La Politique énergétique 2016 de Québec en quatre points automobiles
1) Une première: on parle d’hydrogène!
C’est bien la première fois, de mémoire de journaliste automobile, que le Québec s’engage (timidement, quand même) envers l’hydrogène. De fait, la plus grande surprise des 66 pages de la Politique énergétique 2016 réside en ces quelques lignes:
Mettre en place un projet pilote de stations multicarburants (essence, biocarburants, gaz naturel, propane, électricité, hydrogène) et l’étendre à l’échelle du Québec d’ici à 2030. (…) Après 2030, toute autorisation gouvernementale pour de nouvelles installations, ou encore la modernisation de stations d’essence, devra être accompagnée d’une offre multicarburant.
Autrement dit, Québec ouvre la porte aux station multicarburants, voire entend forcer la chose après 2030. Voilà une bien bonne nouvelle pour la Belle Province et qui, simultanément, fera le bonheur des constructeurs automobiles ayant déjà débuté la commercialisation de voitures à piles à combustible.
Pensez à la Toyota Mirai qui se vend depuis un an sur les marchés japonais et californien, une berline à l’hydrogène que nous avons eu l’honneur de conduire et de… boire, le mois dernier au salon de New York.
Pensez aussi au Hyundai Tucson Fuel Cell, le seul et unique véhicule à hydrogène actuellement proposé (en location seulement) au marché canadien.
Certes, les défis qui attendent les voitures à l’hydrogène sont grands, mais lisez ici qu’ils pourraient être plus surmontables que ceux (encore) rencontrés par les voitures 100% électriques.
Cela dit, au moment d’écrire ces lignes, il n’existe qu’une pompe de ravitaillement sur tout le territoire du Québec. Elle se trouve à l’Institut de recherche sur l’hydrogène (IRH), une branche de l’Université de Trois-Rivières qui sera évidemment appelée à collaborer dans le déploiement – en toute sécurité – de stations multicarburants.
2) Vers des centrales électriques… automobiles
Dans un paragraphe intitulé Le véhicule électrique comme solution à la demande de pointe du réseau, le gouvernement québécois ouvre la porte à une autre technologie déjà existante et qui consiste à faire de son véhicule une mini-centrale électrique ambulante.
Parfait pour, à la maison, prendre la relève du réseau électrique traditionnel en période de pointe ou pour agir comme génératrice lors d’une panne.
La nouvelle Politique énergétique 2016 énonce qu’Hydro-Québec a démontré la faisabilité de pareille technologie, mais il faut savoir que la filiale n’est pas la seule à se pencher sur la question.
Ainsi, depuis l’automne, le constructeur Toyota fait voyager de salons automobiles en salons automobiles le prototype Toyota FCV Plus, qui peut non seulement fournir de son énergie à la résidence, mais également recharger les autres véhicules électriques par induction (lire: sans fil), même en roulant.
Le plus ironique: cette voiture-concept aux allures de catamaran mise sur des moteurs électriques qui sont installés… dans ses roues. Le moteur-roue, ça ne vous rappelle pas quelque chose?
3) 40% moins de produits pétroliers d’ici 15 ans?!?
L’une des cibles les plus ambitieuses de la Politique énergétique 2016 est de réduire de 40% la quantité de produits pétroliers consommés au Québec d’ici 2030. C’est dans moins de 15 ans, ça.
Le voeu est pieux, mais il n’est rien comparé aux intentions suédoises de devenir le premier pays libéré de toute énergie fossile. (Remarquez, le pays scandinave n’a pas fixé d’échéance, mais il est dit que pareille initiative pourrait lui être réalisable d’ici 2050.)
Pour le Québec, l’objectif risque au contraire d’être raté… uniquement sur le plan des transports.
Car dixit le document gouvernemental dévoilé hier, pour se mouvoir, le secteur des transports de la Belle Province mise à 98,8% sur les produits pétroliers (et, notez bien, à peine 0,3% sur l’énergie électrique).
De fait, nos moyens de transport accaparent les trois quarts des produits pétroliers consommés au Québec:
Vrai qu’hier, le gouvernement a remis sur le tapis politique l’idée de déposer une loi Zéro émission, fort de sa participation dans la création, en août dernier, de l’Alliance internationale sur les Véhicules Zéro Émission, avec la Californie et les Pays-Bas.
Mais en stipulant vouloir «travailler (…) afin que les constructeurs automobiles et les concessionnaires offrent aux consommateurs québécois un éventail de modèles qui répond à leurs attentes, sans délai et en quantité suffisante», Québec laisse faussement entendre que l’industrie ne suit pas le marché – et qu’il peut y faire quelque chose.
Dans les faits, c’est la demande pour les véhicules électriques qui n’est pas au rendez-vous et ce, mondialement. Malgré une vingtaine de modèles proposés à des prix qui se démocratisent (merci notamment aux rabais gouvernementaux qui encouragent l’achat «vert», pour le moment du moins)…
… et malgré des autonomies entre chaque recharge qui prennent (un peu) de galon, les ventes de véhicules électriques ne représentent guère plus, même après cinq ans de réelle existence, que 1% de toutes les ventes automobiles de la planète. Et ça, ça comprend les hybrides rechargeables.
Même en tenant compte du tiers de million de réservations enregistrées dans la dernière semaine pour l’éventuel Tesla Model 3, l’aiguille mondiale des parts de marché de la voiture électrique n’oscillera guère, au vu des prévisions de ventes annuelles en 2020 de 100 millions de véhicules aux quatre coins du globe.
4) Des cibles automobiles rappelées… et rajoutées
La plus récente Politique énergétique du Québec englobe, logiquement, le Plan d’action en électrification des transports 2015-2020 dévoilé le 9 octobre dernier (et que nous avions analysé ici en 10 points).
Est-ce que les 421$ millions alors proclamés seront – eux aussi – englobés dans les 4$ milliards provenant du Fonds Vert et répartis sur 15 ans, tout juste annoncés?
Une chose est sûre: voyez (photo ci-dessous) qu’en reprenant les grandes lignes du plan automnal, oh surprise: on y rajoute un nouvel objectif d’un million de véhicules électriques immatriculés Je Me Souviens en 2030. Soit 20% de la totalité des véhicules légers (qui devraient) alors rouler dans la Belle Province.
Jamais pareille visée n’a pourtant été mentionnée dans l’une ou l’autre des 72 pages du document Propulser le Québec par l’électricité et dévoilé l’automne dernier.
Le hic, c’est qu’actuellement, moins de 7000 véhicules électriques sont immatriculés au Québec. Rejoindre pareille cible revient à dire qu’au cours des 15 prochaines années, une voiture neuve sur sept achetées par les Québécois devra être électrique. (!)
Pendant ce temps, le prix de l’essence se maintient autour du 1$ le litre, ce qui continue de ramener massivement les Canadiens vers les utilitaires et autres camions.
Pour le premier trimestre de 2016, dit Denis Desrosiers, grand manitou de la statistique automobile au Canada, les ventes de VUS et de camionnettes ont augmenté deux fois plus que celles du marché dans son ensemble (18% contre 9%), versus la même période l’an dernier.
Du coup, la courbe moyenne de consommation des véhicules vendus au pays s’élève des plus allègrement… (graphique de Desrosiers Automotive Consultants ci-dessous).
Saviez-vous que…