Le designer de Volks, Walter de Silva, s'en va... à la retraite
Est-ce que ce départ à la retraite, annoncé pour la fin novembre, est lié à la tourmente qui secoue Volkswagen et, par le fait même, toute l’industrie automobile depuis la mi-septembre?
Personne ne confirme ni n’infirme et, pour le savoir, il faudrait être un oiseau perché à la fenêtre de Walter de Silva, 64 ans. Ainsi, on pourrait le surprendre expliquant à ses proches pourquoi il quitte ses fonctions, lui qui est à la tête du design pour la douzaine de marques du groupe VW depuis 2007 et qui, justement en septembre dernier, était nommé président de la renommée Italdesign Giugiaro.
En attendant de connaître le nom de celui (ou de celle?) qui le remplacera, si remplacement il y aura dans la foulée des coupures annoncées, faisons le tour des chefs d’oeuvre sur quatre roues les plus légendaires que le designer – et futur retraité – nous a offerts tout au long de ses 43 ans de métier.
D’abord chez l’italienne Fiat
Ses premiers esquisses professionnelles, Walter de Silva, né à Lecco en Italie le 27 février 1951, les a d’abord exécutées pour le compte de Fiat. C’était en 1972, dans le fief du constructeur établi à Turin. Mais… ne cherchez pas de modèle en particulier qui porte sa signature: le jeune designer de 21 ans était plutôt assigné à des tâches «intérieures».
Alfa Romeo – les deux seules fois où…
Après un hiatus industriel de quelques années, Walter de Silva retourne à ses premières amours automobiles en 1986, cette fois du côté d’Alfa Romeo. Il est en charge du studio de design à Milan et, au terme des 12 années où il y besognera, il signera entre autres l’Alfa Romeo 156 et l’Alfa Romeo 147 (la future Giulietta).
Ces itérations allaient être élues Voiture européenne de l’année (en 1998, puis en 2001) – ce sont là les deux seules Alfa Romeo à avoir raflé l’illustre récompense européenne depuis la création du titre il y a un demi-siècle.
Un siège à la division espagnole Seat de VW
L’année 1998 marque le moment où Walter de Silva passe chez les Allemands, mais par la bande: il devient en charge du style chez la division espagnole Seat de Volkswagen. Sa principale réalisation sera la 3e refonte de la Seat Ibiza, l’un des véhicules les plus populaires de la marque (vidéo).
La voiture a d’ailleurs célébré ses 30 chandelles l’an dernier, avec près de 5 millions d’exemplaires écoulés depuis. Fait intéressant: en 2002, Walter de Silva a repensé (le plus joliment, croyons-nous) la silhouette d’abord dessinée en 1984 par Giorgio Giugiaro (Monsieur Italdesign lui-même), puis revue à nouveau en 2008 par Luc Donckerwolke.
Oui, oui, ce même Luc Donckerwolke qui vient d’être ravi à VW par Hyundai pour diriger la nouvelle division de luxe Genesis. Ah, que le monde est petit…
L’artisan de la calandre «Je-te-rentre-dedans» d’Audi
Ce que l’on retiendra surtout de Walter de Silva, dans les annales du design automobile, c’est son passage chez Audi. Nommé en 2002 responsable du style pour la division de luxe de Volkswagen, il est celui qui a conçu cette grille à la «Je-te-rentre-dedans».
C’est en vacances, et en s’inspirant des modèles d’Auto Union – l’ancêtre d’Audi – des années 1930 et 1940, que l’Italien a dessiné la signature visuelle d’abord si décriée. Mais celle qui orne encore aujourd’hui les calandres Audi, tant les voitures que les utilitaires, peut se targuer d’avoir participé à l’envolée de la marque vers les plus hauts sommets – là où évoluent les rivaux tout aussi allemands Mercedes-Benz et BMW.
Repenser l’Audi TT selon… Marilyn Monroe
Parmi les réalisations de Walter de Silva dans le giron Audi, on note l’Audi TT, qu’il a été chargé de repenser en 2006… en utilisant des photos de Marilyn Monroe.
Le designer avait été déçu des premiers croquis de ses subalternes, ne reconnaissant pas les proportions de la première génération de sportive compacte. Faisant imprimer des photos de la célèbre Hollywoodienne, il avait demandé à son équipe d’estimer sa taille. Les réponses avaient toutes été supérieures à la réalité – 5,3 pieds (1,6 m).
Les designers étaient retournés à leur table à dessin avec, en tête, l’idée qu’un modèle aux proportions parfaites a toujours l’air plus grand que nature…
Lamborghini Miura Concept: quand le designer s’en paie toute une
Au tournant du millénaire, la responsabilité du design chez Audi venait avec une autre grande imputation: le design chez Lamborghini. Et à ce chapitre, Walter de Silva s’en est payé toute une.
À temps pour le 40e anniversaire de la Lamborghini Miura (1966), l’Italien a re-redessiné ce qui est encore aujourd’hui considéré comme l’un des plus beaux coupés de l’histoire.
C’était un peu comme de redonner vie à… Mona Lisa. Conservant religieusement la gloire et les lignes classiques d’autrefois, voire la légendaire teinte pistache, Walter de Silva a néanmoins amendé la Lamborghini Miura Concept 2006 au goût des technologies, des percées aérodynamiques et des procédés de fabrication du jour.
Vu aux salons de Los Angeles, puis de Détroit, le superbe prototype n’aura malheureusement jamais vu la production, pas même celle limitée. Dommage, parce qu’il s’agit là de l’une des oeuvres les plus magistrales de Walter de Silva.
Pour en admirer l’unique exemplaire, en chair et en acier, il faut visiter le musée Lamborghini de Sant’Agata Bolognese…
Son «meilleur design» – aux yeux de M. de Silva lui-même
Interrogé au lancement de l’Audi A5 en 2007, Walter de Silva y est allé d’une grande déclaration, maintes fois reprise depuis: «C’est là le plus beau design de ma carrière.» Ce qui n’est pas rien, quand on sait que l’homme est aussi à l’origine de l’exotique Audi R8…
Aux yeux du styliste, la silhouette de l’Audi A5 approche la perfection: «J’aime tout de cette voiture, confiait-il à la publication Super Street. Tant dans sa forme que dans ses détails, toutes les proportions sont équilibrées, à la fois sensuelles et dynamiques.»
L’un des plus importants designers de la planète automobile…
L’année 2007 marque également un grand pas dans la carrière de Walter de Silva: il est nommé chef du design pour tout le groupe Volkswagen – c’est-à-dire des divisions Volkswagen et Audi, mais aussi Bentley, Bugatti, Lamborghini, Porsche, Scania, Seat, Skoda… alouette.
Sous son trait de crayon, ou encore sous sa gouverne, plusieurs prototypes ont été créés, plusieurs modèles-phare ont été refondus, notamment:
- Le Volkswagen Bulli, présenté au salon de Genève en 2011, est un énième concept de l’icône automobile du Peace and Love. Nous vous disions justement ici que le véhicule-culte d’il y a 60 ans ferait un excellent parti chez les fourgons commerciaux, une catégorie à la popularité grandissante.
- Les deux dernières générations de Volkswagen Golf, soit les générations VI et VII, ont toutes deux raflé les honneurs de la Meilleure Nouvelle Voiture Mondiale (World Car of the Year), respectivement en 2009 et en 2013.
- Autre itération Volkswagen qui s’est hissée au palmarès de la Voiture mondiale de l’année (2012): la VW up! – sans majuscule, mais avec un point d’exclamation, s’il vous plaît. À notre avis, la up! fait encore partie des dix voitures les plus marquantes… qui nous manquent.
Le dernier grand coup: la Lamborghini Egoista
On ne pourrait tourner la dernière page sur la carrière de Walter de Silva sans parler de l’une de ses plus récentes oeuvres, la Lamborghini Egoista, dévoilée à l’occasion des noces d’or de la compagnie (juin 2013).
Egoista comme dans… une seule place à bord… une cabine de pilotage éjectable… un V10 de plus de 600 chevaux… Voilà ce que ça donne, quand on impose zéro contrainte à un designer.
Comme l’a déclaré M. de Silva lui-même: «La Lamborghini Egoista n’est que pure émotion, du domaine du «jamais» et personne ne pourra jamais la posséder. Elle restera un rêve, pour chacun et pour toujours.»
Encore plus maintenant que son créateur prend le chemin de la retraite…