Urbee: On vous en imprime combien de copies?
Vous avez bien lu: l’Urbee est imprimée, merci à ces nouvelles technologies d’impression en 3D (trois dimensions) qui ont, jusqu’à présent, permis de reproduire avec exactitude des objets aussi fous que des armes à feu.
Et le projet automobile est bien réel. Non seulement un premier prototype existe, à l’échelle 1/6 et grandeur nature, mais un second est dans le “pipeline”.
Et il devrait voir le jour à temps pour qu’à l’été 2016, il soit conduit de New York à San Francisco – et en revienne, devenant du coup la première voiture “imprimée” à traverser les États-Unis de bord en bord.
Ce “Urbee Coast to Coast Challenge” voudra souligner la (même) fibre pionnière qui a motivé, il y a plus d’un siècle, le jeune physicien Horatio Nelson Jackson.
À la suite d’une gageure de 50$, Jackson (en compagnie du mécanicien Sewall Cocker et du chien… Bud) avait entrepris, le 23 mai 1903, de rouler de San Francisco à New York en voiture – le premier périple nord-américain du genre.
“Scooper” les grands?
Mine de rien, le projet Urbee ne date pas d’hier. Depuis près de 20 ans, son instigateur, l’ingénieur en mécanique Jim Kor, natif de la Hollande mais débarqué à l’âge de sept ans – et résidant toujours – à Winnipeg, Manitoba, réfléchit à la création de moyens de transports écologiques.
Au fil du temps, l’homme, aujourd’hui de 62 ans, s’est adjoint des amis ingénieurs et dessinateurs. Ensemble, ils ont développé l’Urbee (pour Urban Electric Ethanol), une voiture qui ne mise, comme son nom l’indique, que sur des énergies renouvelables.
Avoir eu les fonds nécessaires pour la développer plus rapidement, le groupe de créateurs aurait “scoopé” bien des avancées technologies automobiles avec l’Urbee, une deux places hybride exhibant l’une des silhouettes les plus aérodynamiques de l’industrie, promettant de rouler 100% électrique en ville (jusqu’à concurrence de 50 km), mais misant pour les plus grandes distances sur un traditionnel (mais très petit) moteur à combustion.
Deux fois moins “gourmande” que la Volks XL1…
Mais bon, faute de fonds et de financement, l’Urbee s’est fait devancer, au fil des années, par les Toyota Prius et autres hybrides de ce monde. Puis, la Chevrolet Volt est débarquée, cette électrique avec motorisation d’appoint (en tout point semblable à la philosophie de l’Urbee) et qui, actuellement, est l’une des meilleures solutions en la matière.
Plus récemment, il y a aussi eu cette Volkswagen XL1 qui, avec sa forme en cigare, ressemble d’ailleurs étrangement à l’Urbee. Si l’aérodynamisme de l’Allemande est impressionnant (0,19cx), il n’est cependant pas aussi réussi que le 0,15cx de l’Urbee. (En comparaison, la Toyota Prius se contente d’un coefficient de traînée de 0,25cx).
Alors que la Volkswagen XL1 mise sur un moteur d’appoint de deux cylindres diesel (TDI) pour se propulser de quelque 68 chevaux, l’Urbee va encore plus – ou plutôt, moins loin: afin de propulser ses trois (et non quatre roues), une fois l’énergie électrique épuisée, son moteur d’un seul cylindre, alimenté à l’éthanol, ne développe que… 7 chevaux.
Mais, dit son concepteur Jim Kor, voilà qui est suffisant pour maintenir à vitesse de croisière celle qui ne pèse que 545 kg – soit un tiers moins de kilos que la Volks XL1.
L’objectif ultime de l’Urbee? Consommer moins d’un litre aux 100km sur l’autoroute.
Soit deux fois moins que la Volkswagen XL1.
Imprimez-moi ça en trois copies, SVP!
Surtout, surtout: là où l’Urbee se distingue férocement des réalisations des grands constructeurs automobiles, c’est qu’elle est… imprimée.
Bon, enlevez-vous tout de suite de la tête qu’on parle ici de papier. On parle plutôt de ces plastiques composites très rigides, qui prennent les formes tri-dimensionnelles que lui ordonne un de ces nouveaux appareils d’impression 3D, mince couche après mince couche.
Tout ce qui est visible et palpable de la structure du véhicule, soit près la moitié des pièces, est ainsi “imprimé” (dans les studios de RedEye, une filiale de Stratasys, un fabricant américain d’imprimantes 3D).
Parmi les avantages de cette technologie 3D que l’on commence à peine à pressentir, il y a, majoritairement, celui de la rapidité.
Car il est désormais possible d’aboutir à des conceptions aussi élaborées que des… automobiles, sans devoir recourir à des moules sur mesure, qui livrent des pièces qu’il faut ensuite assembler – et souvent ajuster à l’infini, sans jamais être assuré des résultats.
Autrement dit, avec l’impression 3D, les prototypes prennent vie plus rapidement – et plus efficacement. Et s’ils venaient à être assemblés en volume, ils seraient tellement, tellement moins coûteux à produire.
Trois millions de dollars…
Car production, Jim Kor dit qu’il y aura.
Bon, il faudra d’abord amasser la rondelette somme de trois millions de dollars pour mener à bien les démarches de conception, fabrication et distribution.
Et parce qu’il vise le marché mondial, le Manitobain d’adoption devra prendre en compte les différentes réglementations environnementales, de sécurité et autres qui, d’un pays à l’autre, donnent d’incessants maux de têtes même aux géants de l’automobile.
Mais quand bien même: parti comme ça l’est, l’Urbee pourrait prendre place dans les anales automobiles comme la première voiture tri-dimensionnellement imprimée.
Et sans doute aussi comme l’une des plus vertes, avec sa propension à n’être propulsée que par des énergies renouvelables – l’électricité et l’éthanol.
… et quelques folies plus tard
Et pour prouver que la chose fonctionne, Jim Kor entend remettre, à l’été 2016, les clés de l’Urbee à ses deux fils Cody (22 ans) et Tyler (20 ans), pour qu’en compagnie de Cupid, le chien de la famille, ils relient New York à San Francisco sur un seul tout petit réservoir de 38 litres d’éthanol.
Ils feront ensuite le plein afin de reprendre, en sens inverse, les 4775 kilomètres qu’a parcouru, plus d’un siècle auparavant, le pionnier Horatio Nelson Jackson avec sa Winton de 20 chevaux.
Mais alors que ce dernier, après moult péripéties, avait mis 63 jours, 12 heures, 30 minutes et… 800 gallons d’essence pour rejoindre sa destination, Google Maps soutient que les deux jeunes hommes pourront parcourir la distance en moins de deux jours.
Et Jim Kor ajoute qu’un seul plein de 10 gallons d’éthanol suffira pour ce retour commémoratif – soit 80 fois moins de carburant qu’en 1903.
L’histoire ne dit pas si quelqu’un a reconduit la gageure de 50$ d’hier (elle serait de 1300$ en dollars d’aujourd’hui…), mais une chose est sûre: si personne ne rêvait aussi follement, il n’y aurait pas eu de Model T au début du siècle dernier.
Et encore moins de Tesla électrique aujourd’hui.
Qui sait: la prochaine étape sera peut-être de s’imprimer… une Bugatti Veyron?