une douce décélération – ce qui ne fera pas s’activer les feux arrière.
Ceux qui suivent n’ont alors aucune signalisation lumineuse à l’effet que la moto qui les précède réduit sa vélocité. D’où l’importance de se garder une petite gêne et de suivre de loin.
Tout au contraire, une moto vous dépasse sur l’autoroute? Maintenez votre voie et votre vitesse le temps qu’elle effectue sa manoeuvre de façon sécuritaire.
Ne lui réservez pas la mauvaise surprise, même involontaire, du «coup de roue». «En auto, un coup de roue, c’est généralement sans conséquence, mais en moto, ça peut nous tuer,» dit Pierre Lessard, instructeur de conduite moto depuis 35 ans et auteur du livre Conduire sa moto en pro (2006).
«Laissez-nous notre air, renchérit Robert Langlois, nous aurons ainsi une bien meilleure chance de nous en tirer vivant si un pépin survenait.»
5) Quand ça se morpionne
Lorsque les conditions de la chaussée se dégradent, c’est encore pire pour les motos que pour les autos: elles perdent l’adhérence déjà fortement réduite, en conditions clémentes, par le fait qu’elles n’ont que deux pneus…
… qui plus est des pneus deux fois plus étroits que pour ceux de nos véhicules.
«Même que de l’adhérence, les motos n’en ont plus du tout sur les lignes peintes de la signalisation lorsque celles-ci sont rendues glissantes par la pluie, dit Robert Langlois. Nous devons alors tout faire en douceur: accélérer, freiner, nous incliner… »
Soyez donc patient avec leurs manoeuvres – et priez pour qu’un pont se dessine à l’horizon pour leur permettre de se mettre à l’abri.
6) Parce que ça fait (toujours) très mal
Si un véhicule en emboutit un autre à basse vitesse, on parle généralement de tôle froissée, de constats amiables et de réparations à l’atelier de carrosserie. Mais pour une moto, aucune protection de tôle ou un coussin gonflable pour diffuser l’impact.
Le pare-choc est nul autre que… le motocycliste lui-même. Tout contact, aussi léger soit-il avec un autre véhicule, une chaîne de trottoir ou n’importe quel autre obstacle, «même un tout petit accrochage avec l’une de nos roues peut nous faire tomber,» dit Robert Langlois.
«Et alors, ce n’est pas que du métal qui est froissé, dit Costa Mouzouris, instructeur de conduite moto et chroniqueur depuis 15 ans pour plusieurs publications, dont le magazine Canada Moto Guide. C’est de la peau qui est déchirée ou toute autre partie du corps qui est blessée. Et malheureusement, les cours à scrap ne vendent toujours pas de rotule ou de clavicule…»
7) Se poser la question, c’est y répondre…
On le dit et on le répète: de par sa «petitesse», une moto risque de se retrouver beaucoup moins loin d’une automobile que ce qu’en perçoit le conducteur.
Ajoutez à cela des vitesses de pointe parmi les plus puissantes du marché et…
… pour elles, prenez donc plus que pas assez de précautions.
Vous pensez avoir le temps de virer avant son passage? «Laissez faire le “J’pense que j’ai le temps”, dit Bertrand Gahel. Si vous vous posez la question, ne prenez pas de risque: accordez-nous la priorité.»
8) Le remède: faites le test!
Le meilleur remède pour que les automobilistes soient conscientisés aux manoeuvres et aux précautions auxquelles doivent quotidiennement faire face les motocyclistes serait peut-être que tous et chacun fasse, au moins une fois dans sa vie, une virée sur deux roues.
«Les gens à qui l’on enseigne nous le disent: dès les premiers tours de roue à moto, ils deviennent de bien meilleurs automobilistes,» rapporte l’instructeur Robert Langlois.
Même sur le siège arrière d’une moto menée par un pilote chevronné, l’aspirant-motard prendra toute la mesure du danger qui existe dans la co-habitation routière. Et par la même occasion, il découvrira pourquoi la conduite sur deux roues plaît à tant de gens…
Saviez-vous que…
… au Québec, près des deux tiers des accidents qui surviennent à moto impliquent un autre véhicule, dit la Société de l’assurance automobiles du Québec (SAAQ). Dans 40% de ces cas, la collision se produit à une intersection.
Merci à NOS EXPERTS
PIERRE LESSARD: Instructeur de conduite moto depuis 35 ans, auteur du livre Conduire sa moto en pro. (Éditions Isabelle Quentin, 2006)
COSTA MOUZOURIS: Instructeur de conduite moto, chroniqueur depuis 15 ans pour plusieurs publications, dont le magazine Canada Moto Guide et le quotidien National Post.
ROBERT LANGLOIS: Directeur – Propriétaire de l’école de conduite Tecnic Montréal Ouest et instructeur de conduite depuis trois décennies. Il fut chroniqueur pendant 25 ans à la défunte revue MotoJournal.
BERTRAND GAHEL: Auteur du livre Le Guide de la Moto, publié depuis deux décennies, journaliste collaborateur à la Presse depuis 2003.