Surveillance de la pression d’air des pneus: le TPMS, Tout un Problème Maudit?
Depuis l’année-modèle 2008, tous les véhicules neufs vendus aux États-Unis doivent être dotés du fameux TPMS. À la base de cette obligation, on retrouve un certain scandale de pneus Firestone montés sur des Ford Explorer et qui a fait la manchette dans les années 1990…
Le Canada n’a pas encore imposé le TPMS et, pour le moment, rien n’indique qu’il le fera. «Transports Canada n’a pas l’intention de rendre obligatoires les systèmes de surveillance de la pression des pneus au Canada puisqu’il n’y a pas de type de collisions attribuable aux pneus sous-gonflés,» rapporte la porte-parole, Maryse Durette.
Reste que de plus en plus de véhicules neufs vendus de ce côté de la frontière canado-américaine sont munis du TPMS. Et c’est devenu un casse-tête en nos contrées nordiques, tant pour les automobilistes que pour les garagistes.
Entre bénéfices…
De simples senseurs d’ABS qui mesuraient la circonférence du pneu et qui toléraient un manque de pression pouvant atteindre les 25% avant de crier au sous-gonflage, les TMPS d’aujourd’hui ont évolué en des capteurs distincts qui analysent la pression à l’intérieur de chacun des pneus. Voilà qui est plus précis et qui, contrairement aux anciens systèmes dits ‘indirects’, permet de lancer l’alerte si tous les pneus se dégonflent simultanément – et simultanément.
Comment ça marche? En situation de sous-gonflage d’un ou de plusieurs pneus, un témoin s’illumine au tableau de bord du véhicule afin d’aviser l’automobiliste. Les dispositifs plus sophistiqués vont jusqu’à afficher une lecture numérique pour chacun des quatre pneus, précisant lequel est en manque.
L’objectif est évidemment de prévenir l’éclatement d’un pneu, mais dans une autre mesure, il aide l’automobiliste à maintenir la pression recommandée par le constructeur. Ce qui, rappelle Jean-Marie De Koninck, président de la Table québécoise sur la sécurité routière et auteur du nouveau livre Routes et Déroutes, se traduit par plusieurs bénéfices : une réduction de la consommation en carburant, de plus courtes distances de freinage, une meilleure tenue de route en virage et, à long terme, une longévité accrue du pneumatique.
… et inconvénients
Donc, le but du TPMS est d’aider l’automobiliste. Malheureusement, ce dernier a plus de risques de pester contre ce dispositif, au passage des saisons, s’il est de ceux qui utilisent deux ensembles de roues distincts (un pour l’hiver et un autre pour l’été).
Car il lui faut alors investir plusieurs centaines de dollars dans l’achat d’un 2e TPMS – et pour l’heure, ce n’est pas donné : de 50$ à 100$... par pneu, sans compter la reprogrammation exigée pour certains systèmes (20-25$).
Ou alors, il lui faut endurer tout l’hiver un voyant d’alerte qui demeure visible au tableau de bord. En effet, ne retrouvant pas de capteurs à qui parler, le dispositif fera connaître son mécontentement tant et aussi longtemps que la situation ne sera pas réglée. Certains TPMS iraient même jusqu’à pénaliser le comportement du véhicule.
Il y a toujours lieu de ne faire qu’avec un seul ensemble de roues et d’y permuter les pneus aux changements de saison. Des constructeurs comme Volkswagen déconseillent toutefois la chose, question d’éviter un démontage qui pourrait endommager le dispositif. « D’ailleurs, dit le porte-parole Peter Viney, il y a un net avantage à utiliser un ensemble distinct de roues conçues spécialement pour l’hiver parce qu’elles résistent mieux à notre environnement hivernal. »
Ceci dit, Volkswagen renverse la tendance des TPMS à lecture directe et dit plutôt adopter, pour ses Tiguan et ses Passat 2010, un TPMS indirect, qui ne mesure que la vitesse et la vibration.
Trop fragiles
Autre hic du TPMS, également relié à nos conditions climatiques : ces dispositifs en alliage sont d’une fragilité qui ne supporte pas bien nos hivers parsemés de sable et de calcium. Cette fois, c’est au tour des garagistes, qui doivent les manipuler, de souffrir de maux de tête. «Trop souvent, juste le fait de viser la valve fait fendre le capteur, explique Claude Villeneuve, propriétaire de la Boutique de Pneus P.C. à Charlesbourg. Jusqu’à présent, les marchands ont absorbé les coûts, mais de plus en plus on charge des frais supplémentaires lorsqu’on a affaire à des roues avec TPMS.»
M. Villeneuve fait remarquer que GM a développé un dispositif faisant appel à du caoutchouc et, donc, qui résiste mieux aux aléas hivernaux. À l’opposé, dit-il, les TPMS de chez Chrysler sont parmi les pires du marché : «Ils nous causent beaucoup de problèmes,» affirme-t-il.
Nissan a aussi eu sa part d’ennuis: en octobre de l’an dernier (2009), Nissan Canada a dû rappeler près de 20 000 véhicules pour un écrou de TPMS qui risquait, dans les régions à grande concentration de sel routier, de se corroder et d’ainsi entraîner une chute rapide de la pression du pneu. Les États-Unis ont emboîté le pas avec un rappel touchant près de 150 000 véhicules sur leur territoire. Ian Forsythe, porte-parole de Nissan Canada, affirme que le fournisseur des valves a, depuis, remédié à la situation.
À prendre au sérieux
C’est bien connu, les brusques variations du mercure en hiver se traduisent par une perte de pression dans les pneumatiques. Ceux qui conduisent des véhicules équipés d’un TPMS le savent bien: il est fréquent qu’au démarrage par temps froid, le témoin avertisseur s’illumine au tableau de bord, mais qu’après l’échauffement de quelques tours de roue, il s’éteigne.
Trop souvent, les automobilistes croient la situation revenue à la normale alors qu’au contraire, ils devraient plutôt avoir le réflexe de vérifier la pression de leurs pneus. Car presque inévitablement, ils découvrent alors qu’il leur faut insuffler quelques livres en extra.
Rappelons qu’un pneu sous-gonflé même d’à peine 10% (en moyenne trois livres) affecte déjà à la hausse (jusqu’à 2%) la consommation en carburant du véhicule. Sans compter que ce pneu sous-gonflé se dégradera plus rapidement, dit Adrian Leu, directeur des services techniques au Canada pour le fabricant de pneus Yokohama: «Règle générale dans l’industrie, on dit que la durée de vie d’un pneu sous-gonflé de 20% est réduite d’autant.»
Raison de plus pour prendre son TPMS au sérieux. «D’autant plus qu’il indique avec exactitude la pression réelle, rapporte encore M. Villeneuve. En effet, la lecture que l’on prend avec un manomètre n’est jamais aussi précise que le capteur TPMS à même le pneu.»
La bonne vieille vérification demeure
En attendant des TPMS qui survivent mieux aux conditions hivernales, qui coûtent moins à l’achat et qui n’exigent pas nécessairement de reprogrammation à chaque transfert de roues, les automobilistes doivent composer avec un outil qui n’est pas parfait.
Et qui, malheureusement pour eux, ne les absout toujours pas de la bonne vérification de la pression mensuelle – voire bi-mensuelle, lorsque les températures chutent et remontent allègrement. Car: «Dites-vous qu’à toutes les fois qu’un de vos pneus est sous-gonflé, il vous en coûte quelque chose,» dit Raynald Côté, agent de recherche chez CAA-Québec.
Une solution? Peut-être: M. Villeneuve rapporte que ses clients qui font gonfler leurs pneus à l’azote disent que l’avertissement lancé par le TPMS est pas mal moins fréquent en hiver qu’avec des pneus gonflés à l’air. «Ça ne veut pas dire que le témoin ne s’illuminera jamais, mais on constate que les pneus gonflés à l’azote perdent deux fois moins de pression et ça achète d’autant la paix,» conclut M. Villeneuve.