Un char de fille, ça existe... ou pas?
Nombreuses sont celles (et ceux!) qui disent, comme Amanda Molaro, responsable de compte pour la boîte montréalaise de communications North Strategic, qu’un char de fille, “c’est une voiture petite et cute, pas très puissante, mais qui mène du point A au B en toute fiabilité”.
Et généralement, comme teinte, on accole à cette “petite cute” le rouge ou tout ce qui a tendance à être fushia ou fluo.
Oh, et aussi le blanc.
SURTOUT le blanc.
“Le blanc est une couleur de femme et c’est le cas – désolée… – même pour le Jeep!” lance Jessica Tucker, entraîneure et osthéopathe qui habite dans les Laurentides.
Donc, une Toyota Yaris blanche, c’est un char de fille. Right?
Sans complexe, s’il vous plaît!
Non! s’exclame Annie Bolduc. Pour cette physiothérapeute qui réside à Sainte-Adèle, un char de fille, c’est avant tout un véhicule sécuritaire et équipé de gâteries, tels les sièges de cuir chauffants et le toit ouvrant.
Comme, par exemple, son Honda CR-V (qui est bleu et non pas blanc, soit dit en passant). L’utilitaire compact et son système de traction intégrale est, dit la mère de 35 ans, parfait pour trimbaler la jeune famille au gré des routes montagneuses – et glacées en hiver…
Même son de cloche chez Geneviève Pépin, de Mirabel. “Un char de fille, c’est une voiture avec des détails bien pensés, tels des sièges électriques – pour ne pas devoir forcer sur leur ajustement.”
Bon, ok, cette gestionnaire de création à l’agence Palm+Havas faisait de l’ironie. Car pour elle, un char de fille, c’est plutôt “une auto qui libère des émotions. Comme une décapotable – pour que je m’imagine habitant Monaco et participant au Rallye des Princesses!”
Baby you can’t drive my car
À la suite de notre interrogation “Est-ce que ça existe, un char de fille?”, Maude Leclerc, directrice adjointe d’une école primaire dans les Laurentides, s’est amusée à reluquer le paysage automobile, question d’analyser qui était au volant de quoi.
Résultat du sondage-maison Leclerc: “Je dirais que 90% des véhicules vont aussi bien aux femmes qu’aux hommes.”
Ceci dit, il y a des véhicules dans lesquels la gente masculine ne veut pas être vue, pas même entraperçue. “C’est le cas des MINI, Smart et autres petites bagnoles du genre, surtout si elles sont décapotables,” dit Maude Leclerc.
Renata Isajlovic, traductrice, abonde: “Et j’ajouterais la Fiat 500 et, évidemment, la Volkswagen Beetle.”
Ah, cette Volks Beetle… Voilà le char de fille par excellence, merci au constructeur allemand qui a fait renaître l’icône automobile avec un réceptacle floral.
Parions que c’est également le modèle qui se retrouve le plus souvent avec de faux cils…
Une anecdote, au passage? Votre soussignée se rappelle comme si c’était hier d’un rendez-vous galant alors qu’elle testait l’Allemande tout en rondeurs. Le galant en question avait refusé de débarquer de la voiture devant la porte du restaurant – malgré le fait qu’il pleuvait des cordes.
“Va garer ça dans le fond du stationnement!” avait supplié le trop embarrassé.
Pour ceux qui se posent la question: non, le rendez-vous n’a pas eu de suite…
Char de maman, char de blonde…
Pour Manon Lacourse, une directrice d’affaires publiques qui habite en Montérégie, quand vient le temps de discourir “char de fille”, tout est question de goût: “Il est difficile d’homogénéiser les préférences féminines,” dit-elle.
Quand même: “Certaines voudront la Volks Beetle vert menthe, d’autres préféreront le gros Cadillac Escalade noir, question de se sentir en sécurité et en hauteur sur la route.”
Parlez-en à Maude Leclerc, qui dit se sentir invincible au volant de la grosse camionnette Ford F- 150 de son conjoint: “J’ai l’impression que rien ne m’empêchera de passer dans tous les nids-de-poule du monde!”
(Pour la petite histoire, sachez que le Ford F-150 est l’un des véhicules les plus “mâles” du marché, avec 93% de ses acheteurs (canadiens) qui sont des hommes.)
De toutes les dames que nous avons sollicitées pour ce reportage, Brigitte Corbeil, une styliste de Magog, est la plus véhémente: “Ça n’existe pas, un char de femme!”
Par contre: “Il y a les chars de maman, les chars de blonde, les chars de grand-mère…”
Pour cette mère de famille de trois grands enfants, le premier doit offrir beaucoup d’espace (“Il faut bien ranger toute la marmaille!”), le second doit être à transmission automatique (“Pas très gracieux de passer les vitesses d’une boîte manuelle en mini-jupe…”) et le dernier ne doit être ni trop haut, ni trop bas, “question de faciliter les entrées et sorties de Grand-Maman”.
“La réalité, dit encore Brigitte Corbeil, c’est qu’un char de fille, ce n’est pas quelque chose de spécifique. C’est plutôt un ensemble d’éléments: des gadgets utiles comme le Bluetooth, des équipements de confort tels les sièges chauffants ou le hayon électrique et, idéalement, le plus de garanties possibles.”
Le plus important? “La sécurité, justement parce qu’on est des mamans, des blondes, des grands-mamans… Réunissez tout ça et vous l’avez, votre parfait char de filles!”
Pas toutes égales dans la féminité
Voyez que lorsqu’on on gratte un peu, les avis sont aussi partagés sur ce qu’est un char de fille… qu’il y a de filles?
Grattons encore un peu plus pour découvrir que s’il est vrai que des véhicules comme le Nissan Juke sont majoritairement achetés par des femmes (à 65% au Canada), la Mazda MX-5 (Miata), pourtant une “petite cute décapotable” est, deux fois sur trois, achetée par des hommes.
C’est dire à quel point il est difficile, pour les constructeurs automobiles, de fabriquer pile – ou pas – un char de fille.
Honda s’y est essayé, l’an dernier, avec sa Honda Fit She’s rose-pêche.
Mal lui en pris: les commentaires ont crié à la condescendance, au sexisme et au mauvais goût. Quoi, un pare-brise protégeant les blanches peaux des rayons UV? Et pourquoi les hommes n’y auraient pas droit, eux aussi?
Ulcérées, certaines internautes ont demandé avec ironie où se trouvaient le porte-tampon hygiénique et la ceinture de sécurité amicale pour les poitrines généreuses…
La plus salée: “Faites-la électrique, comme ça, au moins, elle pourra vibrer…”
Pour, mais pas que pour les femmes
La solution, c’est Volvo qui l’a mise de l’avant – et il y a déjà une décennie de ça. Le constructeur suédois a fait concevoir le prototype Volvo YCC par des femmes… mais pas que pour les femmes.
Le Volvo Your Concept Car n’a malheureusement jamais vu les chaînes de production, mais quelques-unes de ses belles innovations ont fait du chemin jusqu’à nous. À commencer par les méga-consoles centrales de rangement, la clé intelligente et les sièges arrière à l’assise escamotable.
Par contre, on attend toujours le dispositif d’analyse morphologique qui permet au siège, au volant et aux pédales de s’ajuster automatiquement.
Tout comme on attend toujours la peinture “Teflon” pour repousser poussière et saletés, les tapis et coussinets de siège interchangeables au gré des humeurs et le déménagement du bouchon de remplissage de lave-glace, là où il serait tellement plus accessible – c’est-à-dire tout à côté du volet pour le réservoir d’essence…