Les concessionnaires d’autos du Québec devront adhérer à la médiation en ligne
C’est le ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette, qui a fait l’annonce d’un partenariat qu’il qualifie de «prometteur» entre l’Office de la protection du consommateur (OPC); la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ); l’Association des marchands de véhicules d’occasion du Québec (AMVOQ); et même le grand défenseur national des propriétaires de véhicules, l’Association pour la protection des automobilistes (APA). Le but visé par cette entente est de dé-judiciariser ce que les parties appellent des «conflits» entre les commerçants et leurs clients. Et c’est par le biais d’une médiation «gratuite, rapide et en ligne» que les différends seront dorénavant appelés à être réglés, plutôt que de s’étirer en des délais – et des coûts juridiques qui ne desservent personne.
Ça vaut pour les consommateurs, qui n’ont pas toujours les moyens, le temps, les connaissances ou l’énergie pour s’adresser à la cour des petites créances afin de faire valeur leurs droits. Et ça vaut aussi pour l’OPC qui surveille, enquête, puis traîne les «mauvais citoyens corporatifs» devant les tribunaux.
Parle consommation: une (quasi)-obligation pour les concessionnaires
Essentiellement, cette médiation passera par une plateforme numérique qui existe depuis 2016 à l’OPC: Parle consommation est un outil d’aide à la négociation en ligne pour régler à l’amiable – gratuitement – un litige qui existe entre un consommateur et un marchand à propos d’un bien ou d’un service. Parmi les avantages cités par l’OPC: une «solution simple et pratique» trouvée dans un «environnement virtuel neutre et sécurisé».
Selon les statistiques de l’OPC, plus de 2100 litiges (tous secteurs de consommation confondus) ont été traités l’an dernier; une entente est survenue dans 73% des cas, mais les consommateurs auraient soutenu avoir été satisfaits du service dans une proportion encore plus élevée: 89%. Le temps moyen d’un règlement n’était que de 16 jours.
Vers une certification «concessionnaire»
Au début septembre, seulement une trentaine de concessionnaires d’automobiles neuves sur les 900 établissements en affaire au Québec s’étaient inscrits à la plateforme Parle consommation. Mais depuis, une centaine de marchands d’automobiles se sont inscrits. La liste des concessions participantes, rendue publique par l’OPC, est disponible ici.
Ce soudain intérêt pour la médiation en ligne n’est pas le fruit du hasard: lors du grand rassemblement annuel de la CCAQ, en septembre, le président-directeur général, M. Ian Sam Yue Chi, a présenté un projet de certification de concession, qui passe par l’adhésion obligatoire à Parle consommation. «Après plus d’un an de recherche et de travail, nous avons bâti un programme de certification pour garantir aux consommateurs que la concession certifiée respecte de bonnes pratiques conformes et standardisées,» en disait alors M. Sam Yue Chi.
Pour obtenir ladite certification, les quelque 780 concessionnaires d’automobiles neuves au Québec qui ne sont pas encore inscrits à la plateforme Parle consommation auront jusqu’au 1er janvier 2025 pour le faire.
La tempête parfaite
Si le ministre Jolin-Barrette parle d’un partenariat prometteur, les parties impliquées parlent, quant à elle, d’une entente hors du commun. Et vrai que le moment est digne d’une tempête parfaite.
D’un côté, il y a l’OPC qui compte, depuis le 29 février 2024, sur un nouveau président «beaucoup plus actif», dit George Iny, directeur de l’APA. Il s’agit de M. Denis Marsolais – et si le nom vous dit quelque chose, vous n’avez pas tort: c’est lui qui était à la tête de la Société de l’assurance automobile du Québec pour gérer la débandade « SaaqClic », qui a donné bien des maux de têtes aux fonctionnaires, aux automobilistes et qui a, momentanément, fait perdre le compte du nombre de véhicules électriques immatriculés au Québec.
D’un autre côté, la CCAQ compte sur un nouveau président-directeur général qui, depuis octobre 2022, veut visiblement faire le grand ménage. Lorsque nous avons interviewé M. Sam Yue Chi, avant que ne soit annoncé le partenariat dont il est question ici, ce dernier nous disait alors que «le régulateur (OPC) est notre meilleur moyen de garantir la confiance des consommateurs envers ce qu’on fait, mais aussi de pérenniser notre modèle d’affaire.» Ne mâchant pas ses mots, il a affirmé qu’«il faut que ça coûte plus cher de ne pas respecter les lois» et que «ceux qui se permettront de les contourner auront des conséquences.»
George Iny, directeur-fondateur de l’APA et grand défenseur des automobilistes depuis un demi-siècle, ose se montrer optimiste envers la démarche: «C’est un bon début, on vient de construire une bonne rangée de briques. Il ne s’agit peut-être pas de la pierre angulaire, mais je suis agréablement surpris de voir qu’il y a une masse de concessionnaires tannés de passer pour des ‘pas bons et qui se sont dit: si de 5% à 10% ont besoin d’améliorer leur ‘score’, ça facilitera la vie des autres.»
Le pire secteur de la consommation québécoise
Rappelons que 20% des plaintes enregistrées chaque année auprès de l’OPC concernent l’industrie automobile – et que bon an, mal an, il s’agit du secteur de la consommation le plus problématique à l’Office.
Entre le 1er juillet 2023 et le 30 juin 2024, l’organisme gouvernemental dit avoir recueilli 6350 plaintes pour des litiges avec les garanties automobiles, des prix d’acquisition facturés supérieurs à ceux annoncé ou encore des représentations fausses ou trompeuses, toutes des infractions à la Loi sur la protection du consommateur.
Pour cette même période, l’Office rapporte avoir procédé à des vérifications auprès de 843 commerçants automobiles, mené 56 enquêtes et déposé 33 poursuites pénales – qui ont résulté en 63 condamnations.
Au cours de son dernier exercice financier (2023-2024), l’OPC a mis à l’amende trois fois plus de concessionnaires d’automobiles et marchands de véhicules d’occasion qu’elle ne l’avait fait l’année précédente, rapportait récemment Protégez-Vous. À elles seules, ces pénalités (346 271$) se sont avérées plus élevées que toutes les autres condamnations obtenues l’année précédente par l’OPC pour l’ensemble des autres domaines commerciaux confiés à sa surveillance.