Sournoise somnolence au volant: ne tombez pas (endormi) dans le panneau...
On discoure longuement sur l’alcool au volant et la vitesse qui tue, mais la somnolence au volant n’est pas un problème banal pour autant. De fait, elle occupe le troisième rang des accidents mortels sur nos routes, dit la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).
Pour l’ensemble du Canada, elle serait à l’origine d’un accident mortel sur cinq. Sans doute l’est-elle davantage, mais les conducteurs ne sont malheureusement plus de ce monde pour confirmer qu’ils se sont bel et bien endormis au volant…
Un sondage mené par la SAAQ rapporte que moins d’un Québécois sur dix considère la somnolence au volant comme une cause principale d’accident. Lors de cette enquête, presque un jeune sur deux (16 à 24 ans) a affirmé que la fatigue n’influençait pas sa façon de conduire.
Pourtant, chez les conducteurs qui ont un accident parce qu’ils se sont endormis au volant, les jeunes – les jeunes garçons surtout –sont sur-représentés. La raison en est fort simple : les jeunes ont davantage besoin de sommeil que les personnes plus âgées. Vous vous rappelez certainement cette époque où, vous aussi, vous deviez « faire le tour du cadran » pour être bien reposé…
Cependant, ne rejetons pas toute la faute sur les jeunes : les personnes de 50 ans et plus sont aussi à risque, parce qu’elles sont plus nombreuses à souffrir de troubles du sommeil.
Les gens qui conduisent sous l’effet de l’alcool, de médicaments ou de drogues sont également plus à risque.
Même chose pour les employés de nuit et ceux qui font la rotation des quarts de travail.
Ah oui, il y a aussi les conducteurs de poids lourds, appelés à tenir le volant pendant de longues heures.
Bref, la somnolence au volant, ça concerne tout le monde. Et année après année, la problématique fait annuellement plus de 400 victimes au Canada. Comment y faire face?
Saoul? Non, juste fatigué!
D’abord, il faut cesser de la sous-estimer, cette somnolence au volant. Un sondage mené par la Fondation de recherches sur les blessures de la route (www.tirf.ca) révèle que 20% des Canadiens se seraient – ou auraient été sur le point de – s’assoupir au volant au moins une fois au cours de l’année précédant l’enquête. C’est un conducteur au pays sur cinq, ça!
Aussi, il faut cesser de se mettre la tête dans le sable : qu’on le veuille ou non, la fatigue affecte la conduite. Le temps de réaction diminue, la vision rétrécit et le conducteur en vient à être tellement dans la « lune » qu’il ne réagira pas à un danger imminent.
Vous en doutez? Sachez que neuf policiers sur dix interrogés par la AAA Foundation for Traffic Safety disent avoir déjà intercepté un automobiliste parce qu’ils le croyaient en état d’ébriété… alors qu’il était victime de somnolence au volant.
Tôt le matin… et l’après-midi
Les accidents causés par l'assoupissement au volant ont des caractéristiques communes. Ils surviennent généralement sur une voie rapide et quatre fois sur cinq, ils n’impliquent qu’un seul véhicule.
Ils se produisent la nuit, particulièrement aux petites heures du matin, mais aussi en milieu d’après-midi – vous savez, ce petit laps de temps après l’heure du lunch où notre corps veut tourner au ralenti? Dans ces périodes « creuses », mieux vaut éviter de traverser des zones de circulation intense, parce que l’attention des conducteurs, autant la sienne que celle des autres, n’est pas à son meilleur…
Autre élément qui n’est pas pour rassurer : la plupart des accidents causés par la somnolence au volant sont mortels. Trop souvent, celui ou celle qui s’est endormi(e) au volant n’est plus là pour raconter son histoire…
Le seul remède : dormir!
On aura beau chercher, le meilleur – et le seul remède à la fatigue au volant est de… dormir. Le café ou tout autre breuvage à la caféine peut stimuler un moment, mais il ne chassera pas la somnolence.
Ouvrir une fenêtre, maximiser la climatisation? Discourir avec le passager (s’il ne dort pas…), monter le son de la radio? Voilà l’équivalent du plus petit pansement de votre pharmacie posé sur une fracture béante.
Et que dire de ces dispositifs supposés nous avertir avant qu’il ne soit trop tard? « Ils procurent un faux sentiment de sécurité, » soutient Raynald Côté, agent de recherche chez CAA-Québec (voir notre encadré).
Alors, ne vous fatiguez pas (!), il n’y a qu’une solution : dès les premiers signes de somnolence au volant, il faut vous arrêter dans un endroit sécuritaire et vous reposer. Vous en êtes au stade des hallucinations, de la difficulté à maintenir une vitesse et une trajectoire constantes, vous vous réveillez en sursaut? Mais que faites-vous donc encore sur la route!?!?
Vous faites sans doute comme trop de gens : selon la Fondation de recherches sur les blessures de la route, à peine 15% des gens qui somnolent au volant se garent pour se reposer.
Ivre de fatigue
Le parfait conducteur ne se glissera pas fatigué derrière le volant de sa voiture. Au contraire, avant de partir pour un long trajet, il aura prévu passer une vraie bonne nuit de sommeil. Il saura que peu importe l’âge, une « dette de sommeil » de cinq heures entraîne le même effet que l’absorption de deux ou trois verres de vin.
Il saura aussi que cette « dette de sommeil », lorsque jumelée à une veille qui dure depuis 20 heures, diminue les temps de réaction de moitié et est pire qu’un taux d’alcoolémie de 0,05mg.
Autrement dit, celui qui n’a pas assez dormi, et dont le réveil remonte à loin, court tous les risques d’être ivre de fatigue. Ses réflexes n’en sont plus, sa concentration a pris le large et sa vision n’a plus rien de périphérique.
Bref, le voilà devenu un danger public sur la route, autant pour lui que pour les autres.
Moi, endormi? Ben non, voyons!
Bon, je vous entends : vous êtes convaincu de pouvoir vous arrêter avant de tomber endormi. Des petites nouvelles pour vous : le Laboratoire de simulation de conduite de l’Université de Montréal a récemment découvert que trop souvent, les gens ne sont pas conscients d’être sur le point de s’endormir.
En effet, les sujets installés au simulateur devaient, à intervalles réguliers, décrire comment ils se sentaient. Alors que tous les signes indiquaient qu’ils étaient sur le point de s’assoupir (trajectoire non maintenue, mouvements plus amples et moins précis du volant, variations de la vitesse de croisière), ils répondaient… qu’ils allaient encore très bien!
« C’est stupéfiant, raconte Jacques Bergeron, directeur du Laboratoire. Les gens tombaient en hypo-vigilance sans s’en rendre compte, nous disant être dans leur état normal. Pourtant, tout dans leur comportement montrait qu’ils étaient sur le point de faire une fausse manœuvre ou de perdre le contrôle! »
Prévenir avant de dormir
Pour mettre toutes les chances de votre côté, mieux vaut planifier des trajets qui ne dépassent pas huit heures de route. Idéalement, ces heures de route s’effectueront alors qu’il fait jour, non pas lors des périodes habituellement occupées à dormir.
Le périple est plus long? N’oubliez pas : une bonne nuit de sommeil peut vous sauver la vie. Accordez-vous une bonne douche et un bon lit, non pas une sieste à la sauvette sur la banquette du véhicule stationné dans un « truck stop »…
En chemin, pensez à prendre des repas légers et faites une croix sur l’alcool. Vous devez absolument absorber des médicaments qui provoquent la somnolence? Utilisez un autre mode de transport, tels l’autobus, le train ou encore l’avion.
Dans l’habitacle de votre véhicule, maintenez une bonne aération, ainsi qu’une température fraîche. S’il faut trop chaud, la fatigue se fera sentir plus vite – et la concentration diminuera d’autant.
En soirée, diminuez l’intensité de l’éclairage du tableau de bord; il est dit que les contrastes lumineux accroissent la fatigue visuelle. Pour la même raison, nettoyez votre pare-brise et les rétroviseurs à chaque plein d’essence, plus souvent si nécessaire. Ne disposez pas d’objets sur la planche de bord qui pourraient se refléter dans la glace et agacer votre vision.
À toutes les deux heures, prenez une pause d’au moins dix minutes pour relaxer et vous dégourdir les jambes, Cela brisera la monotonie de la conduite et, d’ailleurs, vous n’aurez pas le choix : parce que vous aurez suivi notre conseil de boire beaucoup d’eau, il vous faudra régulièrement faire la pause-pipi…
Surtout, ne vous prenez pas pour un super-héros : vous ne parviendrez pas à savoir – et à prévenir le moment où vous allez vous assoupir. Encore moins si vous êtes du genre à vous endormir avant que votre tête ne touche l’oreiller!
Si vous êtes fatigué, ne conduisez pas. Il serait trop dommage… de ne plus jamais vous réveiller.
Les signes de la somnolence au volant :
- Bâillements fréquents
- Yeux qui brûlent, vision brouillée
- Ennui, perte de concentration
- Réactions plus lentes
- Oublier de périodiquement vérifier dans ses rétroviseurs
- Changements impromptus de voie
- Vitesse non constante
- Freinage désordonné
- Manquer sa sortie, son virage
- Hallucinations
- Difficulté à garder la tête droite, les yeux ouverts
- Aucun souvenir des derniers kilomètres parcourus…
- « Cogner des clous », se réveiller en sursaut
Dispositifs anti-sommeil : faux sentiment de sécurité
Les conducteurs qui craignent de s’endormir au volant peuvent installer à leur oreille un dispositif qui émet un son strident, advenant que la tête bascule vers l’avant. « Vrai que cela ne peut pas nuire, dit Raynald Côté du CAA-Québec. Néanmoins, un tel appareil procure un faux sentiment de sécurité : il n’est pas dit que si le conducteur s’endort, sa tête va nécessairement basculer vers l’avant… »
Certains constructeurs automobiles ont mis au point des systèmes tel l’avertisseur de changement de voie : si le véhicule franchit une ligne de signalisation routière sans que son conducteur n’engage les clignotants, une alarme résonne dans l’habitacle. L’avenir nous livrera même des caméras qui analyseront la rétine de l’automobiliste, à l’affût d’un signe de somnolence.
Le hic, c’est que celui ou celle qui craint de s’endormir au volant… n’est déjà plus en état de conduire.