La Suède: vers une société libérée du pétrole

Dossiers
lundi, 15 mai 2006
La Suède s’est décidée: elle entend briser sa dépendance envers le pétrole d’ici 2020. Pour se faire, la société scandinave prend tous les moyens, petits et grands.

«En 2020, pas une résidence n’aura besoin de pétrole pour se chauffer et aucun automobiliste n’aura ce carburant comme seule option disponible,» a promis, il y a un an, la ministre suédoise du développement durable, Mona Sahlin.

«Chaque conducteur pourra profiter d’une alternative qui soit renouvelable,» a renchérit son chef de section, Martin Larsson.

Dans la politique environnementale présentée par la nation des Volvo, Saab et magasins Ikea, tout y passe: le résidentiel, l’industriel et, surtout, les transports.

D’ici 15 ans, les deux premiers secteurs devront être sevrés du pétrole pour leurs besoins en chauffage et les entreprises devront avoir réduit leur consommation de 25% à 40%.

Surtout, le transport routier devra avoir coupé de moitié sa (dangereuse?) liaison avec le pétrole.

Huit milliards de litres

La Suède achète environ 275 000 automobiles par an (soit les deux tiers de ce qui est vendu annuellement au Québec). Quelque 4,2 millions véhicules sont actuellement immatriculés sur le territoire suédois, c'est-à-dire une voiture pour 2,2 habitants.

Ajoutez le transport en commun et celui commercial, et le secteur routier gobe plus de huit milliards de litre de carburant par année – à 94% dépendant du pétrole, sous forme d’essence ou de diesel.

Plusieurs mesures ont été mises de l’avant par la Commission sur la dépendance au pétrole (juin 2006), mesures qui devraient être adoptées sous peu par les autorités gouvernementales.

Si elles apparaissent d’abord comme toutes simples, elles ont cependant le mérite de constituer un premier pas vers «l’indépendance».

De l’action…

Toutes simples, ces mesures. Par exemple, accroître le respect des conducteurs à l’égard des limites de vitesse (fixée à 130 km/h sur les autoroutes). Ou encore encourager le co-voiturage, le travail à distance et, lorsque possible, les rendez-vous «virtuels» (web et télé-conférences), question de réduire les déplacements quotidiens.

Parce que nombreux sont ceux qui doivent tout de même se transporter, les cours de conduite suédois comportent, depuis mars dernier, un volet «Comment rouler écolo». Et la «taxe automobile», auparavant basée sur le poids des véhicules, tient nouvellement compte des émanations de CO2.

Question de limiter le va-et-vient dans Stockholm, où réside près de 10% de la population suédoise, un projet-pilote de «taxe à la congestion» a eu cours en première moitié d’année. Un peu comme à Londres, les automobilistes qui souhaitaient rouler dans la capitale les jours de semaine devaient payer leur passage de 10 et 20 couronnes suédoises (de 1,50$ à 3,00$ canadiens).

Birger Höök, de l’Association routière suédoise, soutient que le volume de circulation a, comme par magie, diminué de 20%.

Reste maintenant à déterminer si la mesure deviendra permanente.

Les transports en commun entendent aussi se mettre à niveau. «D’ici 2020, soutient la Commission, tous les nouveaux autobus devraient profiter de la technologie hybride, pour une réduction de 600 millions de litres de diesel.»

… à la réaction

Le gouvernement suédois promet d’ailleurs des investissements majeurs dans la technologie hybride. Mais surtout: «Notre pays détient un potentiel considérable pour la bio-énergie, dit la Commission. Le gouvernement doit contribuer à la production à grande échelle de nouveaux bio-carburants, dérivés de sa foresterie et de son agriculture.»

Avec ses 450 000 kilomètres carrés, la Suède est l’un des plus grands pays d’Europe. La moitié de son territoire est boisé. «Avec la Finlande, notre pays est celui qui, de toute l’Union Européenne, compte le plus d’acres de forêt par habitant, précise la Commission. Ces forêts produisent de substantielles quantités de matières premières qui peuvent être transformés en une bio-énergie qui remplace les carburants fossiles.»

Pour préparer le terrain, une nouvelle «loi de la pompe à essence» oblige, depuis avril, toutes les stations-service qui écoulent annuellement plus de trois millions de litres à posséder au moins une pompe de carburant renouvelable, par exemple d’éthanol. La même formule s’appliquera aux plus petites stations d’ici 2010.

La grande question: est-ce que la population emboîtera le pas?

Elle le fait déjà. Notamment en adoptant de plus en plus massivement les véhicules «verts». Au premier semestre de 2006, les Suédois ont acheté 18 500 voitures propulsées par des carburants alternatifs. C’est près de 15% de toutes les ventes automobiles.

Les modèles les plus populaires? Les Volvo V50 FlexiFuel, Volvo V70 Bi-Fuel, Saab 9.5 BioPower, Ford Focus FlexiFuel et Toyota Prius.

Si l’on ajoute les ventes de véhicules à propulsion diesel, également en hausse en Suède, «30% des véhicules vendus (depuis le début de l’année) sont à propulsion alternative ou diesel, comparativement à seulement 12% pour la même période l’an dernier,» révèle Bertil Moldén, directeur général de l’Association des constructeurs (BIL Sweden).

Est-ce que la Suède serait sur la bonne voie... de l’indépendance?

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