Québec: vers une inspection obligatoire des véhicules de huit ans et plus

Dossiers
vendredi, 10 septembre 2010
À ceux qui reprochent au Québec de ne pas encore avoir de programme d’inspection des émissions automobiles polluantes, patience : un plan est à mijoter et il pourrait bien prendre une forme plus sensée que ce qui s’est fait ailleurs.

Au cours des prochains mois, un comité d'aviseurs nommé par la ministre du Développement durable et de l’Environnement, Line Beauchamp, devrait officiellement proposer que l’on s’attaque aux émissions des voitures âgés de huit ans et plus.

Selon une étude ontarienne, c’est en effet à cet âge automobile que l’on note une substantielle hausse de la pollution au bout du tuyau d’échappement. À peine 4% des véhicules âgés de six ans et moins outrepassent les normes, mais à huit ans, cette proportion triple. Et elle ne cesse d’augmenter avec les années, pour atteindre les 27% de « délinquance » chez les véhicules de 12 ans et plus.

C’est donc du côté du parc automobile plus âgé qu’il faut principalement se tourner, dit Pierre Beaudoin, directeur principal des services techniques chez CAA-Québec. Non sans coïncidence, M. Beaudoin est aussi président de la Table de concertation sur l’environnement et les véhicules routiers. À ce titre, il participe activement aux discussions du comité aviseur:

« Ailleurs, par exemple aux États-Unis, les programmes d’inspection monopolisent trop d’automobilistes, dit-il. Ici, ce que l’on propose, c’est de cibler les pollueurs. Un peu comme si on ne vaccinait contre la grippe que les gens les plus à risque. »

Pour l’heure, le « Programme d’inspection des véhicules de huit ans et plus » n’en est qu’au stade d’ébauche. Il faut encore fixer les normes de pollution, déterminer qui procédera aux inspections, définir de quelle façon et avec quels équipements l’on vérifiera les émissions.

Au passage, il faudra éviter les ratés des tout premiers programmes implantés au sud de nos frontières, alors que les garagistes se faisaient offrir, par des automobilistes pollueurs et malhonnêtes, pots-de-vin contre vignettes de conformité…

Ici, soutient Pierre Beaudoin, l’inspection surviendrait lors de transactions entre acheteurs et vendeurs, de sorte qu’un véhicule de plus de huit ans qui faillirait au test anti-pollution ne pourrait être immatriculé de nouveau. L’implication de la Société de l’assurance automobile du Québec et son système centralisé ferait en sorte, dit encore M. Beaudoin, qu’il serait difficile de brouiller les cartes.

Ce test, qui devrait réclamer plus ou moins 100$ du portefeuille, pourrait bien faire d’une pierre, deux coups.

Dans un premier temps, il empêcherait évidemment de remettre sur la route les véhicules les plus pollueurs. Dans un second, il inciterait les automobilistes, soucieux de la valeur de revente de leur voiture, à bien l’entretenir, de sorte qu’elle puisse passer l’épreuve environnementale haut la main.

« Et rappelons qu’une voiture bien entretenue signifie des économies de 15% à 20% à la pompe!» dit M. Beaudoin.

Pour l’heure, il s’échange annuellement au Québec plus de 400 000 véhicules âgés de huit ans et plus. De ce nombre, un peu plus des deux tiers reprennent la route. Selon les estimations de CAA-Québec, un quart de ces véhicules seraient des « délinquants », côté pollution.

Si ces véhicules étaient remis à niveau, ce sont 56 000 tonnes de CO2 qui ne seraient pas recrachées dans l’atmosphère la première année seulement, affirme M. Beaudoin. Si l’entretien est maintenu, ce bénéfice environnemental se répéterait à chaque année.

Bien sûr, devant des coûts de remise à niveau pouvant atteindre les 1000$, voire plus pour les grands « délinquants », le jeu n’en vaut pas toujours la chandelle. C’est pourquoi les recommandations du comité aviseur devront aussi inclure des programmes de mise à la ferraille, ainsi que des compensations, financières ou autres.

Il reste plusieurs ficelles à attacher autour de cette éventuelle inspection obligatoire, mais « le Québec devra agir rapidement, » dit Pierre Beaudoin. En effet, les véhicules sont de mieux en mieux construits et, par conséquent, roulent beaucoup plus longtemps qu’auparavant. Si un peu moins d’un demi-million de véhicules âgés de dix ans et plus circulaient sur nos routes il y a quinze ans, ils sont plus de 1,2 million à le faire aujourd’hui.

De fait, presque la moitié des véhicules construits en 1993 roulent encore!

« CAA est très consciente que nos membres utilisent des automobiles, que la pollution brise notre environnement et que si l’on ne trouve pas rapidement des solutions, on devra peut-être en restreindre l’utilisation, conclut M. Beaudoin. C’est pourquoi il nous faut être pro-actifs dès maintenant. »

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