Grâce à un Canadien: Le 1er Cadillac de Ville 1949 réapparaît
New York, janvier 1949, au chic hôtel Waldorf Astoria. En ces temps d'après-guerre mondiale, GM organise un événement inusité, destiné à redonner un autre souffle à l'industrie: un salon de l'auto.
Le grand constructeur américain y présente une trentaine de ses modèles de production et prototypes de Chevrolet, Pontiac, Buick, Oldsmobile mais, surtout, Cadillac.
Quatre prototypes de Cadillac, pour être plus précis, qui ont été fabriqués "custom", dont le premier à porter le nom "de Ville" - de cette désignation qui allait traverser les âges jusqu'en 2005.
Le coupé au toit rigide avait demandé, en fabrication, quelque deux longs mois et 30 000$ en dollars américains - ce qui équivaudrait aujourd'hui à plus ou moins 300 000$.
Ce coupé Cadillac de Ville 1949 à la carrosserie noire et à l'intérieur de cuir gris devint le clou du spectacle new-yorkais, parce qu'il annonçait alors plusieurs innovations. Comme le premier pare-brise courbé fait d'une seule pièce et le tout premier moteur V8 avec soupapes en tête.
À son bord, c'était la grande classe. On retrouvait des vitres à ouverture électrique, des sièges à ajustement électrique et, installé à l'arrière, le kit du parfait secrétaire.
À l'avant, la boîte à gant recélait... un radio-téléphone émetteur-récepteur - oui, oui, même en 1949.
La voiture qui faisait 3378mm d'empattement (soit presque 20 cm de plus que les Cadillac d'alors) disposait, dans son appuie-bras arrière, d'un... porte rouge-à-lèvres et d'un atomiseur de parfum.
La grande classe, disions-nous.
De GM à la Défense
Le "GM Transportation Unlimited Auto Show" (qui allait devenir quelques années plus tard le légendaire Motorama) a attiré 300 000 personnes au chic hôtel new-yorkais du 20 au 27 janvier 1949, huit jours pendant desquels il a mis en scène ses dernières nouveautés automobiles.
Puis, en avril de la même année, l'événement s'est déplacé à Détroit, où il a attiré... deux fois plus de visiteurs.
Quatre ans plus tard, soit en 1953, le 34e président des États-Unis, Dwight David Eisenhower, désignait le grand patron de General Motors, Charles E. Wilson, comme son nouveau Secrétaire de la Défense.
Pour remercier "Charlie Engine" qui a alors dû quitter ses fonctions après 12 années de service à la tête de l'entreprise, GM lui a fait don du prototype du coupé Cadillac de Ville 1949 - que le nouveau Secrétaire américain à la Défense s'est empressé d'utiliser comme voiture officielle.
"Pas très cher"...
L'histoire veut que M. Wilson ait ensuite donné l'exemplaire exclusif du coupé Cadillac à sa secrétaire, Mary Chrysler. Celle-ci a déménagé en Californie une fois à la retraite et... on n'en n'a plus entendu parler.
Le prototype aurait dormi dans une grange... jusqu'à il y a tout récemment. Il aurait été retrouvé par une connaissance de Steve Plunkett, un Ontarien (de London) passionné de Cadillac - à preuve, la cinquantaine de modèles rares et historiques qu'il possède déjà.
Lorsque M. Plunkett a mis la patte sur la voiture, il y a deux ans, "elle portait toujours la plaque d'immatriculation installée en 1957," affirme le Canadien. Ce dernier se fait discret quant au prix qu'il a versé pour obtenir la Cadillac historique, mais il admet: "Je n'ai pas payé très cher pour un véhicule si spécial."
Jetez un oeil sur nos photos et voyez dans quel bon état la voiture se trouvait: "Elle était presque "complète", je dirais à 90%, rapporte M. Plunkett. Reste que sa restauration est le projet automobile le plus intéressant qu'il m'ait été donné de réaliser."
Entre autres, par le plus grand des hasards, le fournisseur à qui on a confié la remise en état du cuir des sièges, Eagle Ottawa, approvisionne encore aujourd'hui les grands constructeurs automobiles de ce monde...
Un des rares Canadiens
La restauration de ce premier coupé Cadillac de Ville était à peine terminée que M. Plunkett a eu la chance de présenter le fruit de son labeur au monde entier.
C'était à l'occasion de la 18e édition du Concours d'Élégance Amelia Island, en Floride, qui s'est déroulé un peu plus tôt ce mois-ci.
Lors d'une entrevue qu'il nous a accordée avant de prendre la route de l'État des Oranges, M. Plunkett a souligné qu'il est très rare qu'un Canadien - et sa voiture antique - participe à un aussi prestigieux rendez-vous automobile.
"Je ne connais que quatre ou cinq de mes compatriotes qui possèdent une voiture assez remarquable pour y être invités," nous a-t-il confié.
Le plus ancien témoignage "Motorama"
Et c'est ainsi que 64 ans après avoir volé à vedette à l'hôtel Waldorf Astoria, et près d'un demi-siècle après avoir disparu de la circulation, le premier coupé Cadillac de Ville 1949 a refait surface, paré de ses plus beaux atours.
Il s'agirait là du plus ancien témoignage sur quatre roues du rêve Motorama - et le seul encore existant.
À moins qu'une autre grange ne révèle, un jour, l'un des trois autres prototypes Cadillac présentés cette année-là à New York...
Si vous êtes de passage au 35e Concours d'Élégance de Plymouth, au Michigan, le dimanche 28 juillet, ne manquez pas d'aller y saluer M. Steve Plunkett - et d'y admirer son coupé Cadillac de Ville 1949.