Saurez-vous lui dire: "Tasse-toé Mon'Oncle"?
Le hic, c’est qu’il est devenu dangereux au volant, ce vieux Mon’Oncle. Il tergiverse aux intersections, sa vitesse n’est pas constante, il est distrait et il fait souvent l’objet de coups de klaxon agressifs. Qui plus est, son véhicule reflète la situation en arborant de plus en plus de bosselures et d’égratignures.
Que ce soit en raison du vieillissement, d’une médication ou encore d’une maladie dégénérative, ce vieux Mon’Oncle a visiblement perdu une partie de ses facultés et sa conduite n’est plus sécuritaire. Mais il a la tête dure, ce Mon’Oncle : il tient mordicus à sa liberté sur route.
On peut le comprendre et, d’ailleurs, le Conseil canadien de la sécurité l’affirme haut et fort : renoncer à son permis de conduire est une expérience traumatisante et pleine de conséquences. Car qui dit adieu au p’tit bout de plastique qui autorise la conduite, dit moins de sorties, une dépendance accrue, le sentiment d’être un fardeau pour les autres, bref une vie sociale moins ‘glamour’.
Signes avant-coureurs
Chez notre vieux Mon’Oncle qui conduit encore, on reconnaît plusieurs des signes annonciateurs d’une catastrophe. On le sent moins confiant, voire confus dans la circulation dense, il ne cède pas toujours le passage alors qu’il le devrait, il hésite devant la signalisation routière, il tarde à réagir aux situations imprévues, il freine fréquemment… mais pas toujours aux arrêts obligatoires.
Son véhicule entre régulièrement en contact avec les trottoirs, la boîte aux lettres du voisin, le garage… Il est impliqué dans des quasi-collisions (ou des collisions tout court), les contraventions se font de plus en plus nombreuses à son endroit, il a tendance à s’égarer alors qu’il connaît pourtant bien le quartier et il éprouve une difficulté grandissante à se retourner pour bien voir à l'arrière au moment de reculer
Dernier signe qui ne trompe pas : amis et membres de la famille ne veulent plus monter à bord lorsque c’est lui qui conduit…
Accidents versus kilomètres : les pires
Pris individuellement, les conducteurs âgés sont moins impliqués dans des collisions que la moyenne, dit le Conseil canadien de la sécurité. Mais si l’on tient compte des accidents impliquant les gens âgés versus le nombre de kilomètres qu’ils parcourent, ces derniers ont plus d’accidents que tous les autres groupes d’âge.
Lorsque ça frappe, ces conducteurs sont mis en cause pour des temps de réaction trop longs, pour ne pas avoir vu le piéton (ou la voiture… ou le panneau de signalisation…) et parce que leur interaction avec les autres est déficiente (omettre de céder le passage, par exemple).
On ne s’en sort pas : même si l’on se glisse derrière le volant depuis des décennies, reste que la conduite automobile demande de la concentration et que tous les sens soient en alerte. Et un conducteur qui vieillit a peut-être plus d’expérience que la moyenne, il doit néanmoins composer avec une vision qui diminue, des réflexes moins rapides, des mouvements limités (peut-être en raison de l’arthrite ou de rhumatismes), voire une difficulté à évaluer vitesse, distances et profondeur.
Qui choisir pour le dire?
Le problème, c’est que Mon’Oncle ne semble pas se rendre compte qu’il devrait cesser de conduire. Comme personne ne souhaite qu’il se blesse, qu’il blesse quelqu’un d’autre ou pire encore, il faut aborder avec lui le sujet, aussi délicat cela soit-il. Car : « Il est plus important de protéger la vie que de préserver des sentiments, » dit l’Association canadienne pour les automobilistes (CAA).
Idéalement, le messager qui amorcera le propos avec Mon’Oncle sera choisi non pas pour sa fermeté ou son éloquence, mais bien pour sa compassion, son écoute et… sa crédibilité. Des recherches américaines montrent d’ailleurs qu’il vaut mieux privilégier, dans l’ordre, le conjoint ou le médecin et ce, avant les enfants (même si ceux-ci sont devenus grands).
Le porteur de la mauvaise nouvelle pourra commencer son laïus en élaborant sur quelques exemples concrets de ce qui tracasse l’entourage : cet épisode où Mon’Oncle s’est perdu dans un endroit pourtant familier; ces fois où il a confondu les pédales d’accélérateur et de frein; la difficulté qu’il éprouve à conserver la voiture dans sa voie; la collision évitée de justesse, l’autre jour...
Solutions à mi-chemin
Si tous les vieux Mon’Oncle de la terre réagissaient en acceptant la situation sans tempêter, on n’aurait pas besoin de Visa. Au contraire, les réactions négatives et les phrases assassines du genre « Mêle-toi de ce qui te regarde » sont non seulement possibles, elles sont attendues. Heureusement, il existe des solutions intermédiaires.
Ainsi, on peut recommander à Mon’Oncle un examen médical ou une rencontre avec un ergothérapeute pour une évaluation en toute objectivité des capacités de conduite. On peut aussi lui suggérer de ne conduire que le jour, en dehors des heures de pointe et en évitant les autoroutes et les centres-villes achalandés.
Et pourquoi pas un cours de révision, où Mon’Oncle pourra également découvrir les nouvelles technologies automobiles? (Infos : 55 ans au volant, par l’Association québécoise des retraités du secteur public et parapublic, www.aqrp.qc.ca ou 1-800-653-2747, poste 55).
Évidemment, on rappelle au passage que la voiture n’est pas le seul choix de mobilité qui soit. Il y a le train, le métro et l’autobus dans les régions urbaines, les services de transports locaux et le co-voiturage en région. Il y a toujours la famille et les amis sur qui compter, mais Mon’Oncle se sentira peut-être mal à l’aise de solliciter semblables faveurs. Pourquoi ne pas alors lui suggérer un échange de services, du genre quelques accompagnements en voiture contre… un bon petit lunch au resto?
Signalement anonyme
Autant que possible, il faut laisser Mon’Oncle faire ses propres choix et graduellement apprivoiser d’autres types de mobilité. Au passage, il pourrait bien découvrir de lui-même que son anxiété est grandement réduite depuis qu’il n’a plus à conduire… Par-dessus tout, il faut se mettre à sa place. Un jour, la vieillesse ou la maladie nous fera tous dire adieu à notre chère automobile.
Mais si, irrémédiablement, Mon’Oncle est un véritable danger public pour nos routes et que le message ne passe pas, il reste LA solution : un signalement anonyme à la SAAQ. Cette dernière exigera alors un examen médical et, possiblement, une réévaluation des compétences de conduite.
Au Québec, un examen médical et d’optométrie est exigé des conducteurs à l’âge de 75 et à 80 ans, et ensuite à tous les deux ans. La moitié des personnes soumises à ces contrôles voient leur permis renouvelé, mais plus du tiers se voient imposer des conditions telles que conduire uniquement de jour, porter des verres correcteurs ou rouler dans un rayon de X kilomètres du domicile.
Bon an, mal an, seul 1% des permis sont suspendus. La Belle Province devrait-elle être encore plus sévère? La réponse réside peut-être dans ce qui se fait en Ontario et en Nouvelle-Écosse. La première commande entre autres, après 80 ans, une épreuve sur route pour ceux dont le dossier renferme plusieurs infractions ou accidents. Et la seconde exige une épreuve sur route, de même que des examens (écrits et visuels) à tous les conducteurs de 65 ans impliqués dans un accident avec responsabilité.
Quelques trucs pour Pappy et Mammy
Vous vous sentez de moins à moins à l’aise au volant? Voici quelques trucs pour vous aider à regagner confiance.
- - Planifiez votre itinéraire en choisissant des trajets que vous connaissez bien. Limitez les distractions à bord (radio, cellulaire, conversations avec les autres passagers) et fuyez les périodes de pointe.
- - Évitez de conduire par mauvais temps ou lorsqu’il fait noir. Restez alerte : balayez constamment des yeux les alentours et consultez souvent vos rétroviseurs. Si vous êtes déprimé, fatigué ou en colère, ne conduisez pas. Évitez l’alcool et si vous prenez des médicaments, renseignez-vous sur leur effet.
- - Améliorez votre visibilité en maintenant propres vos vitres et votre pare-brise. Songez à vous faire installer des miroirs d’appoint dans vos rétroviseurs.
- - Enfin, au risque de provoquer l’impatience des autres conducteurs, prenez votre temps. Ne laissez personne vous forcer à faire des manœuvres pour lesquelles vous ne vous sentez pas prêt. À ceux qui vous pressent, rappelez-leur qu’un jour, ça sera leur tour!