Mars 2012: c’est l’onde de choc dans le monde automobile, alors que le coloré patron de Nissan, Carlos Ghosn, annonçait la résurrection de Datsun et ce, presque 30 ans après son torpillage.
Avec Infiniti, c’est la 3e marque à (re)joindre la famille Nissan, famille elle-même associée à la française Renault.
Mais… pas question de faire revivre Datsun pour les marchés développés.
L’Amérique du Nord, l’Europe et le Japon sont exclus des plans – du moins, dans le court et le moyen terme.
Car il s’agit plutôt d’utiliser le nom historique pour désigner des véhicules d’entrée de gamme destinés aux premiers acheteurs de véhicules dans les pays émergents: l’Inde d’abord, puis l’Afrique du Sud, la Russie et l’Indonésie ensuite.
Vite comme l’éclair
L’ancêtre des Datsun est la DAT-Go lancée en 1914, à l’aube de la Première guerre mondiale.
La désignation japonaise signifiait “vite comme l’éclair”, mais était surtout l’amalgame des trois premières lettres de ses concepteurs: Den, Aoyama et Takeuchi.
Les Datsun ont attendu jusqu’en 1958 avant de poser leurs pneumatiques sur le continent nord-américain – cela faisait alors déjà un quart de siècle que Nissan était au gouvernail de l’entreprise.
Les plus vieux d’entre vous (!) se souviendront de la Datsun 240Z – l’ancêtre de la Nissan Z d’aujourd’hui.
Après 20 millions d’exemplaires écoulés dans 190 différents pays, la marque Datsun est officiellement disparue de la carte mondiale. C’était au milieu des années 1980, moment où l’entreprise décidait de préciser sa stratégie globale en n’utilisant que l’appellation Nissan.
D’abord, à saveur de curry
Après trois décennies d’absence, le premier modèle à relancer Datsun sera la Datsun Go 2014, dont l’arrivée est prévue, vous vous en doutez, en début d’année prochaine.
Au départ, seul le marché indien y aura droit, rapidement suivi de la Russie, de l’Afrique du Sud et de l’Indonésie. Il ne faudra pas se surprendre si d’autres pays en voie de développement joignent le pas – la Chine, peut-être?
Côté dimensions, la petite écono-box à hayon (cinq portes) et cinq places aurait, si elle était distribuée de ce côté-ci du Pacifique, la Chevrolet Spark comme principale rivale.
Toute petite, donc.
La Dastun Go a été dessinée au Japon, sous la gouverne du styliste en chef de Datsun, Koji Nagano. C’est cependant au pays du curry qu’elle sera principalement conçue et fabriquée.
Depuis 2010, Nissan possède dans la ville de Chennai/Madras une usine qui peut annuellement accoucher de 400 000 véhicules.
Ceux-ci sont assemblés sur la plateforme des sous-compactes “V” et qui accueille des petites comme la Nissan Micra et la Renault Duster.
À la portée des bourses “émergentes”
Pour la Datsun Go, le mot d’ordre est le « sur mesure », question de répondre aux besoins particuliers et locaux de chaque marché.
Mais une chose reliera toutes les versions: elles seront dénudées versus nos véhicules, afin d’être à la portée des bourses “émergentes”.
Par exemple, pas de système audio de série – ce sera une option. Mais Iphone oblige, un porte-téléphone intelligent sera intégré au tableau de bord, permettant avec son cellulaire l’utilisation du Bluetooth, du système de navigation et de son “jukebox” personnel.
Sous le capot de la Datsun Go, un moteur de 1,2 litre développera moins de 100 chevaux et une seule transmission sera proposée, soit la manuelle cinq vitesses. Non, pas de boîte automatique ou à variation continue (CVT); que voulez-vous, il faut garder le prix d’étiquette au plus bas.
D’ailleurs c’est le monde à l’envers: si on n’en sait guère plus sur la motorisation, on sait d’ores et déjà que la voiture se détaillera sous les 400 000 roupies indiennes (7000$ canadiens).
Voilà qui placera la Datsun Go nez-à-nez avec, là-bas, l’une des voitures les plus populaires et la 2e moins dispendieuse du marché après la Tata Nano: la Suzuki Maruti.
Pas trop cheap, SVP
Votre soussignée peut se targuer d’avoir passé un mois en Inde en 2009, dont quelques heures au volant de la Tata Nano, la voiture (indienne) la moins chère du monde.
Certes, à son lancement en 2008, laTata Nano a connu son heure de gloire, médiatique surtout. La petite voiture à la bouille sympathique a même été considérée comme le Ford Model T du 21e siècle.
Mais bon, les ventes n’ont jamais été à la hauteur des attentes.
De trois choses l’une: – le prix d’étiquette (entre 150 000 et 220 000 roupies indiennes) est peut-être trop bas. Disons le franchement: qui veut avoir l’air du pauvre qui ne peut se payer autre chose? – des problèmes de qualité (notamment des moteurs qui prennent en feu) ont assurément miné la confiance des acheteurs; – et nul doute que la puissance très limitée a découragé les acheteurs (à peine 35 chevaux, pour le 0-60km en 11 secondes. Vous avez bien lu: pas le 0-60 m/h, mais bien le 0-60 km/h.)
Nissan a donc voulu éviter pareil piège du “trop peu, trop cheap”. Sauf que même dans la catégorie supérieure des voitures à plus ou moins 400 000 roupies, le constructeur japonais n’avait aucun modèle à offrir.
D’où la Datsun Go.
Et pourquoi pas?
Mais pourquoi ne pas simplement lancer une écono-box sous le label Nissan et miser sur la force de la réputation du constructeur établi partout sur la planète?
Pour ne pas dénaturer le produit, avait dit Carlos Ghosn, lorsqu’il avait annoncé la relance de Datsun, l’an dernier.
D’accord, mais alors: pourquoi Datsun – et pas une toute nouvelle marque? Après tout, Datsun réveille peut-être des souvenirs chez les plus vieux (de durabilité et d’accessibilité, diront ceux-ci), mais celle qui renaît de ses cendres entend, de par sa nature, s’adresser aux plus jeunes.
Alors donc: pourquoi Datsun?
“Et pourquoi pas”? répond simplement celui qui a le mérite d’avoir remis un Nissan presque en faillite, à la fin du dernier millénaire, sur la route de la profitabilité.
Nous verrons d’ici un an ou deux s’il avait raison…