L'art de s'enfarger dans les fleurs du tapis

Nouvelles
dimanche, 15 avril 2012
Des voitures Ford qui vous parlent; des automobiles Toyota qui vous lisent vos textos; des véhicules GM qui veulent devenir votre Google ambulant... "Holà, la distraction au volant", vient de dire la NHTSA. Mais...

L'organisation veut limiter la complexité de ces "infotainment"? Elle montre plutôt qu'elle n'a rien compris. Et qu'elle est sur le point de train de multiplier les dangers.

Devant la montée des Sync, Cue, BlueLink, UVO, iDrive, MMi et autres interfaces de ce monde, l'américaine National Highway Traffic Safety Administration a voulu établir des critères que les concepteurs de télématique automobile seront invités à respecter.

Invités, seulement: ces mesures seront volontaires, du moins pour le moment.

Ce que la NHTSA vise avec ces toutes premières lignes directrices du genre? Réduire la distraction au volant et donc, en amont, encourager les constructeurs à concevoir des dispositifs qui soient simples à utiliser.

Bon, disons plutôt: moins complexes à utiliser.

Pour ce faire, la NHTSA vient de pondre 177 pages bien comptées - tu parles, de faire simple... - qui malheureusement, manquent carrément le pas.

Car dans tout ça, on a oublié que l'humain est humain. Vous, moi et la majorité le savons pourtant: tentez de limiter l'Homme d'un côté et il s'y prendra autrement - et peut-être encore plus dangereusement - pour contourner l'obstacle.

Pas plus de 2 secondes

Se référant à plusieurs études sur la distraction au volant (et Dieu sait qu'il y en a, des études), la NHTSA a accouché de principales "recommandations". De très sérieux experts se sont longuement penchés là-dessus, alors SVP, retenez-vous pour ne pas en rire:

- Que les manoeuvres pour faire fonctionner les systèmes d'infotainment automobiles ne requièrent, de la part du conducteur, qu'une seule main;

- Que pour accomplir une tâche à l'un de ces systèmes, les yeux du conducteur ne doivent pas quitter la route plus de deux secondes à la fois;

- Que les informations visuelles livrées à l'écran soient limitées, de même que le nombre de manipulations gestuelles avant de parvenir à l'objectif désiré;

Comme si ça ne suffisait pas, la NHTSA veut que les tâches secondaires non reliées à la conduite ne puissent être accomplies lorsqu'un véhicule est en mouvement.

Ces tâches "secondaires" vont de la composition d'un texto au surf sur Internet, en passant par la mise à jour de son Facebook/Twitter. Oh, pas question d'entrer une destination de navigation non plus (mais là, rien de nouveau: la plupart des systèmes l'interdisent déjà). Et interdit de "pitonner" à l'écran de bord les 10 chiffres d'un numéro de téléphone (oups: ça, plusieurs dispositifs le permettent).

Empêchez-les et...

Mais est-ce que quelqu'un a pensé à ce qu'il adviendra si les systèmes intégrés ne permettent pas de telles tâches, pourtant possibles à même nos téléphones intelligents?

En plein dans le mille: les automobilistes vont contourner l'interdit et pitonner directement sur... leur dispositif portatif.

Empêchez-les et ils se livreront à des simagrées encore plus dangereuses pour le faire.

Vous trouvez qu'on exagère? Pas du tout: une étude tout ce qu'il y a de plus sérieuse de la Highway Loss Data Institute (eh oui, ça existe...) a récemment montré que dans trois des quatre états américains où le texto au volant avait été banni... les accidents avaient augmenté.

Légèrement, mais ils avaient quand même augmenté.

Pourquoi? Parce que dès que le texto au volant est devenu illégal, les automobilistes se sont cachés pour exécuter leur méfait. Comprendre: ils ont abaissé leur appareil hors de vue pour commettre leur "crime".

Résultat: encore moins d'yeux sur la route et, donc, plus d'accidents.

Ici, n'essayez pas de vous faire croire que seuls les plus délinquants de la route textent au volant. À moins d'être un saint, vous l'avez fait au moins une fois le mois dernier.

La semaine dernière.

Hier.

À contre-courant contre le gros bon sens

C'est un tsunami de mauvaises habitudes que la NHTSA essaie de combattre - à contre-courant. Malheureusement, avec ses "Non, tu ne feras pas", l'organisme n'érige qu'un obstacle de plus sur la route de l'équilibre entre le besoin (ne nous leurrons pas...) de connectivité des gens, même dans leur automobile, et la sécurité tant individuelle que collective.

Au lieu de s'enfarger dans les fleurs du tapis à régenter le nombre de secondes pendant lesquelles il est "sécuritaire" de quitter la route des yeux (on aura tout vu, de la part d'une branche gouvernementale qui milite pour la sécurité routière...), la NHTSA devrait plutôt encourager les constructeurs automobiles dans leurs démarches vers le gros bon sens: les commandes vocales.

Des commandes vocales simples, efficaces et conviviales, qui nous laisseront faire autant - sinon plus qu'avec nos téléphones intelligents.

On n'a pas le choix d'aller dans cette direction, si on veut garder les yeux sur la route.

Heureusement, plusieurs systèmes nous permettent déjà plus ou moins aisément de garder le contact, les deux mains sur le volant. Et les possibilités sont infinies: lire et dicter des textos, épeler une adresse au système de navigation... Un jour, on pourra même commander à la caméra de recul de notre véhicule de prendre une photo afin de mettre à jour son profil Facebook.

Tout ça, vocalement.

Quoi qu'en dise la NHTSA.

Le pire au volant

Texter au volant est au sommet des plus importantes distractions au volant qui soit, suivi... de la composition d'un numéro de téléphone de dix chiffres. La distraction la moins importante demeure, à ce jour, le traditionnel réglage d'un poste de radio.

Presque pilotage automatique

Un conducteur qui roule à 100km/h et qui prend quatre secondes pour expédier un texto... aura parcouru plus d'une centaine de mètres sans n'avoir rien vu du trajet, dit CAA-Québec. C'est un dixième de kilomètre de presque pilotage automatique, ça.

Copyright © 2015 Nadine Filion. Tous droits r�serv�s.