Nouveaux moteurs diesel: moins polluants, plus performants

Dossiers
samedi, 1 mars 2008
Avez-vous remarqué que 2007 a été une année presque sans motorisation diesel, en Amérique du Nord? C’est que des normes environnementales resserrées ont temporairement banni ces moteurs de nos salles de montre. Mais le temps de disette est terminé : la technologie diesel, plus avancée et nettement moins polluante, nous revient en force cet automne.

C’était prévu depuis un bon moment déjà : à partir du 1er janvier 2007, tant aux États-Unis qu’au Canada, les constructeurs automobiles devaient faire en sorte que leur flotte de véhicules prévus à la vente n’émettent pas plus, en moyenne, que 0,07g/mile d’oxyde d’azote – ce bon vieux NOx.

Une limite de 0,07g/mile, c’est deux fois moins que la norme fixée en 2006, et quatre fois moins qu’en 2004. C’est aussi six fois plus rigoureux que les actuels standards européens – ces derniers sont cependant plus sévères quant aux émissions de CO2.

Les nouvelles normes nord-américaines n’ont pas posé problème pour les moteurs à essence qui, de nature, rejettent peu de NOx. Mais la donne a été tout autre pour les moteurs diesel, qui en sont de grands émetteurs.

Depuis toujours, ces moteurs ont certes l’avantage, à quantité égale de carburant, de parcourir en moyenne 40% plus de distance qu’un moteur à essence. Du coup, ils émettent proportionnellement moins de CO2, ce gaz à effet de serre responsable du réchauffement planétaire.

Par contre, ces mêmes moteurs diesel émettent davantage de NOx et de particules fines. Ces deux derniers polluants sont responsables du smog, donc de la pollution atmosphérique.
Plus simplement dit : les moteurs diesel polluent, mais différemment d’un moteur à essence.

Les moteurs diesel les plus « propres » jamais conçus

Devant des normes environnementales qui devenaient plus strictes de ce côté-ci de l’Atlantique, Volkswagen, à peu près le seul constructeur à sérieusement y proposer des véhicules diesel, n’a eu d’autre choix que de rendre ses systèmes antipollution plus performants.

Le défi technologique était grand, et Volkswagen l’a relevé : un premier moteur TDI de nouvelle génération doit nous arriver cet automne. Le quatre cylindres turbo diesel de 2,0L est d’abord prévu pour la Jetta 2009, en variantes berline et familiale.

Même s’il est 40% plus puissant que l’ancien TDI (140 contre 100 chevaux), il promet sensiblement la même consommation en carburant (5,1L/100km), merci à sa technologie de rampe commune et d’injection à haute pression. Surtout, il promet de réduire les émissions de NOx de 90%, ce qui fera de lui le moteur diesel le plus « propre » jamais conçu par le constructeur allemand.

Lindsay Brooke, éditeur principal au magazine américain Automotive Engineering International, soutient que la différence entre cette nouvelle technologie diesel et celle d’hier, « c’est comme la nuit et le jour. » « Certains parlent de triomphe majeur, d’autres de miracles mineurs, » ajoute-t-il.

Bob Oliver, directeur du programme sur les transports pour l’organisme environnemental Pollution Probe, renchérit : « Les nouveaux moteurs diesel constituent une étape significative vers la réduction des émissions polluantes automobiles. Comme environnementaliste, j’en suis très heureux. »

Parce notre carburant diesel est 95% plus propre…

Vous vous dites : mais pourquoi n’a-t-on pas amené plus tôt pareille technologie propre? C’est que l’Amérique du Nord n’offre du diesel à basse teneur en souffre que depuis un an. (Non seulement notre diesel est-il 95% plus propre qu’auparavant, il l’est 70% plus qu’en Europe).

Et qui dit carburant diesel plus propre dit qu’enfin, les dispositifs d’antipollution, réputés pour ne pas supporter les hautes teneurs en souffre, peuvent désormais joindre l’équation.

Conséquence : les moteurs diesel de nouvelle génération peuvent désormais travailler de concert avec des convertisseurs catalytiques et des filtres à particules, des composantes qui aident à substantiellement réduire les émissions polluantes.

Jim Kerr, instructeur au programme automobile à l’Institut des sciences appliquées de Saskatchewan, soutient que « ces procédés, nouveaux pour les moteurs diesel, sont hyper intéressants au point de vue des émissions polluantes et qu’ils fonctionnent très bien. »

Avec ou sans urée ?

Un peu comme à l’arrivée des premiers magnétoscopes dans les années 1980, où la tendance Beta se disputait à la tendance VHS, la nouvelle technologie diesel se scinde en deux grands courants.

Il y a ceux qui, comme Honda, disent proposer des moteurs diesel propres s’occupant eux-mêmes de brûler leurs émissions de NOx. Lindsay Brooke soutient que ce procédé fonctionne bien pour les petits véhicules : « Les véhicules de moins de 1500 kilos devraient pouvoir s’en contenter, » dit-il.

Les plus gros moteurs diesel, ceux qui émettent davantage de NOx, doivent cependant recourir à un traitement plus drastique. Et c’est ici qu’entrent en ligne de compte des termes qui feront peu à peu leur entrée dans le vocabulaire automobile : réduction catalytique sélective (SRC) par injection d’urée.

Cette solution d’urée, injectée en de faibles quantités dans le système d’échappement, crée une réaction chimique qui convertit les émissions de NOx en de l’azote et de la vapeur d’eau.

Autrement dit, en des émissions sans danger pour l’environnement.

Les moteurs diesel qui utilisent cette technologie sont si propres qu’ils promettent de respecter les normes environnementales les plus sévères au monde : celles de la Californie.

Plus complexes, mais bon…

Évidemment, plusieurs questions se posent : à quelle fréquence faudra-t-il emplir son réservoir d’urée? Et qu’arrivera-t-il lorsqu’il sera vide?

Voilà qui ajoute à la complexité des véhicules, admet l’instructeur Jim Kerr. « Mais je crois que le consommateur moyen n’en sera pas même conscient, » dit-il.

« En effet, renchérit Bob Oliver, de Pollution Probe, les véhicules d’aujourd’hui sont déjà fort complexes avec leurs ordinateurs de bord, leurs capteurs en tous genres et leurs technologies embarquées. Les nouveaux moteurs diesel ne font que pousser l’évolution un peu plus loin. »

Question de faciliter la vie des automobilistes, les réservoirs d’urée devraient être de capacité suffisante pour que leur remplissage coïncide avec les vidanges d’huile. Ainsi, BMW, qui ramène des véhicules diesel en Amérique du Nord cet automne après 25 ans d’absence, propose un réservoir « actif » de six litres d’urée, secondé par un réservoir « passif » de 17 litres.

Chez Volkswagen, on soutient qu’un dixième de litre d’urée sera nécessaire pour chaque 100 kilomètres que le Touareg II parcoura – l’utilitaire V6 TDI doit revenir sur la scène nord-américaine en janvier prochain.

Mais alors, comment prévenir qu’un automobiliste passe outre le plein d’urée et que, sans cette dernière, les émissions de NOx de son véhicule ne montent en flèche? Les constructeurs ont prévu le coup avec des mesures incitatives. Telles des performances substantiellement réduites ou, encore, un véhicule qui refuse de démarrer…

Convaincant, non?

Définitivement plus performants

Sinon, le consommateur ne devrait pas souffrir d’un choix « diesel », bien au contraire. Car mises à part les économies à la pompe, qui ont toujours été le propre des motorisations diesel, la nouvelle génération de moteurs est définitivement plus performante.

Parlez-en à Pierre Beaudoin, directeur principal des Services techniques chez CAA-Québec. Il a fait l’essai du Jeep Grand Cherokee équipé du V6 diesel BlueTec de Mercedes – lancé l’an dernier, l’utilitaire a été l’un des premiers véhicules à proposer, sur notre marché, la technologie diesel «propre».

M. Beaudoin s’est dit impressionné par les performances du Jeep : « Tellement impressionné, que je voulais en acheter un! » Celui qui connaît bien le sujet pour avoir roulé une Volkswagen TDI pendant dix ans, soutient qu’avec les nouveaux moteurs diesel, les principaux irritants –claquements au ralenti, odeur nauséabonde du carburant, faible puissance et démarrages difficiles en hiver – sont choses du passé. « Les nouveaux moteurs diesel font mentir tous ceux qui croient que conduire un véhicule diesel équivaut encore à piloter un tracteur! » jure-t-il.

De fait, la tendance veut que les véhicules diesel qui seront proposés à l’Amérique du Nord soient des versions haut de gamme.

Mercedes offre déjà plusieurs véhicules diesel, dont sa E320 avec moteur BlueTec, moyennant 68 000$. D’autres marques doivent joindre le pas d’ici la fin de l’année, notamment BMW (la Série 3 et l’utilitaire X5 auront droit au moteur BluePerformance) et Audi (le Q7 héritera d’un V6 TDI).

Quant à Honda, il est prévu que le constructeur nippon réserve son tout premier moteur diesel nord-américain à sa filiale de luxe Acura.

Pour l’instructeur Jim Kerr, il est clair que de plus en plus de constructeurs automobiles s’adonneront à la mode « diesel propre. » « Mes discussions avec des collègues aux États-Unis m’apprennent que les Américains acceptent de plus en plus cette motorisation, rapporte-t-il. Une fois que nos voisins du sud y souscriront, et surtout si les prix du carburant continuent de grimper, nous verrons de plus en plus de modèles diesel débarquer sur notre continent. »

D’ailleurs, la firme de recherche J.D. Power affirme que si, jusqu’à présent, les véhicules diesel ne constituaient que 3% du marché nord-américain de la vente automobile, ils représenteront quatre fois plus en 2015. Rappelons qu’en Europe, où le carburant se vend deux fois et demie plus cher qu’aux États-Unis, les automobilistes roulent « diesel » à plus de 50%.

Et… si toute l’Amérique du Nord roulait au diesel, la planète serait-elle d’autant épargnée? « Pas nécessairement, regrette l’environnementaliste Bob Oliver. En fait, si notre continent optait d’un bloc pour la nouvelle motorisation diesel, on ne ferait que stopper la dégradation environnementale. Pas l’améliorer… »

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