Soya, bambou et paille de blé… dans nos "chars"

Dossiers
mercredi, 30 mars 2011
Du soya, du bambou et de la paille de blé dans nos ‘chars’, une nouvelle lubie des constructeurs automobiles? Pas vraiment. Depuis quelques années, les géants qui concoctent nos véhicules ont découvert que les bio-matériaux font aussi bien – sinon mieux que les traditionnels plastiques à base de pétrole.

Métal, plastique, verre. Métal, plastique, verre. Métal, plastique… mousse de soya, pneus fabriqués d’huile d’orange, couverts faits de fibres de banane... verre.

Vous avez bien lu : la voiture partage de plus en plus de points communs avec notre cuisine. Du coup, la table est mise pour ces nouvelles éco-matières, qui présentent plusieurs avantages.

D’abord, elles sont à la fois plus durables et plus résistantes que les matériaux conventionnels. Plus légères aussi, ce qui aide dans la guerre au poids et, par conséquent, la réduction de la consommation.

Qui plus est, ces matières de fibres organiques utilisent des ressources renouvelables, contrairement au pétrole. Et hautement recyclables, elles sont l’idéal pour les constructeurs désireux d’amoindrir leur empreinte écologique.

En prime : leur fabrication demande généralement moins d’énergie (jusqu’à 30%), ce qui permet de diminuer les coûts de production, mais aussi les émissions de CO2 – jusqu’à 20% pour l’hybride HS 250h, dit Lexus.

Ford : du soya sous le popotin

Ford est l’un des premiers constructeurs à avoir discouru « habitacle vert » avec sa mousse de soya pour le rembourrage de ses sièges.

Ce qu’on a d’abord pris pour un bien étrange usage de la plante a donné de si bons résultats qu’aujourd’hui, quelque deux millions de Mustang, F-150, Expedition, Focus, Escape et Lincoln MKS en sont pourvus.

En faisant appel à la mousse de soya, Ford dit pouvoir réduire annuellement de 1,3 million de kilos sa consommation manufacturière d’huile de pétrole – avec de surcroît une réduction de 5 millions de kilos de ses émissions de CO2.

Un grand avenir pour la paille canadienne

Ford va plus loin que le soya : la paille de blé a tout récemment trouvé sa place dans ses produits, principalement parce qu’il s’agit d’un rebut de culture – et non d’une céréale qui compose l’alimentation de tous les jours.

Pour l’heure, le constructeur se sert de ce nouveau bio-polypropylène injecté de paille de blé uniquement dans les vide-poches de la 3e rangée de son Ford Flex. Rappelons que cet utilitaire est construit en Ontario, une province qui se targue annuellement de 30 millions de tonnes métriques de résidus de paille de blé –  ce n’est donc pas la matière qui manque.

« Cette utilisation (dans les vide-poches) peut sembler petite, mais elle ouvre la porte à beaucoup d’autres applications, » dit Ellen Lee, l’expert technique en recherche sur les plastiques pour Ford.

Consoles centrales, panneaux intérieurs de portières, dessous de capots… Qui sait à quel menu sera conjuguée la paille de blé canadienne dans les prochains véhicules Ford?

Cartons recyclés et vieux jeans au plafond

Chez GM, la nouvelle Buick Lacrosse a beau être une luxueuse berline, ça ne l’empêche pas de recourir à de vieux cartons d’emballage recyclés comme éléments acoustiques sous son revêtement de plafond.

Autre matériel insonorisant utilisé : de vieux jeans et de vieux tapis déchiquetés. Ces matériaux sont non seulement des produits du recyclage, ils sont également compacts et légers, donc plus faciles à assembler.

Du bambou ‘audio’

Les acheteurs d’hybrides attendent de leur véhicule une bonne performance en consommation en carburant, mais aussi en protection de l’environnement en général. C’est pourquoi Toyota a mijoté des bio-plastiques que l’on retrouve depuis quelques années ici et là, dans l’habitacle de ses hybrides.

Le constructeur a d’ailleurs statué que la cabine de tous ses véhicules, hybrides ou pas, intégreront au moins 20% de plastiques écologiques (ou faits de matières recyclables) d’ici 2015.

Question d’aller encore plus loin dans l’éco-conscience, Toyota a apprêté pour sa nouvelle hybride Lexus CT 200h des diaphragmes de haut-parleur… en résine de charbon de bambou. Oui, oui, du bambou.

Au-delà du fait que cet élément de la nature pousse comme du chiendent, son utilisation ‘audio’ permet d’être 15% plus léger, 20% plus résistant et surtout d’offrir 10% plus de vitesse sonique. « Le résultat est une tonalité plus claire et beaucoup plus naturelle, » affirme le constructeur.

Alcool au volant : l’exception qui fait la règle

Mazda a ses quartiers généraux dans Hiroshima, une région riche en brassage traditionnel de saké. Cette expertise en fermentation, le constructeur nippon l’a appliquée dès 2006 dans la conception de bio-plastiques à base d’amidon de maïs, destinés aux panneaux d’instrumentation et revêtements de portières automobiles.

Plus récemment, Mazda a développé pour les sièges de sa Premacy à l’hydrogène un bio-tissu 100% d’acide polylactique – c’est-à-dire fabriqué de biomasse cellulosique. L’intérêt de ce bio-tissu réside dans le fait qu’on se sert, pour sa fabrication, de résidus de culture (ici, de la canne à sucre), et non d’une graminée qui devrait plutôt se retrouver dans nos assiettes.

Danger : trop biodégradable?

Chez Ford, la recherche se poursuit quant au polylactide, un plastique 100% biologique provenant entre autres des sucres du maïs, de la betterave sucrière ou encore du panic raide.

Le bon côté de la chose : une pièce de ce plastique se biodégrade en moins de 120 jours dans un site d’enfouissement, alors qu’une pièce de plastique à base de pétrole demandera jusqu’à mille ans pour en faire tout autant.

Mais avant d’intégrer cette nouvelle matière à bord de ses véhicules, Ford doit s’assurer que son processus de décomposition ne commencera pas avant la fin de vie utile du véhicule. Ça serait dérangeant, avouez.

Si les tests sont concluants, on pourra retrouver le polylactide autant dans les tapis, les selleries que les garnitures intérieures moulées par injection.

Carburer au chocolat?

Certes, on n’en est pas encore à la voiture qui se mange – comme cette Formule 3 développée par l’université anglaise de Warwick qui dispose d’un volant fait de carottes, de freins à la noix de cajou et de sa caisse en amidon de pommes de terre.

Oh, spécifions que le bolide peut rouler jusqu’à 220 km/h avec pour tout carburant… les restes de chocolat de l’usine Cadbury voisine.

Avant d’en arriver là (mais… le veut-on vraiment?), il y a encore quelques bonnes étapes à franchir pour que les bio-plastiques se transposent de l’habitacle à la carrosserie, puis au châssis.

Reste que la tendance est indéniablement au renouvelable et au biodégradable. Et déjà, plusieurs défis ont été relevés. Ainsi, les nouveaux bio-matériaux respectent, voire dépassent les normes de l’industrie en termes de résistance, d’expansion thermique et de dégradation.

De même, aucun automobiliste ne s’est plaint jusqu’à présent que la paille de blé et la mousse de soya laissaient flotter une odeur d’écurie ou de sushi dans l’habitacle.

Et c’est sans doute là que réside le secret de la recette : s’ils veulent remporter la mise, les éco-matériaux doivent être acceptés par les consommateurs… en se faisant les plus imperceptibles possible.

Et vous, quelle pitance retrouvez-vous dans votre véhicule?

 

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