Risque sa vie pour... sauver du carburant!
Non? Eh bien, laissez-nous vous présenter le parfait hyper-kilométrique. Mais de grâce, avant d’adopter ces techniques extrêmes pour maximiser l’économie en carburant, demandez-vous si ça vaut vraiment le danger…
Pour les besoins de la cause, appelons-le Bob, notre hyper-kilométrique. Bob, donc, a décidé un jour qu’il réduirait substantiellement sa facture d’essence. Il roule déjà en petite voiture économique, il n’utilise jamais son climatiseur, il fait son 100km/h pile sur l’autoroute et il évite autant que possible les bouchons de circulation – car un moteur qui tourne dans une voiture qui ne va nulle part, ce n’est pas vraiment «winner», avouez.
Tiens-toi, l’Énerguide!
Bob a décidé d’aller encore plus loin et de battre les cotes de consommation de l’Énerguide (!). Pour ce faire, il a visité quelques sites Internet où il a découvert – et fait sien le « hyper-mileage ». Cette pratique est adoptée par de plus en plus de conducteurs du continent, au point où l’Association américaine des automobilistes a émis à l’été 2008 un communiqué de mise en garde.
Mais Bob a fait fi des recommandations et depuis, il a réussi à réduire de moitié, voire même plus encore l’appétit de sa voiture. Mais à quel prix…
Ça commence quelque part…
D’abord, Bob y est allé de techniques de base. Il a privilégié les routes urbaines aux autoroutes parce qu’elles lui accordent davantage d’occasions de réduire sa vitesse – et sa consommation.
Depuis, le regard pointé loin devant, il anticipe trois, voire quatre feux de circulation plus loin. Car après tout, quossé ça donne de démarrer en fou à un feu vert… alors qu’il faudra de toute façon s’immobiliser à la prochaine intersection? Un peu de jugeotte ici et l’affaire est «ketchup» – et pas dangereuse. Pour l’instant, la seule menace que pose notre Bob, c’est envers les compagnies de pétrole qui voudraient bien lui vendre plus de carburant.
Bob s’est aussi muni d’un gizmo qui indique avec précision la consommation instantanée de sa voiture. On est d’accord avec le fait que toute automobile devrait proposer une telle lecture, mais en attendant que l’ordinateur de bord devienne un équipement obligatoire et de série, Bob a fait ce qu’il fallait: se munir d’un indicateur qui lui dit quand il faut lever le pied.
Sur la ligne
Bob a aussi commencé à pratiquer le « ridge-riding ». Cette technique de conduite consiste à faire rouler ses deux roues de droite sur la ligne blanche. Vous riez? Eh bien, sachez que les pneus rencontrent un brin moins de friction sur la peinture que sur le bitume.
C’est encore plus marqué par temps de pluie, puisque l’eau accumulée au centre de la voie fait risquer l’aquaplaning. Ah, l’aquaplaning, ce grand criminel de l’hyper-kilométrage... Mais conserver ses pneus sur une mince bande blanche demande concentration, en plus de nuire à la circulation en général. Et que dire si une voiture en panne se trouvait malencontreusement dans l’accotement… Indéniablement, notre Bob devient audacieux.
Vélo et stationnement « songé »
Si Bob habite là où les transports en commun ne sont pas une option, reste qu’il doit parcourir un dernier bout de chemin en ville pour se rendre à son travail. Solution : il conduit sa voiture pour la première partie du trajet, puis il accomplit l’itinéraire urbain… sur le vélo qu’il a pris soin de glisser dans le coffre. Une pierre deux coups, puisqu’il se paie ainsi quelques kilomètres d’exercice.
Son « hyper-kilométrage », Bob le pratique jusque dans les stationnements, où il y cherche l’espace le plus en hauteur possible. Il y place sa voiture de manière à éviter toute manœuvre de recul lorsque viendra le temps de reprendre la route et, surtout, à pouvoir repartir en pente ascendante. Un autre p’tit dixième de litre de carburant ainsi épargné…
Exit l’inutile
Bob en a aussi profité pour faire le ménage de son « intérieur ». Exit, donc, les objets inutiles qui font augmenter le poids de sa voiture. Et adieu, ces rails de toit qui ne servent qu’une fois ou deux l’an et qui entravent l’aérodynamisme.
Tant qu’à y être, et parce que rares sont les passagers qui y prennent place, Bob a aussi retiré la lourde banquette arrière. Et il a gonflé ses pneumatiques au maximum de la recommandation du fabricant (peut-être même un peu plus…), question de réduire la friction le plus possible. Avouez, ça commence à être extrême.
Illégal
Mais vous dites que du danger, il n’y a pas encore? On y arrive. Car Bob s’adonne maintenant au « drafting ». À la manière d’un bolide de course qui roule dans l’aspiration de celui qui précède, Bob suit les grands poids lourds de près, de très près. Euh… juste vous rappeler, cependant : l’action de suivre de trop près est interdite par l’article 335 du Code de la sécurité routière.
Amende : 100$, plus deux points d’inaptitude. La SAAQ mène d’ailleurs, en ce mois de septembre, une campagne sur la courtoisie au volant et le fait de suivre de trop près est l’un des comportements visés par les publicités télévisées.
Autre temps où Bob passe dans l’illégalité : il profite des descentes pour se laisser aller, et tant pis pour les limites de vitesse. En montée, il laisse la voiture venir à bout de son élan, avant de doucement – oh, tout doucement – ré-accélérer. Et tant pis pour les conducteurs qui pestent derrière.
Témérité
Encouragé par une consommation en carburant, pour sa voiture, similaire à celle d’une hybride, Bob devient téméraire : il expérimente le « coasting » ou, si vous voulez, le fait de rouler au neutre, une technique particulièrement prisée en descente.
Certains états américains interdisent la chose, mais ce n’est pas (encore) le cas au Québec. La SAAQ rappelle cependant que la manœuvre est peu sécuritaire. Entre autres : « Le conducteur ne pourra compter sur la compression du moteur pour ralentir son véhicule, ce qui augmentera ses distances de freinage et, par conséquent, le privera de temps pour s’arrêter ou éviter un obstacle, » dit le porte-parole Gino DesRosiers.
Sans les freins!
Parlant freinage : Bob a décidé qu’il conduirait comme s’il n’avait plus de freins. Le bon coté est que ça lui laisse suffisamment de marge de manœuvre avec la circulation qui précède pour qu’il n’ait pas à s’immobiliser pour un rien. Bob conserve ainsi une vitesse stable et ça se ressent positivement sur son économie en carburant – de même que sur la non-usure de ses freins.
Le mauvais côté, c’est qu’il ne s’arrête plus aux intersections… Pas bon, avouez. Et on s’en doute : ce que Bob épargne en essence, il devra le payer en réparations de carrosserie, en primes d’assurance ou, pire, en culpabilité pour avoir blessé autrui.
Et c’est bien beau, d’établir un record de deux ou trois litres aux 100km, mais encore faut-il rester envie pour en témoigner…
Le terme hyper-mileage a officiellement vu le jour au tournant du millénaire grâce à Wayne Gerdes, un résident de Chicago qui, après les événements du 11 septembre, en a eu assez de la dépendance américaine au pétrole. Son site internet : www.cleanmpg.com.