L'automobilisme et ses témoins du passé : JE ME SOUVIENS! (en photos)

Dossiers
lundi, 2 mai 2011
L’automobile est avec nous depuis à peine plus d’un siècle, mais c’est fou ce qu’elle a laissé comme traces en entrant dans nos mœurs. Un auteur québécois, Guy Thibault, s’est efforcé d’en faire le tour. Découvrons avec lui l’ancêtre du ‘Tuning’ et pourquoi, dans la Belle Province, on dit «valise d’auto» plutôt que «coffre».

Guy Thibault, auteur d’un premier livre L’Immatriculation au Québec publié il y a cinq ans,
vient tout juste de remettre ça : il lance cette semaine, toujours aux Éditions GID, son
deuxième bouquin : L’Automobiliste et ses témoins.

Nous l’avons rencontré à sa résidence de Saint-Hippolyte, dans les Laurentides – une
grande maison canadienne qui foisonne d’antiquités de toutes sortes. C’est que l’homme
de 65 ans, historien dans l’âme depuis toujours et retraité de l’enseignement, se passionne
pour les objets du passé.

L’automobile est son plus grand dada. À preuve : ce Ford Model A de 1928 qui
trône dans son garage – toujours en état de marche, s’il vous plaît. Partout chez
lui, des plaques d’immatriculation anciennes, des affiches publicitaires et des
cartes routières qui datent d’une autre époque et qui témoignent du fait que plus
ça change… et plus c’est pareil.

C’est ces empreintes du passé, souvent oubliées, que Guy Thibault a recensées
dans son nouvel ouvrage de presque 200 pages. Illustrations à l’appui, il montre
que l’automobile, hier comme aujourd’hui, est plus qu’un moyen de transport pour
l’Homme : « Elle est à la fois le catalyseur d’une formidable poussée de créativité
et un acteur privilégié de certains événements. »

Voici, en images, quelques-unes de ces empreintes d’autrefois.

À ses débuts, l’automobile était réservée aux fortunés.
Les publicités comme celle de l’hôtel montréalais De
La Salle montrent des gens habillés d’un grand chic,
entourés d’un chauffeur ou d’un portier. Ne roulait pas
‘en machine’ n’importe qui…

Au premier quart du siècle dernier, les habitacles automobiles étaient tout grand ouverts. Faute
de pare-brise, les occupants devaient porter des chapeaux d’aviateur. Les longs manteaux ‘duster’ étaient également de mise pour se prémunir de la poussière.

«Dès les premiers tours de manivelle, écrit Guy Thibaul, naissent les premiers délinquants
de la route. La griserie de la vitesse s’empare de plusieurs (…).» Des courses s’improvisent
alors, les paris sont ouverts. Ce trophée décerné le 1er août 1909 à Henri Hébert, pour sa
victoire à une road race de Lachine, est sans doute le plus ancien témoin d’une course automobile en terre québécoise, dit l’auteur.

Pas facile, la cohabitation entre les chariots tirés par des chevaux
et les véhicules motorisés. Les premiers se plaignent de l’intrépidité
de ces nouvelles « machines », les seconds doivent composer avec
de fréquentes crevaisons attribuables à « la quantité effarante de
clous laissés par les fers usés ».

Les voitures sont de plus en plus fiables, les routes se modernisent…
Sans surprise, la croissance du tourisme au Québec est intimement
liée à l’automobile. Naissent alors les motor hotel – ces motels se
distinguent par une case de stationnement en face de chaque unité.

Chaque grande agglomération québécoise aura son
club automobile. Charles Trudeau, père de l’ancien
premier ministre canadien, a lui-même fondé l’Automobile
Owners Association (1921). Son AOA fournissait cartes
routières, service de dépannage et un rabais d’essence
dans toutes les stations-service dont il était propriétaire
à Montréal. Comme quoi les programmes de fidélisation
ne datent pas d’hier…

Leur voiture n’offrait pas de rangement suffisant? Qu’à cela ne tienne,
les automobilistes faisaient installer des malles afin d’y ranger tout leur
attirail de voyage.

Dans les années 1930, l’arrière d’un véhicule était donc effectivement
transformé en valise, d’où l’expression : « Va mettre ça dans la valise
du char ». Aujourd’hui, un véhicule n’a pas de valise, il a un coffre.
Mais le terme a la vie dure…

Le conducteur d’antan était souvent invité à se salir les mains : ajuster le carburateur,
changer un pneu crevé, vérifier le liquide du radiateur… Le coffre à gants avait alors toute
son utilité, puisqu’il renfermait de quoi se protéger de la saleté. Aujourd’hui, le coffre à
gants n’est plus un coffre, il s’agit plutôt d’une boîte... et il renferme rarement des gants.

Vers la fin des années 1920, on commence à dompter l’hiver.
En effet, certaines routes sont partiellement déneigées à la
froide saison. Les automobilistes font alors connaissance avec
l’ancêtre des plaques de traction : les Jim Brown Snow Shoes,
faits de cordes et de bouts de bois entrelacés.

Ce policier Safety First est l’ancêtre des phares-témoins de freinage. Grâce à son système
de balancier, le personnage de bande dessinée ouvrait grands les bras lors d’un freinage;
ses paumes rouges prévenaient alors de la manœuvre ceux qui suivaient.

Inexorablement, des infrastructures se créent autour de l’automobile. Comme les Drive
In
(cinémas en plein air) ou encore les restaurants fast food avec service au volant, un
service souvent effectué en patins à roulettes. Qui ne se souvient pas de ces plateaux
qu’on accrochait aux portières, vitres baissées?

La mode du Tuning ne date pas d’hier : dès 1915, les automobilistes
veulent se démarquer et ils le font avec… des ornements de bouchons
de radiateur, telle des figures de proue sur un bateau. Le Diable Moqueur
a été très populaire dans les années 1920.

Si la plupart des ornements de bouchons de radiateur coûtaient entre
1,50$ et 3,00$ (soit le salaire d’une ou deux journée de boulot pour un
travailleur moyen), certains plus élaborés et fabriqués dans des matières
plus nobles exigeaient jusqu’à dix fois plus cher. Telle cette tête d’aigle
en verre, créée par le joaillier français René Lalique et que Guy Thibault
a acquis sur Ebay.

Pendant de longues années, l’Amérindien coiffé de son panache de
plumes traditionnelles a été servi à toutes les sauces automobiles.
Symbole du défricheur et de l’aventurier des grands espaces à conquérir,
il a figuré sur des cartes routières, des produits d’entretien, des huiles et
des carburants (Red Indian), voire même des modèles (Cherokee) et des
marques (Pontiac).

Les plaques d’immatriculation : elles sont peut-être banales, mais
elles ont suivi de très près l’évolution automobile. Ici, les trois plus
anciennes plaques connues au Québec. Si elles sont dépareillées,
c’est parce que bien que l’immatriculation soit devenue obligatoire le
9 mars 1906, moins de 200 véhicules circulaient alors sur les routes
de la Belle Province. Les automobilistes étaient donc tenus de
confectionner leurs plaques eux-mêmes.

En 1950, pour la première fois, la fleur de lys apparaît sur la plaque d’immatriculation du
Québec. Notez qu’elle vient remplacer le tiret. Du coup, ‘Quebec’ se francise et arbore
désormais l’accent.

Au début des années 1940, les « Amis de Duplessis » ont droit à des plaques d’imma-
triculation qui les immunisent contre les contraventions. Le « B » représentait la couleur
bleue du parti politique, mais des mauvaises langues disaient qu’il désignait les «Braillards
de Duplessis» ou encore les «Baveux de Duplessis»…

Le terme « permis de conduire » n’apparaît au
Québec qu’en 1963. Auparavant, on désignait
"certificat de licence" l’autorisation de conduite.
Pour valider sa demande, un automobiliste de
la fin des années 1910 devait obtenir la signa-
ture de trois répondants «de bonne renommée
et occupant une position responsable dans la
communauté». Le tout était ensuite assermenté…
devant les Saints Évangiles.

Pour Guy Thibault, l’automobile n’est pas qu’un véhicule à quatre roues;
elle est aussi un reflet de la position sociale de l’Homme, de son désir de
se démarquer. « Encore aujourd’hui, à bord d’une voiture, les gens se
sentent quelqu’un d’autre. Ils se fabriquent une apparence, ils montrent
ce qu’ils veulent être. » Notre historien aurait-il voulu être aviateur?

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