Pour tout savoir des voitures autonomes, avec M. Google lui-même
Pas une semaine ne passe dans les médias, automobiles ou pas, sans que l’on ne parle ou que l’on n’entende parler des voitures autonomes. Est-on prêt? Faut-il paniquer? Quels en sont les défis?
C’est oublier que les voitures autonomes… sont déjà avec nous. Vous le savez si vous avez conduit les dernières moutures des BMW, Mercedes-Benz ou Audi, qui vous laissent presque lire derrière le volant, pendant qu’elles enfilent l’autoroute.
Nous avons dit «presque».
Mais on dira ce qu’on dira, la première compagnie à sérieusement discourir, mais aussi à tester des voitures autonomes, qui plus est sur de véritables routes (de la Californie et du Texas, en l’occurrence), n’était pas un constructeur automobile.
C’est Google. Et l’entreprise le fait depuis sept ans, déjà.
Quand on y pense, qui de mieux que l’entreprise technologique nichée dans la Silicon Valley, à la tête du plus important moteur de recherche Internet, pour tenter de planifier tous les scénarios que peut rencontrer une voiture sans conducteur – pour ensuite les programmer dans son système d’intelligence artificielle?
Depuis septembre, Google a enfoncé encore plus l’accélérateur en embauchant un nouveau directeur pour son département de conduite autonome: John Krafcik, quelqu’un de bien connu dans l’industrie automobile (lisez pourquoi plus bas, dans notre encadré Saviez-vous que).
L’ingénieur de formation, qui a travaillé chez Hyundai et Ford pendant un quart de siècle, était de passage à l’occasion du salon de l’auto de New York, afin de livrer la conférence la plus intéressante (et la plus animée!) de l’Automotive Forum 2016.
De ce que nous retenons des paroles de celui qui se trouve à l’épicentre du développement de la voiture autonome – et qui n’ont pas déjà été dites dans les innombrables discours déjà rapportés (voyez-en quelques exemples de notre cru en fin de texte)?
Ceci – et nous nous permettons de commenter.
John Krafcik:
«Ce n’est pas si les voitures autonomes vont débarquer, c’est quand. Mais que personne ne panique: il n’y aura pas un moment précis où elles le feront, ce sera fait progressivement.»
Autofocus: De fait, ledit processus est déjà bien entamé, avec les régulateurs de vitesse intelligents, les assistants au changement de voie, les systèmes pré-collision et autres aides à la conduite qui se démocratisent à vitesse grand V. Faites un tour chez votre concessionnaire, juste pour voir…
John Krafcik:
«Est-ce qu’on est prêt? C’est la question que l’on entend le plus souvent. Parlons-en, pour dire que la sécurité demeure notre principe directeur et que nous allons nous se lancer seulement lorsque nous serons prêt. Au-delà des codes informatiques, il y a les règlementations, l’acception du public… Cela dit, il est encourageant de voir que tous les paliers gouvernementaux – même ceux municipaux- reconnaissent l’importance de la technologie.»
Autofocus: Google s’y attaque, les grands constructeurs automobiles s’y attaquent, les gouvernements ouvrent la porte, les assureurs en rêvent – parce qu’après tout, plus de neuf accidents sur dix sont attribuables à l’erreur humaine, disent les experts. La voiture autonome qui retranche l’homme (et la femme!) de l’équation est bien plus près de notre entrée de garage qu’on ne le croit. Ou qu’on ne le veuille, mais ça, c’est une autre histoire.
John Krafcik:
«La voiture autonome sera à l’origine d’une transformation fondamentale. Nous prévoyons que les premiers consommateurs seront ces milliers de gens qui n’ont pas – ou ont perdu leur permis de conduire pour des raisons de santé.»
Autofocus: Ça, c’est un discours que l’on n’entend pas souvent. De prime abord, on pense aux personnes handicapées, mais imaginez le bonheur qu’apporterait la voiture autonome à tous les gens du troisième âge qui ont perdu ce petit bout de plastique associé à leur liberté. (Le Conseil canadien des Aînés soutient que la deuxième plus grande inquiétude des personnes de plus de 55 ans est, après la santé, la perte d’autonomie. Bien avant les craintes financières et la peur de mourir…
John Krafcik:
«Et que dire des jeunes conducteurs? Avec la voiture autonome, vous leur faites prendre de la confiance sur les autoroutes, avant de les laisser s’attaquer aux centres urbains. Et vous leur faites prendre de l’expérience par beau temps, avant de les laisser piloter sous la pluie. D’ailleurs, nous allons commencer à colliger des scénarios dans des conditions hivernales, parce que… nous allons en avoir bien besoin.»
Autofocus: Les deux plus grands défis de la conduite autonome sont effectivement la maîtrise des intersections (voyez comment Google voit la chose avec notre photo ci-haut) et le développement de technologies (radars, laser, lidars…) que la neige ne viendra pas oblitérer. Votre soussignée peut vous en dire quelque chose: de tous les véhicules testés dans la tempête, ces dernières années, pas un n’a réussi à conserver opérationnels ses régulateur de vitesse et assistants de voie…
John Krafcik:
«Que les constructeurs et concessionnaires se rassurent: ils vendront plus de véhicules – même qu’ils en répareront davantage. Comme société, nous roulons en moyenne de 10 000 à 15 000 miles par année. Mais sans conducteur, les voitures autonomes rouleront jusqu’à 100 000 miles par année! Elles devront donc être réparées plus souvent – et remplacées beaucoup plus rapidement.»
Autofocus: Voilà qui contredit – en partie, du moins – l’étude du Transportation Research Institute de l’Université du Michigan, qui révélait l’an dernier que les véhicules autonomes feraient diminuer de presque moitié (43%) les besoins et, donc, les ventes d’automobiles. Nous ajouterons que les ateliers indépendants de réparations seront également de grands perdants… à moins de se faire les spécialistes de la Voiture Autonome 4.0.
John Krafcik:
«C’est bien beau, la communication V2V et V2I, mais nous développons notre technologie pour qu’elle ne dépende pas du Nuage informatique (cloud). Parce que quand ça plante… ça plante.»
Autofocus: Ça aussi, c’est une surprise, surtout venant de l’un des plus importants «marchands de nuage»… Jusqu’à présent, pourtant, on entendait que la communication V2V (véhicule à véhicule) et V2I (véhicule à infrastructures) allait être au coeur de la conduite sans pilote, ne serait-ce que pour lancer des alertes en cas d’accidents – survenus ou sur le point de survenir. Mais vrai qu’au chapitre des voitures autonomes, un nuage qui plante fera prendre tout son sens au terme erreur fatale…
John Krafcik:
«Plutôt, nous misons sur les données que nous colligeons avec nos véhicules autonomes – nous en sommes à plus d’un million et demi de miles, soit l’équivalent de 110 ans de conduite! – mais aussi celles que nous générons par ordinateur, ce qui représente à peu près trois millions de miles… par jour. Ainsi, nous sommes en mesure de prédire des scénarios aussi fous qu’une dame à chaise roulante qui traverse devant notre calandre… pourchassant des canards avec son balai. Ne riez pas, ça nous est réellement arrivé. Et comme vous vous en doutez, Google n’avait pas de code pour prédire ça… »
Autofocus: Si Google dit qu’il a presque tout vu, ça doit être vrai. Mais en aucun moment, M. Krafcik n’a rappelé le premier accident «responsable» d’un véhicule Google, survenu en février dernier. Mais… est-ce que la voiture autonome était vraiment fautive? Voyez par vous-mêmes dans cette vidéo Youtube …
Saviez-vous que…
… avant d’être nommé à la tête du projet de véhicules autonomes chez Google, en septembre dernier, John Krafcik a travaillé dix ans chez Hyundai America, dont cinq années comme président et chef de la direction?
Auparavant, l’ingénieur de formation (Standford University) a oeuvré une décennie et demie chez Ford, où il a notamment supervisé le développement des Ford Expedition et Lincoln Navigator.
À ses débuts dans l’industrie automobile (1984), M. Krafcik a été l’un des premiers ingénieurs embauchés par l’usine californienne NUMMI, une co-entreprise entre Toyota et GM où l’on a fabriqué les Toyota Matrix et Pontiac Vibe. Usine qui, aujourd’hui, a été rachetée par Tesla pour y fabriquer ses voitures électriques.
Dernier détail intéressant: M. Krafcik a complété une maîtrise en science à l’Institute of Technology et ses écrits sur la production sur commande (Lean Production) composent, encore aujourd’hui, deux chapitres de l’un des livres préférés des journalistes automobiles, The Machine that changed the world.
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