Surveillance à bord: la SAAQ veut noooter à son tour
La SAAQ a à l’oeil les boîtes noires depuis l’an dernier, moment où plusieurs compagnies d’assurances avaient déjà adopté cette télématique GPS de surveillance. Ce “profilage” enregistre la conduite des automobilistes, pour ensuite établir un portrait de leurs habitudes au volant.
Si certains crient aux mouchards et au “Big Brother” qui épient leur vie privée, d’autres, soucieux de faire diminuer leurs coûts d’assurances, ont accepté d’installer les Ajusto (Desjardins), Mobiliz (Industrielle Alliance), Ma Conduite (Intact) et autres automérite (Bélair Direct) du genre.
Crédit : Gif du Québec
La plupart de ces programmes clament une réduction possible de la prime de 25%, mais Protégez-Vous rapporte que la moyenne des économies est plutôt de 12% (chez Desjardins).
Comme la moyenne de la prime d’assurance automobile au Québec tourne autour des 650$, voilà qui signifie une réduction de… 6,50$ par mois.
Le magazine de protection du consommateur stipule par ailleurs que les automobilistes qui vivent en région (donc, plus sujets aux accélérations afin d’entrer sur l’autoroute) et ceux qui roulent plus de 15 000 kilomètres par année sont pénalisés.
Vers des points… d’aptitude?
À date, la télématique GPS des assureurs est volontaire, mais des craintes s’élèvent à l’effet que la mesure puisse devenir obligatoire. Et voilà que la SAAQ, qui gère les immatriculations mais aussi le coût du permis, envisage pareil profilage des données de conduite.
Pour le moment, la société d’état soutient qu’il ne s’agit que d’un projet-pilote – et d’une mesure volontaire, qui plus est. Celle-ci sera mise en place dès 2016 et ceux qui en font la demande, puis qui font preuve de retenue au volant, seraient récompensés par des points… d’aptitude, voire par une réduction de leurs droits d’immatriculation et de conduite. Une nouvelle grille tarifaire sera pensée à cet effet.
Boîte ou… bête noire?
Mais la menace d’une imposition à plus grande échelle plane. Dans une entrevue accordée au journal Le Soleil, la grande patronne de la SAAQ, Mme Nathalie Tremblay, a spécifié que comme les éthylomètres imposés aux coupables récidivistes de conduite avec les facultés affaiblies, les “mauvais” conducteurs pourraient être dans l’obligation d’accepter un GPS qui suive à la trace leurs allées et venues au volant.
Le but visé est évidemment d’améliorer le bilan routier, en ciblant les conducteurs dont les comportements à risque font augmenter la facture publique. Le bon vieux principe de l’utilisateur-payeur, quoi.
Mais dans la foulée, la porte s’ouvre sur plusieurs questions d’éthique et de vie privée. Lisez pourquoi dans notre reportage d’avril dernier – en voici d’ailleurs quelques extraits ci-dessous:
C’est sans compter ces situations majeures où les assureurs, tout comme les compagnies de téléphone ou celles émettrices de cartes de crédit, pourraient être tenus de remettre vos données aux forces policières. On ne peut qu’imaginer ce qui se produira si vous êtes impliqué dans une collision, qu’on fouille votre “boîte noire” et découvre que votre véhicule était stationné à un bar – bar où les caméras montrent que vous avez ingurgité quatre ou cinq consommations bien tassées en moins de deux heures…
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C’est que l’enregistreur transmet pas mal d’infos à votre compagnie d’assurance: vos accélérations forcées, vos décélérations brusques, vos virages et changements de voie, les kilomètres que vous parcourez, à quelle vitesse, à quel endroit et à quel moment de la journée vous les parcourez…
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Est-ce dire qu’en attirant les clients les plus profitables et les moins réclamants, les assureurs diviseront autrement la tarte du risque (pourtant l’essence même de leur existence) et se rattraperont copieusement du côté des “mauvais” conducteurs (…)? Et si les assureurs en venaient à ne plus vouloir assurer ces derniers?