Une automobile: Combien ça coûte?
C’est le grand manitou de la statistique automobile au Canada, Dennis DesRosiers, qui en vient à cette surprenante conclusion.
Les coûts d’un véhicule se décomposent en plusieurs chapitres. Certains sont fixes, qu’importe la distance parcourue, d’autres sont fonction du kilométrage. M. DesRosiers les réunit en quatre grandes « dépenses » automobiles, qu’il classe dans l’ordre suivant :
- la dépréciation du véhicule – de 25 000$ à 35 000$ sur 15 ans, estime M. DesRosiers;
- le carburant – si le coût actuel du litre d’essence se maintenait (!), l’on pourrait estimer cette dépense, pour une berline qui roule 20 000 km par année, à 25 000$ sur 15 ans;
- l’entretien et les réparations – entre 10 000$ et 15 000$, selon M. DesRosiers;
- l’assurance – entre 10 000$ et 12 000$, davantage pour les nouveaux conducteurs.
Nous en sommes à combien? Au minimum, à 70 000$. Mais n’oublions pas les frais de financement et, bien sûr, tous ces petits à côtés qui s’appellent immatriculation, permis de conduire, frais de stationnement… et contraventions.
Cent mille dollars, donc, au bas mot. Dennis DesRosiers n’en revient pas lui-même : « Le coût de propriété d’un véhicule, tout au long de sa vie, représente plus de deux fois son coût en capital! » Voilà qui fait dire à Éric Brassard, auteur du livre québécois Finance au volant, que « l’automobile est le moyen de transport qui coûte plus cher que tout autre mode alternatif. »
Au Canada, la « transaction » automobile moyenne tourne autour des 25 000$ - et des 35 000$ pour les utilitaires. Les Canadiens doivent consacrer plus ou moins 26 semaines de leur salaire, après impôt bien sûr, afin de défrayer un tel investissement.
C’est sans en compter les frais de fonctionnement, ceux-ci étant beaucoup plus difficiles à déterminer : « On peut facilement établir le coût d’une vidange d’huile : il correspond au montant versé, dit M. Brassard. Les choses se corsent s’il faut calculer le coût d’utilisation d’une voiture. »
Essayons quand même de voir de quoi il en retourne, dépense par dépense. Et peut-être qu’après la lecture de ce qu’il en coûte réellement, vos ardeurs automobiles du printemps se seront refroidies. Ou, au contraire, vous serez du même avis que M. Brassard : « S’il faut consacrer tant d’argent à la voiture, aussi bien en tirer du plaisir! »
La dépréciation : principale dépense « automobile »
C’est bien connu : « Dès qu’un véhicule quitte le concessionnaire, il perd 20% de sa valeur », dit M. DesRosiers.
Pire : une automobile est réputée perdre la moitié de sa valeur en seulement trois ans. Notez toutefois que certains modèles à la fiabilité légendaire, et ceux plus luxueux, mettent une ou deux années de plus à parvenir à ce même résultat.
La dépréciation, davantage que le prix d’achat, « est de loin le coût le plus important d’une voiture, dit Éric Brassard. Mais vous ne recevrez jamais de facture marquée : ‘Dépréciation’! »
En effet, cet écart entre le prix d’achat et la valeur marchande évolue au gré des années, au fur et à mesure que le véhicule est utilisé. En moyenne, les Canadiens roulent 16 000 kilomètres par année. Jusqu’à tout récemment, l'Association canadienne des automobilistes (CAA) analysait de près le coût de l’automobile – avec, comme cobayes, une berline Cavalier Z24 (quatre cylindres de 2,4L) et une fourgonnette Dodge Caravan (V6 de 3,3L).
Au cours de la dernière étude (2005), les deux véhicules, à leur première année d’utilisation et en supposant une distance de 18 000 km, ont respectivement « coûté » en dépréciation… 4 258$ et 4 830$! Retenez bien ces chiffres, nous les additionnerons à d’autres dépenses un plus peu tard – un peu de suspense, voyons!
Comment s’en sauver?
La dépréciation étant ce qui fait le plus mal au portefeuille de l’automobiliste, ce dernier peut la répartir en conservant son véhicule pendant de nombreuses années. Dans l’exemple mentionné ci-dessus, CAA supposait que les véhicules-tests allaient être revendus après quatre années d’utilisation. Toutefois, si on les gardait pendant une dizaine d’années, leur dévaluation serait atténuée d’autant.
Ainsi, la firme DesRosiers soutient qu’une voiture vieille d’une décennie « coûte », en dépréciation, à peine 37,14$ par millier de kilomètres parcourus. C’est deux fois moins que pour une voiture de six ans (68,76$/1000km), trois fois moins que pour une voiture de trois ans (105,20$/1000km) et… huit fois moins que pour une voiture neuve (287,50$/1000km).
Toujours dans le but de réduire ses coûts en dépréciation, l’automobiliste a avantage à sélectionner une marque qui se dévalue plus lentement que les autres – la majorité des marques luxueuses ont la cote à ce sujet. Aussi : « La dépréciation est généralement moindre chez les véhicules importés que chez les Trois Grands, » affirme M. DesRosiers.
En effet, les voitures Honda et Toyota affichent une valeur de revente, après quatre ans, de 16% et de 13% au-dessus de la moyenne de l’industrie. À l’opposé, la valeur des voitures Ford se positionnent à 10% sous la moyenne (-8% pour Chrysler et -6% pour Chevrolet).
Enfin, pourquoi pas un véhicule usagé? De cette façon, la coûteuse dépréciation est assumée en grande partie par le premier propriétaire. Attention, toutefois : « Pour qu’une voiture d’occasion soit vraiment économique, dit Éric Brassard, il faut éviter les années de forte dépréciation, soit les quatre à cinq premières années pour les voitures de grande qualité, et les trois premières années pour les marques moins recherchées. »
Le carburant : presque que le coût du véhicule!
Les automobilistes se soucient du prix sans cesse croissant des assurances, et ils s’inquiètent de ce que leur coûteront entretien et réparations. Mais ils oublient trop souvent qu’après la dépréciation, ce sont les coûts en carburant qui occupent la plus grande part de leurs dépenses « automobiles ».
Prenons l’exemple d’une berline qui consomme, disons, 8L/100km et qui roule 20 000 km par année. Même si les prix à la pompe n’augmentaient plus jamais (!), la dépense « carburant » pour les dix prochaines années représenterait… 16 000$. À peu de choses près, c’est le prix de la voiture elle-même! Vous reluquez un utilitaire? Sachez que sur une décennie, un Ford Explorer V8 exigera en carburant près de deux fois ce qu’une berline aura consommé, soit 27 500$.
Ces données sont tirées de l’Énerguide (vehicules.gc.ca), à qui l’on peut certes reprocher un trop grand optimisme – selon les experts, la consommation réelle des véhicules dépasse de 10 à 20% les indications fournies. La publication permet néanmoins une comparaison efficace entre les différents modèles. Ceux qui la consultent peuvent ainsi faire un choix « éco-énergétique » et, en bout de ligne, sauver de précieux dollars à la pompe.
Entretien et réparations : une inconnue... pas si inquiétante
À moins de lire dans les boules de cristal, personne n’est en mesure d’estimer avec exactitude les coûts d’entretien et de réparations d’un véhicule. Par contre, CAA a conduit quelques études qui révèlent que ce poste de dépenses automobiles est beaucoup moins inquiétant que l’on est porté à le croire.
Même que la moyenne des coûts d’entretien et de réparations, selon plus de 20 000 répondants au Sondage CAA 2002, était de… 645$ par an, vidange d’huile comprise. Si l’on ajoute l’achat de pneus, la moyenne se fixe à 806$ par an. Soit plus ou moins deux paiements mensuels d’une petite voiture neuve. « Les frais de réparation d’une voiture sont presque toujours inférieurs au coût d’une voiture neuve, » corrobore Éric Brassard.
Évidemment, ces moyennes annuelles en entretien et réparations varient selon les tranches d’âge des véhicules. Mais même pour une voiture vieille de dix ans, elles ne franchissent pas la barre de 1200$. De fait, la firme DesRosiers estime les frais de réparations, pour une voiture de dix ans, à 54,61$ par millier de kilomètres parcourus – moitié moins que les dépenses en dépréciation et en carburant!
Assurances, immatriculation… alouette
Elle a beau se rappeler à nous année après année, la prime d’assurance est, de toutes les dépenses « automobiles » énumérées plus haut, celle qui coûte le moins. En 2005, les Québécois ont payé une prime moyenne d’assurances automobiles de… 716$.
« Les assurances demandent en moyenne 40$ par millier de kilomètres parcourus, » dit Dennis DesRosiers. Et entre une voiture neuve et une voiture de dix ans, la marche « assurance » n’est pas bien haute : 51$/1000km pour la première, 42$/1000km pour la seconde.
Bien sûr, un conducteur qui en est à ses premières armes paie davantage que celui qui conduit depuis 20 ans sans accident. Aussi, la prime est influencée par le modèle de véhicule assuré.
En effet, les automobiles sont cataloguées par les assureurs selon leur « sinistralité » (www.ibc.ca, section « Différence entre les voitures »). Pour contrôler le coût de ses primes, l’acheteur a tout intérêt à choisir un véhicule à basse sinistralité – et, du coup, à éviter les voitures les plus volées.
L’an dernier, la plus volée a été la Honda Civic SiR (année-modèle 2000). De fait, ce palmarès des dix véhicules les plus volés regroupe… huit modèles Honda et Acura.
Autres dépenses qui se rappellent inlassablement à nous, mais qui ne représentent pourtant qu’une infime partie du coût automobile : l’immatriculation et le permis de conduire.
Au Québec, l’immatriculation est obligatoire et demande généralement 255$. S’ajoute, depuis 1998, une taxe « de luxe » (1% de toute valeur automobile excédant 40 000$) et, depuis 2005, une taxe sur la cylindrée (les moteurs de 4,0L et plus exigent des droits d’immatriculation additionnels qui varient de 30$ à 150$).
Enfin, le permis de conduire s’ajoute pour 43$ par année (86$ à tous les deux ans), si bien sûr le dossier du conducteur n’est pas entaché par plus de trois points d’inaptitude.
Ces frais sont cependant appelés à augmenter. Le coût de l’immatriculation passera à 257$ l’an prochain, 259$ en 2009 et 262$ en 2010. De même, le coût annuel du permis de conduire grimpera à 58$ l’an prochain, 72$ en 2009 et 86$ en 2010 – deux fois plus qu’aujourd’hui.
Si aucune autre hausse ne survient et qu’aucune contravention ne vient gonfler la facture, cette dépense représentera 3380$ sur dix ans. Soit… 1,7 cent par kilomètre.
Coût automobile : 10 000$ la première année!
Dépréciation, carburant, entretien et réparations, assurances, immatriculation et permis de conduire, sans compter taxes et frais de financement (voir encadré « La modération a bien meilleur coût »)… Voilà autant de dépenses qui ne se révèlent pas à nous lorsque les constructeurs publicisent leurs modèles à grand coup de « 259$ par mois ».
En fait, l’étude 2005 de CAA sur les coûts automobiles rapporte que notre Cavalier Z24 exigera, en frais fixes et variables, à sa première année d’utilisation, quelque… 9 274$!
C’est 773 $ par mois ou, si vous préférez : 25$ par jour.
La Dodge Caravan? La fourgonnette réclamera, à sa première année, 10 227$. Soit 852$ par mois.
Ou 28$ au quotidien.
Roulez un peu plus avec chacun de ces deux véhicules (de 18 000 à 24 000 km pour l’année) et la facture mensuelle grimpera de plus ou moins 133$ – soit près de 4,50$ par jour. En effet, non seulement la dépense en carburant augmentera-t-elle, mais la dépréciation en fera tout autant – qui dit plus de kilomètres au compteur, dit valeur de revente amoindrie…
De fait, parce que les véhicules d’aujourd’hui ont une durée de vie de 250 000 à 300 000 kilomètres, Dennis DesRosiers en estime le coût de propriété, par kilomètre, à plus ou moins 50 cents. Voilà qui constitue, pour un aller-retour Montréal-Québec, une dépense de… 250$. Plus de deux fois ce qu’il en coûte pour s’y rendre en train!
Cinquante sous le kilomètre… Pensez-y bien, la prochaine fois que vous prendrez la voiture pour un simple carton de lait!
La modération a bien meilleur coût
Rappelez-vous votre dernier achat automobile : vous vous êtes débattu pour faire réduire le prix demandé de quelques centaines de dollars. Mais quelques instants plus tard, vous acceptiez toit ouvrant et climatiseur… pour une facture supplémentaire de 2500$. Qui a rigolé le dernier, vous ou le concessionnaire?
« Le prix d’une voiture peut augmenter de 10% à 20% si l’on se laisse tenter par toutes sortes d’options, écrit Éric Brassard dans son livre Finance au volant. Et ne comptez pas sur les vendeurs pour vous retenir! »
En effet, quoi de plus facile que de s’enthousiasmer pour un climatiseur à « seulement 25$ par mois »? Mieux vaut cependant s’informer sur son prix, plutôt que sur sa mensualité : l’on découvre alors que le climatiseur exige… 1500$. « Pour plusieurs personnes, c’est l’équivalent de quatre à six semaines de travail! » dit Éric Brassard.
Et à moins que vous ne payiez comptant, l’acquisition d’un véhicule, auquel vous ajoutez de multiples équipements, entraîne nécessairement des frais d’intérêts. Sans compter une hausse des taxes fédérale et provinciale.
M. Brassard déplore d’ailleurs la pratique du ‘PPPP’, c'est-à-dire du ‘Plus Petit Paiement Possible’. « Petite mensualité n’est pas nécessairement synonyme de faible coût, » dit-il.
Les taux d’intérêt devraient donc primer sur les mensualités. Ils devraient aussi primer au moment de choisir entre l’achat ou la location d’un véhicule. « Après tout, soutient M. Brassard, la location est une dette comme les autres, une dette dont le solde n’est pas à zéro à l’échéance. La location n’est pas plus coûteuse que l’achat : il s’agit simplement de deux façons différentes d’assumer les mêmes coûts. »
Et… entre neuf et usagé? Certes, un taux de financement de 2,9% sur une voiture neuve de 25 000$ est tentant. Toutefois, peut-être vaut-il mieux envisager un intérêt plus élevé, mais appliqué à une somme deux ou trois fois moindre. Comme, par exemple, à une voiture usagée à 10 000$…
Bref, dans l’acquisition automobile comme dans toute chose, la modération a bien meilleur coût.