Tesla promet des pick-ups, des bus, des toits solaires...

«Le premier plan directeur que j’ai rédigé il y a dix ans est maintenant dans sa phase finale de réalisation. Ça n’était pas si compliqué et essentiellement, ça tenait en ceci:

• concevoir une voiture à faible volume, nécessairement dispendieuse;

• utiliser cet argent pour développer une voiture de volume moyen, à prix inférieur;

• utiliser cet argent pour produire une voiture de masse qui soit abordable;

• et… fournir de l’énergie solaire. Sans blague, ce dernier point figure dans notre site Internet depuis dix ans.»

C’est en ces termes qu’Elon Musk, le grand patron de Tesla, a lancé son second Master Plan, soit la suite de sa grande aventure de développement durable. Notez que si la plupart des communiqués émis sur le blogue du constructeur californien? sont signés «l’équipe Tesla», celui-ci, tout au contraire, est carrément paraphé du natif de l’Afrique du sud.

D’une plume personnelle rarement vue dans pareilles publications corporatives, celui qui a fait fortune avec PayPal, et qui se trouve sous de bien mauvais projecteurs depuis l’annonce toute récente du premier décès de l’histoire survenu dans une voiture autonome, aurait-il voulu détourner l’attention?

Si c’est le cas, ça marche. Parce que sa vision pour les prochaines années d’affaires est d’une telle audace qu’elle occulte tout autre sujet:

• intégrer au sein de Tesla la compagnie-soeur de panneaux SolarCity, afin de fabriquer des toits solaires automobiles (avec batteries, évidemment) qui soient «élégants et fonctionnels». Les visées sont mondiales pour cette «expérience de commande» à guichet unique: «une installation, un point de contact, une app.»

• Ajouter aux actuels Model S (berline) et Model X (VUS), un utilitaire compact et «un nouveau type» de camionnette. Si un modèle, plus abordable que la berline compacte Tesla Model 3 en devenir (35 000$US), est envisagé? Non, affirme Elon Musk, pour la simple et bonne raison qu’il sera possible de… rentabiliser sa Tesla.

• En effet, merci à l’économie de partage automobile, les propriétaires qui n’utilisent pas leur Tesla pourront la mettre à la disposition des autres en besoin de transport – dans ce qu’Elon Musk envisage comme le AirBnb de l’automobile. De quoi réduire «considérablement le coût réel de possession, au point où presque tout le monde pourra se procurer une Tesla!»

• L’histoire n’explique pas comment, si tout le monde peut posséder une Tesla, il se trouvera des gens pour avoir besoin d’en louer une. Au contraire, Elon Musk promet que «dans les villes où la demande excède l’offre de voitures appartenant à des clients, Tesla exploitera sa propre flotte, de sorte que vous pourrez toujours nous héler, peu importe où vous êtes.»

• Offrir des véhicules électriques pour toutes les formes de transport… terrestre (sic). Des autobus Tesla et des camions de marchandise seraient déjà aux «premières étapes de développement» et devraient «être dévoilés l’an prochain», dit encore Elon Musk. Les Tesla Semi auraient tous les atouts: ils réduiraient substantiellement les coûts d’acheminement cargo, amélioreraient la sécurité routière et seraient… vraiment plaisant à opérer», écrit Musk.

Notez qu’il a dit «opérer», pas «conduire»…

Conduite autonome: Elon Musk persiste et signe

Et c’est ce qui nous amène au point si sensible par les temps qui courent: la conduite autonome.

Loin de reculer devant l’ampleur de la tâche, le fondateur de Tesla persiste et signe, affirmant que la technologie arrivera «à maturation», mais que ce «perfectionnement et cette validation mettra plus de temps (à le faire) que d’installer des caméras, des radars et des capteurs.»

Et alors que Consumer Reports, l’organisme de protection des consommateurs américains, “implore Tesla de désactiver son système AutoPilot pour les véhicules déjà en circulation, Elon Musk ajoute:

«Si Tesla déploie une conduite autonome partielle (NDLR: notez le qualificatif…) maintenant plutôt que d’attendre, c’est que lorsque utilisé correctement, le système est déjà beaucoup plus sûr qu’une personne qui conduit d’elle-même. Il serait donc moralement répréhensible d’en retarder la libération uniquement par crainte de mauvaise presse ou par considérations mercantiles en responsabilité juridique.»

Bouchon poussé trop loin?

Il y a ceux qui ne jurent que par les actions- et les visions d’Elon Musk. Il y a ceux qui voudraient bien y croire. Et il y a les analystes, comme ces deux expertes automobiles interviewées un peu plus tôt cette semaine par le USA Today et qui doutent de la faisabilité de pareils objectifs.

«Si la première partie du plan directeur d’Elon Musk était équivalente à mettre un homme sur la Lune, la deuxième partie peut se comparer à la colonisation de la galaxie,» a déclaré Jessica Caldwell, analyste pour Edmunds.com.

Michelle Krebs, d’Autotrader, a été encore plus directe: «Comme d’habitude, Elon Musk a établi un plan d’avenir grandiose, mais sans donner d’échéance ou même de détails, sans faire mention du comment et du quand Tesla sera rentable. Ce plan d’action veut offrir des modèles électriques pour tous les principaux segments de marché, mais la compagnie n’a pas atteint ses objectifs de production avec son actuelle gamme pourtant réduite (…).»

Rappelons que malgré sa décennie d’existence et des clients hautement, voire religieusement fidèles, Tesla n’a toujours pas généré de profits. Même qu’au premier trimestre de l’année, la compagnie enregistrait des pertes nettes d’un quart de milliard de dollars américains.

Elon Musk a dit…

… dans la catégorie Ouch:

«En date de 2016, la liste des constructeurs automobiles américains qui n’ont pas fait faillite se résume à un grand total de deux: Ford et Tesla.»

…. dans la catégorie Ne vous inquiétez pas:

«Lorsque que nous arriverons au point où l’Autopilot sera environ 10 fois plus sûr que la moyenne des véhicules des États-Unis, l’étiquette Beta sera supprimée.»

… dans la catégorie C’est beau rêver:

«Avec le déploiement de la conduite autonome, il sera judicieux de réduire la taille des autobus (…). La congestion s’améliorera avec l’augmentation de la capacité en termes de passagers, puisqu’on éliminerait l’allée centrale pour y installer des sièges (…). Et parce qu’avec leurs accélérations et leur freinage égalant ceux des autres véhicules (…), ils contribueront, contrairement aux autobus traditionnels, à la fluidité de la circulation.»