Votre 'char' pas mal plus recyclé que vous ne le croyez... mais on pourrait tellement faire mieux!
Ça vous en bouche un coin, n’est-ce pas? C’est pourtant ce que soutient la Recycle Steel; cette association américaine rapporte que bon an, mal an, l’acier et le fer récupérés sur les véhicules hors d’usage représentent presque l’équivalent des métaux utilisés pour en fabriquer de nouveaux.
Il s’agit là d’un taux de recyclage métallique de près de 100% – quand même!
Comment en est-on arrivé là? Tout simplement et tout naturellement. Car à plusieurs dizaines de dollars la tonne de métal, voire encore plus quand les marchés s’emballent, il est plus rentable de retirer et de vendre tout cet acier et ce fer qui composent une voiture, que de laisser cette dernière rouiller dans le fond d’un champ.
Et c’est sans compter les pièces, moteurs et transmissions qui peuvent encore servir.
Comme rien n’est parfait…
Comme rien n’est parfait, rappelons qu’un véhicule n’est pas fabriqué que de métal. Il en est certes constitué aux trois quarts, mais le dernier quart est plutôt fait de verre, de plastique et de textiles. Qui, eux, ne sont pas recyclés.
Au contraire, ces matériaux finissent plutôt en «fluff», un résidu de déchiquetage qui prend la direction de nos sites d’enfouissement.
Résultat: chaque année au Québec, plus de 618 000 véhicules (y compris ceux qui nous viennent de l’extérieur) terminent leur vie en quelque 233 000 tonnes métriques de matières non récupérées.
Le chiffre impressionne? Rassurez-vous: ce n’est pourtant rien comparé aux six millions de tonnes de déchets annuellement enfouies dans la Belle Province. Pour tout dire, les résidus automobiles ne représentent que 3,4% de toutes nos matières enfouies…
On peut faire tellement mieux
Reste qu’on peut faire tellement mieux. En Amérique du Nord, l’automobile réussit peut-être à atteindre un niveau de recyclage de 80%, mais l’Europe a décidé d’aller plus loin. Pour ce faire, elle a mis en place une réglementation afin que d’ici 2015, chaque véhicule en fin de vie puisse être recyclé (on dit aussi «valorisé») à 95%.
Voilà qui engage les constructeurs automobiles du Vieux Continent à faire leur part et à concevoir dès maintenant des véhicules plus facilement démontables. Dit autrement, les constructeurs sont appelés à prendre la responsabilité de leurs produits en bout de chemin en veillant à leur «recyclabilité».
Renault a déjà agi : il s’est affilié avec un «déconstructeur» afin d’assurer le traitement de ses automobiles en fin de vie. Retombée positive s’il en est une: le constructeur utilise de plus en plus ses propres matières recyclées dans la conception de ses nouvelles voitures. Ainsi, la Renault Laguna contient 17% de plastiques recyclés, soit un record d’une centaine de pièces de plastique «éco».
Une roue… qui ne tourne pas
Avant d’en arriver à un niveau de recyclage automobile presque parfait, l’Amérique devra mettre au point des façons économiquement viables de recycler plastiques et textiles. Car actuellement, les procédés n’existent pas (ou si peu) pour transformer un tapis ou du rembourrage de sièges en une matière réutilisable qui soit abordable. Surtout pas quand une tonne de déchets peut être enfouie pour moins de 100$...
Comme personne ne s’élance pour acheter cette matière recyclée plus dispendieuse que le « neuf », les recycleurs ne voient pas l’intérêt d’investir temps et main-d’œuvre afin de décortiquer un véhicule de ses sièges, d’en manipuler les tapis ou d’en retirer vitres et pare-brise – le verre représente pourtant plus du tiers de la surface extérieure d’un véhicule.
Bref, c’est une roue… qui ne tourne pas.
Et c’est encore pire pour le plastique, dont le recyclage est à peu près impossible en raison de sa diversité. Selon l’Association des recycleurs de pièces d’autos et de camions (ARPAC), plus d’une vingtaine de types de plastiques, voire de composites, se côtoient dans l’habitacle automobile. Coexistent donc des plastiques qui, à l’étape recyclage, fondent plus rapidement que d’autres. Et c’est sans compter ceux qui sont contaminés par des additifs toxiques et qui, par exemple, retardent la propagation du feu.
Le traitement de l’ensemble est d’autant compliqué qu’aucun étiquetage, lors de la fabrication, ne permet d’identifier qu’est-ce qui est quoi. Bref, c’est le néant.
Matières dangereuses, mais encore…
La « déconstruction automobile » plus consciencieuse, il faudra pourtant que notre continent y voir un jour, ne serait-ce que pour épargner nos sites d’enfouissement. Pour l’heure, il n’existe rien au Québec pour contrôler le recyclage automobile. Sauf un guide de Bonnes pratiques pour la gestion des véhicules hors d’usage, rédigé par le ministère de l’Environnement du Québec. Mais dont l’application demeure volontaire…
Tout au plus quelques normes environnementales viennent réglementer certains aspects de la déconstruction automobile, mais sous la houlette des matières dangereuses. Tel le recyclage des pneus, pour lesquels un droit de 3$ est imposé depuis octobre 2003.
On oblige aussi la récupération des huiles, des liquides et du carburant – il faut savoir qu’un « vieux char » renferme en moyenne 20 litres de fluides. Malheureusement, les Recycleurs d’automobiles du Canada estiment à seulement 40% les véhicules en fin de vie qui sont convenablement « dépollués » de leurs liquides.
Il y a bien une norme qui impose le retrait des filtres, du réservoir de carburant et de la batterie (pour le plomb qu’elle contient), de même que l’évacuation du réfrigérant climatiseur et, surtout, du mercure (auquel les constructeurs automobiles ne peuvent plus faire appel depuis 2003, soit dit en passant).
Mais est-ce que les 1,3 million de véhicules en fin de vie qui, chaque année au Canada, prennent le chemin de la casse, sont vraiment dépouillés de leur mercure? Il le faudrait, puisque selon la canadienne Clean Air Foundation, un tout petit gramme de mercure suffit pour contaminer un lac de 20 acres…