La calandre automobile fait un retour marquant - et remarqué
Nul doute que la grille est l’élément le plus visible d’un véhicule. Comme le visage pour l’humain, elle est celle qui personnalise – ou pas – l’identité visuelle d’une automobile, voire de son constructeur.
La raison sous-jacente à cette tendance à l’imposante calandre provient, selon le designer canadien Paul Deutschman, de cette passion des automobilistes pour les… utilitaires.
Explications : « La route, c’est comme une jungle. Et dans la jungle, il y a des animaux plus agressifs que d’autres – ici, en l’occurrence, les 4x4. Leur popularité grandissante des dernières années a peu à peu forcé la voiture à réagir. »
Ah oui? « Pensez à ces voitures aux calandres sobres et génériques, continue M. Deutschman. Elles sont perçues comme sans tempérament, alors que la ‘jungle’ est remplie de surdoués au caractère macho. La berline doit donc évoluer, non seulement pour mieux se mêler au paysage, mais aussi pour mieux s’en démarquer. »
D’où les grilles massives qui s’accaparent une présence de plus en plus convaincue sur la route.
Rien de nouveau sous le soleil, cependant. Vous rappelez-vous cette première moitié du siècle dernier, alors que tout n’était que majestueuses calandres chromées? Les designers ont compris il y a fort longtemps que, de tous les éléments esthétiques extérieurs de l’automobile, la calandre était celle qui leur offrait le plus de possibilités…
Du générique…
Que s’est-il donc passé ces dernières décennies pour que l’automobile se pointe alors, plus souvent qu’à son tour, sans calandre d’envergure? Alain Raymond, journaliste automobile, propose une théorie : « Ce sont les nouvelles règles de sécurité sur la résistance des pare-chocs, à la fin des années ’70, qui ont fait disparaître les grilles massives. À l’époque, on n’avait pas encore trouvé le moyen d’intégrer à la devanture, de façon élégante, des poutres et de nouveaux pare-chocs. »
Un souci d’aérodynamisme, né de la flambée des prix du pétrole, n’a pas non plus favorisé la cause des devantures magistrales. « Nous avons donc eu droit à des design très pointus, comme des nez de requin, dit le journaliste. Pensez à la Mazda Miata ou encore à la Porsche 928… »
Paul Deutschman y voit aussi des exercices de style qui se voulaient ‘high-tech’ : « Dans les années ’70, la perception d’un objet ultra moderne passait par des lignes étirées, très droites. C’est pourquoi les véhicules ont tourné le dos aux grosses calandres enjolivées. »
... à l’impressionniste!
Mais voilà, la calandre est de retour, et pas que pour les grandes berlines. La Chrysler 300 et les nouvelles Audi/Volkswagen ne sont pas les seules à s’en donner à cœur joie; Dodge devrait bientôt remplacer sa compacte SX 2.0 par la Caliber, qui arbore la colossale grille… d’un Dodge Ram.
Chez GM, il a suffit de plastronner une calandre d’utilitaire sur une version remaniée des fourgonnettes pour que les acheteurs soient confondus et pensent avoir affaire à autre chose qu’à une « minivan ».
Si le passé est garant du futur, nous verrons de plus en plus de véhicules se distinguer grâce à des calandres qui tentent d’impressionner – et le chrome pourrait bien être la clé de leur succès.
Encore là, on revient à quelque chose de connu. Le chrome a été au cœur des designs automobiles, avant de disparaître « à l’époque où le style européen, épuré et à l’antithèse du style américain, a mis en vedette le noir mat, que l’on a trouvé plus moderne, » dit M. Deutschman.
Vous remarquez que depuis quelques années, des matériaux à l’apparence d’aluminium brossé et autres métaux du genre ont effectué un retour – à l’intérieur des habitacles automobiles. Il n’y avait qu’un pas pour que l’on commence à les voir réapparaître en calandre, tel un bijou qui attire l’oeil.
Certains diront que les grilles chromées n’ont rien pour assurer la sécurité des piétons qui pourraient accidentellement s’y frotter. D’autres critiqueront le peu d’aérodynamisme de tels nez proéminents.
Une chose est sûre : que l’on aime ou pas la signature rutilante de la nouvelle Chrysler 300, on ne manque pas de l’apercevoir sur la route.
Et c’était le but de l’exercice…