Les automobiles : à la diète - en continu...

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mardi, 1 mars 2005
La diète, ça vous dit quelque chose? Toujours à surveiller les calories, le surplus de poids, la composition des aliments… Les humains connaissent bien, mais les automobiles aussi, croyez-le ou non. Au menu « allégé » de votre véhicule : l’aluminium, la fibre de carbone, le magnésium et le titane.

Au fil des découvertes, les automobiles voient monter à leur bord de plus en plus d’équipements et de technologies. Freins ABS, coussins gonflables, systèmes de navigation, centres de divertissement DVD, changeurs pour six disques, aides à la conduite… Voilà autant d’aliments – pardon, d’éléments qui font grimper l’aiguille de la balance.

Qui dit surplus de poids, dit surconsommation d’essence et davantage d’émissions polluantes. L’Office de l’efficacité énergétique (Ressources naturelles du Canada) rapporte qu’une augmentation de 10% du poids d’un véhicule se traduit par une augmentation de 6% de sa consommation d’essence (sur terrain plat).

Au contraire, qui dit voiture plus légère, dit meilleures performances – des accélérations plus dynamiques et des distances de freinage plus courtes – et ce, sans que trop de gourmandise soit démontrée à la pompe.

Voilà qui pousse les constructeurs automobiles à constamment lutter contre les kilos. Et cette diète obligée donne lieu à une panoplie de matériaux légers de nouvelle génération. Chacun y va de sa propre recette, développant au passage de nouvelles techniques d’assemblage.

Par exemple, l’usine Castel Bromwich de Jaguar en Angleterre fait de l’aluminium sa grande vedette dans la fabrication de la berline de performance XJ. Pourquoi l’aluminium? Parce qu’il est à la fois 60% plus rigide et 40% plus léger que l’acier. Une simple portière en aluminium pèse environ 8,5 kilos, alors qu’une portière en acier pèse 14,2 kilos.

Malgré un habitacle plus spacieux et l’ajout substantiel d’équipements, la septième génération de la Jaguar XJ, lancée en 2003, a réussi à perdre 200 kilos grâce à sa diète « aluminium ».

Jaguar a toutefois dû investir l’équivalent de 400$ millions de dollars canadiens dans la transformation de son usine située en banlieue de Birmingham. Ces installations peuvent aujourd’hui se targuer d’être les seules au monde à fabriquer, de série, des véhicules faisant aussi abondamment appel à l’aluminium.

Mais Jaguar n’a pas été le premier constructeur à miser sur l’aluminium; Audi l’a fait bien avant. Le constructeur allemand s’est lancé dans l’aventure il a plus de 20 ans, désireux de montrer son avance technologique. En 1994, il dévoilait sa luxueuse berline A8 à carrosserie caisson d’aluminium, un modèle dont il a célébré, au tournant du millénaire, la 100 000e unité.

Encore là, les techniques de fabrication et d’assemblage ont été dispendieuses à développer, mais l’expertise Audi acquise au fil de la dernière décennie a permis de passer d’une production limitée à un plus grand volume. Du coup, la A8 n’est plus la seule à profiter d’autant de composantes en aluminium; la petite A2 (modèle européen) y a aussi droit, affichant un poids plume de 855 kilos (contre 1145 kilos pour la Mini Cooper, par exemple).

L’aluminium : à quel coût?

Pour la petite histoire, soulignons que le tout premier véhicule de série à avoir utilisé l’aluminium de façon intensive est l’Acura NSX (en 1990), avec 450 kilos du matériau dans le moteur, le châssis, la carrosserie et la suspension.

D’autres véhicules en ont aussi été pourvus depuis, tels les défuntes BMW Z8 et Chrysler Prowler. La Honda Insight continue d’en faire l’usage et, grâce à son poids de 833 kilos et son moteur hybride, elle ne sirote que 3,8 litres de carburant aux 100 kilomètres. Voilà qui fait d’elle l’une des voitures, sinon LA voiture la plus économique en consommation d’essence de tout le marché.

Outre sa légèreté et sa rigidité, l’aluminium présente d’autres grands avantages. D’abord, il ne rouille pas. Aussi,  il se recycle à merveille, presque indéfiniment. Surtout, sa valeur de récupération est de loin supérieure à celle de l’acier. « Dix fois plus grande, » assure Charles Belbin, de chez Alcan, à Détroit. Mais – parce qu’il y a un ‘mais’ – l’aluminium est coûteux. Il demande jusqu’à six fois plus que l’acier…

BMW signe la fibre de carbone

Si l’aluminium livre actuellement la plus grande concurrence à l’acier dans l’automobile, d’autres matériaux légers montent de plus en plus à bord. Chez BMW, on a choisi la fibre de carbone en guise de signature technologique.

Ainsi, le prototype Z22 dévoilé au 15e anniversaire du centre de recherche Technik du constructeur allemand en arrive à offrir le confort et les performances d’une berline Série 5, tout en bénéficiant d’une consommation en carburant de six litres aux 100 kilomètres. Le tour de force a été rendu possible grâce à un régime miracle : 90 kilos de fibre de carbone, pour une diminution du poids de la voiture concept de 33% (à 1100 kilos).

Vous l’aurez deviné, la fibre de carbone est encore plus légère que l’aluminium (30%). Voilà pourquoi elle est utilisée en course automobile depuis bon nombre d’années déjà – la monocoque de la Formule Un de l’équipe BMW Williams en est d’ailleurs fabriquée.

BMW n’a pas le monopole de la fibre de carbone. D’autres constructeurs l’emploient, notamment Aston Martin dans sa Vanquish, Ferrari dans sa Enzo et Chrysler dans sa Viper. GM l’a également utilisé dans la conception de son Ultralite, un prototype qui n’a cependant jamais vu le jour.

La production en série de véhicules en fibre de carbone représente tout un défi. Tobias Nickel, porte-parole pour BMW en Allemagne, explique : « Si des simulations peuvent être réalisées avant même que la première voiture d’acier ou d’aluminium ne soit assemblée, il n’existe encore aucun logiciel du genre pour la voiture de fibre de carbone. Les équipements de fabrication sont encore à développer, tout comme les techniques de recyclage du matériau. Et je ne vous parle pas des techniques de réparations lors d’accidents routiers! » En effet, bien peu de carrossiers peuvent actuellement vous réparer une portière de fibre de carbone…

Hier, aujourd’hui… et demain

Autres matériaux envisagés dans les régimes automobiles : le titane et le magnésium. Le premier est reconnu pour sa légèreté, sa force mécanique et sa grande résistance à la corrosion. Le second, 25% plus léger que l’aluminium, est louangé pour sa capacité d’absorption des vibrations.

Il a malheureusement tendance à se corroder dans les endroits peu secs, c’est pourquoi on le retrouve principalement dans les tableaux de bord et les volants, qu’il a fallu alléger depuis qu’ils hébergent des coussins gonflables.

L’utilisation du magnésium en automobile ne date pas d’hier - Volkswagen l’employait dans la fabrication des moteurs de sa Beetle. Ainsi délestés, ces moteurs ont pu prendre place à l’arrière de la Coccinelle, sans que les roues avant ne menacent de quitter du sol.

Le constructeur allemand est revenu à la charge avec le magnésium lors de la présentation de son prototype « 1-litre ». Aérodynamisme et légèreté sont les mots d’ordre pour cette voiture-concept à carrosserie de magnésium qui ne pèse que 290 kilos.

À peine plus large qu’un mètre et quart, elle exige de ses deux passagers qu’ils s’assoient l’un derrière l’autre. Le moteur diesel d’un cylindre (!) consomme moins d’un litre par 100 kilomètres, d’où le surnom du bolide, qui dispose d’un réservoir d’essence de… 6,5 litres.

Un peu de tout…

Mais alors, aluminium, fibre de carbone, magnésium ou titane? « À chaque application, son matériau, » soutient Alain Taub, du centre de sciences et de développement de GM. Ainsi, le nouveau roadster Cadillac XLR contient de l’aluminium, du magnésium et des composites. De même, la Chevrolet Corvette combine titane, composites et aluminium (la plus grande utilisation d’aluminium dans un véhicule GM, avec 225 kilos).

Reste que l’acier continue d’être le principal matériau utilisé dans la fabrication automobile, avec plus de la moitié du poids moyen d’un véhicule nord-américain. Mais l’acier lui-même n’a d’autre choix que de se transformer. De plus en plus d’automobiles sont faites d’acier renforcé, un alliage 15% moins lourd que l’acier conventionnel.

L’avenir ne verra sans doute aucun matériau léger prendre le pas sur un autre. Chacun sera employé selon ses avantages et ses inconvénients, selon les pièces à fabriquer, les véhicules concernés, les coûts exigés, les règles de sécurité à respecter. Dites-vous seulement que l’on n’arrête pas le progrès.

Après tout, au début des années 1900, les voitures n’étaient-elles pas principalement composées de… bois?
    
SAVIEZ-VOUS QUE...

Petite parenthèse historique : nous devons la première application de l’aluminium comme matériau de structure automobile au constructeur français Panhard, avec sa Dyna 1954. C’est aussi Panhard qui, de 1959 à 1965, a conçu des PL 17 dont les moteurs renfermaient de l’aluminium.

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