C’est à Oakville en banlieue de Toronto, à l’occasion de l’ouverture d’un nouveau concessionnaire Alfa Romeo / Maserati (le 6e établissement de la famille italienne au Canada), que le grand patron Sergio Marchionne a lancé tout de go à un collègue journaliste de Bloomberg une phrase qui, depuis, enflamme l’Internet:

«Lorsque je vois un Range Rover dans la rue, mon sang bouillonne, parce que nous devrions pouvoir fabriquer quelque chose de semblable – et nous le ferons.»

Même que selon l’Italien (qui a cependant grandi à Toronto), le futur Jeep haut de gamme serait déjà en développement. Si on y travaille déjà, c’est dire que ce qui pourrait être désigné Jeep Super Wagoneer (est-ce qu’on réveillera cette appellation des années 1960?) débarquerait sur le marché avant 2020.

HeapMedia324379

Euh… quoi? Le plan quinquennal dévoilé par la division Jeep il y a tout juste un an, à quelques jours près, faisait bien mention d’un Jeep Grand Wagooner. Mais ce dernier utilitaire à trois rangées de sièges, qui devrait venir faire concurrence au Chevrolet Suburban, est attendu pour l’année-modèle 2018, en remplacement du défunt – et peu populaire – Jeep Commander (2006-2010).

Sergio Marchionne le confirme: le plan quinquennal ne faisait aucunement mention d’un Jeep pleine grandeur si de luxe, qu’il viendrait faire concurrence aux Range Rover de ce monde, mais aussi aux Mercedes-Benz GL, Cadillac Escalade, Lincoln Navigator, Lexus LX570, voire aux futurs BMW X7, Audi Q8 et, tant qu’à y être, au prochain Maserati Levante.

HeapMedia324380

Oups, justement: cet éventuel Maserati Levante est de la même famille Fiat/Chrysler Automobiles (FCA) que Jeep. Et certes, l’idée n’est pas folle, point de vue économies d’échelle, de partager plateforme et composantes entre deux utilitaires de luxe.

Mais… il y a un autre grand patron de l’automobile qui s’est risqué à ce qu’une marque «du peuple» empiète sur ses propres plates-bandes de luxe. Rappelez-vous comment Ferdinand Piëch, à la dernière décennie, a mordu la poussière avec sa Volkswagen Phaeton.

Lancée à temps pour l’année-modèle 2003, la berline-limousine n’a jamais connu le succès escompté malgré son moteur W12 de 414 chevaux, ce qui était plus puissant, à l’époque, que ce qu’offrait la cousine Audi A8.

Et l’impopularité avait une cause – encore valable aujourd’hui: quand on paie 100 000$ et plus pour un véhicule, aussi de luxe soit-il, on veut au moins qu’il porte un écusson noble, non?

HeapMedia260066

Conséquence: la Volkswagen Phaeton disparaissait du catalogue nord-américain trois ans plus tard. (Notez qu’elle est toujours distribuée sur d’autres marchés, notamment en Allemagne et en Chine. Et qu’au Canada, quelques exemplaires d’occasion sont encore à vendre sur Kijijji – pour moins de 20 000$…)

Oui, vous avez bien lu: Ferdinand Piëch. Ce même patriarche de 78 ans qui vient d’être mis à la porte – pardon, qui a démissionné le mois dernier du plus haut poste au conseil d’administration du groupe Volkswagen, poste qu’il occupait pourtant depuis plus de deux décennies.

Mais revenons à nos moutons «Jeep», pour conclure que la marque américaine, née il y a trois quarts de siècle de la fabrication de véhicules militaires, n’a jamais, jamais proposé plus luxueux que ses actuels Jeep Grand Cherokee en variantes Overland, Summit, Limited, alouette.

Et comme le rappelle si bien le site Truth About Cars, Jeep est une contraction du terme General Purpose – GP ou, traduction libre: d’usage général.

Il faudra donc voir si l’incursion d’un éventuel Jeep Super Wagoneer (ou quelque soit son nom) dans la stratosphère occupée par les Range Rover et autres utilitaires de luxe aura plus de succès pour Sergio Marchionne que l’aventure Phaeton ne l’aura été pour Ferdinand Piëch…

HeapMedia324375