Changer souvent de voiture: pas toujours un bon débarras...
Le scénario qui suit n’est pas tiré d’Hollywood, mais bien de la vraie vie : si vous prenez grand soin de votre véhicule, il vous le rendra. Au point de parcourir de dix fois à douze fois l’équivalent du tour de la terre, peut-être même plus.
La belle affaire, dites-vous ? Et comment : en conservant son véhicule plutôt que de le troquer contre un flambant neuf à tous les cinq ou sept ans*, l’automobiliste économise des milliers de dollars (voir encadré La Grande Séduction).
Mais pour parvenir à de telles fins, il faut nécessairement se faire le ou la James Bond de l’entretien mécanique. Voici comment.
La règle du jeu
Ce n’est pas arrangé avec le ‘gars des vues’ : conserver longuement son véhicule en bon état est possible, à condition de respecter religieusement le carnet d’entretien.
Ce carnet, mis au point par le constructeur, fait partie intégrante du manuel du propriétaire – vous savez, cet épais bouquin refoulé dans la boîte à gants et dont les pages n’ont jamais été tournées?
Prenez un moment pour l’extirper de son abri obscur, et consultez-le. Vous y découvrirez à quel moment et/ou à quelle fréquence sont requis les vérifications de fluides, les vidanges d’huile, la rotation des pneus, le remplacement des filtres, les inspections mécaniques… Bref, vous avez entre les mains la bible automobile.
Deux programmes y sont généralement proposés : régulier et intensif. «Choisissez l’intensif, suggère fortement Raynald Côté, de CAA-Québec. C’est ce que nous recommandons pour nos conditions routières, particulièrement celles hivernales.»
La Turbulence des fluides
Entre les visites au garage, il convient de procéder à ses propres inspections. Un coup d’œil sous le capot peut exposer des canaux qui fuient, des fils de bougie fendus, des courroies lâches. Si c’est le cas, faites-y voir rapidement.
Surtout, vérifiez régulièrement les fluides. Faute d’un niveau approprié de liquide de refroidissement, d’huile à transmission, à servo-direction, à freins ou à moteur, les diverses composantes du véhicule s’endommagent inutilement.
Ces vérifications, effectuez-les lorsque le véhicule se trouve sur une surface plane – le moteur doit être chaud lors de l’examen de l’huile à moteur. Pour cette dernière, les experts conseillent l’huile synthétique : «Elle coûte le double de l’huile minérale, mais son rendement est supérieur parce qu’elle reste fluide autant à basse qu’à haute température,» dit Raynald Côté.
Erreurs boréales
Parce que vous roulez en territoire nordique, avec son lot de tempêtes hivernales presque six mois par année, ne commettez pas l’erreur boréale de passer outre le traitement antirouille. Que vous le choisissiez unique ou annuel, il vous aidera à repousser les attaques de corrosion.
Autre bévue qui accélère le vieillissement automobile : le démarrage par temps froid. «Un seul démarrage à froid équivaut à 500 kilomètres d’usure sur autoroute,» déclare Raynald Côté.
Afin de parer au problème, l’expert de CAA-Québec recommande l’utilisation d’un chauffe-moteur: «Loin d’être une coquetterie, le bon vieux ‘block heater’ est une excellente façon de prolonger la vie d’une voiture.»
Little Miss Sunshine
Sur un air connu : laver, laver, savez-vous savonner…?
«Un bon passage au lave-auto est un moyen efficace de faire durer son véhicule,» affirme Bernard Marcil, directeur des Centres techniques de vérifications CAA-Québec Montréal/Dorval.
Tout au cours de l’hiver, calcium, sable et gravier viennent se loger sous le châssis des véhicules, autour des moulures et dans le passage des roues. Une belle journée d’hiver où le mercure y met du sien devrait être une excellente occasion de nettoyer à grande pression l’extérieur – et le dessous! – de son véhicule, question de lui redonner tout son lustre.
Aussi, une application annuelle de cire protégera la peinture. Enfin, question d’éviter l’assèchement des caoutchoucs, un petit coup de lubrifiant à base de silicone réhydratera ceux des portières et du coffre.
Bonheur d’occasion
Personne n’aime savoir son véhicule chez le garagiste, en quête d’une réparation de plusieurs centaines de dollars. Pourtant, les réparations sont inévitables sur une voiture qui prend de l’âge. «Mais ces coûts sont presque toujours inférieurs à la dépréciation que subit une voiture neuve,» soutient Éric Brassard, auteur de Finance au Volant.
Certes, les automobilistes habitués à une bonne voiture qui n’a exigé que l’entretien normal seront peut-être inquiets de sa fiabilité après de nouveaux joints de cardan ou un nouveau radiateur. Mais il faut savoir que les réparations se stabilisent au 8e ou 9e anniversaire d’un véhicule – pour la simple et bonne raison que l’on aura alors changé à peu près tout ce qu’il y avait à changer!
Horloge biologique
Rouler son véhicule pendant 12 ou 15 ans, c’est une chose. Mais de l’autre côté du décor, il y a l’acharnement mécanique. Ainsi, un moteur qui expire peut signifier que l’horloge biologique a plus que sonné pour les autres organes vitaux.
Vous hésitez entre un autre tour de manivelle ou une tombée du rideau bien méritée? Une visite s’impose à l’un des Centres techniques de vérifications CAA-Québec. Les techniciens, diagnostic détaillé à l’appui, vous renseigneront de façon objective sur la santé globale de votre fidèle.
La Grande Séduction
Un nouveau véhicule, c’est si attirant. Il démarre au quart de tour, est bardé de garanties et bénéficie d’éléments de sécurité devenus indispensables au fil des ans. Force du dollar canadien oblige, le prix d’étiquette en est possiblement à la baisse, avec en prime un taux de financement intéressant – voire nul.
Mais souvenez-vous : comme dans toute relation, la Grande Séduction d’une voiture neuve ne subsiste qu’un temps. L’attrait de la nouveauté pâlit au bout de quelques semaines et ça ne sentira «le neuf» guère plus longtemps. La réalité reprendra alors son cours.
Cette réalité veut que l’on consacre, en moyenne au Canada, 26 semaines de son salaire après impôt à l’acquisition d’une nouvelle voiture. Tant d’argent, pour quelque chose qui déprécie si vite…
Le mythe n’en est pas un: «Dès qu’un véhicule quitte le concessionnaire, il perd 20% de sa valeur,» dit Dennis DesRosiers, grand manitou de la statistique automobile au pays. Après trois ou cinq ans, il aura perdu la moitié de leur valeur, dit-il.
Comment amortir le coup? En répartissant cette dépréciation sur le plus grand nombre d’années possible.
Dany Provost, planificateur financier et président de Delta services actuariels (à Québec), a analysé les économies réalisées par le propriétaire d’une Honda Civic qui conserve sa voiture pendant 12 ans, versus celui qui la change aux six ans et celui qui en loue une neuve aux quatre ans.
M. Provost a considéré non seulement le coût de la voiture, mais aussi son entretien, ses réparations, ses coûts d’assurance et sa valeur résiduelle.
Les résultats sont sonnants : l’économie est de 12 000$ dans le premier cas, et de 23 000$ dans le second – soit le coût d’une autre voiture, et fort bien équipée s’il vous plaît !
Surpris? Éric Brassard, de Finance au volant, ne l’est pas : «Sauf exception, il est toujours plus économique de garder sa voiture que d’en acheter une neuve,» conclut-il.
Bon Cop, Bad Cop
Si vous êtes à l’aube d’un achat automobile et que vous souhaitez faire durer votre nouvelle acquisition, il vous faut dès le départ faire le bon choix.
Des voitures plus fiables que d’autres, ça existe. Les guides automobiles vous le disent, les experts de la centrale téléphonique de CAA-Québec peuvent aussi vous éclairer.
Les marques japonaises ont évidemment la cote mais, depuis un an ou deux, certains modèles nippons se sont montrés moins fiables, alors que des modèles américains ont particulièrement bien fait.
* Le parc automobile québécois a en moyenne sept ans.
** Finance au Volant, Éric Brassard
Éric Brassard Éditeur, Bien gérer, bien vivre
Série Louer, acheter, emprunter – automobile
371 pages, 2003, 25,95$