JDM: Le Québec importe des conduites à droite
Milieu des années 1980 : Nissan lance une nouvelle Skyline, qui devient rapidement un véhicule fétiche auprès des amateurs de performance. Malheureusement, la Nissan Skyline n’a jamais été vendue en Amérique du Nord.
Seule façon de s’en procurer une, au Canada du moins : attendre que la voiture célèbre ses 15 ans. Après ce laps de temps, l’importation de véhicules non conformes aux Normes de sécurité des véhicules automobiles du Canada est autorisée par Transports Canada.
Les Canadiens en profitent avec la Skyline, mais aussi avec d’autres nipponnes inconnues sous nos cieux, telles des mini-voitures – surnommées les « kei-cars » au Japon.
Le phénomène des « JDM » - prononcez « dgi-di-ème » – a pris de l’ampleur au Canada au cours des dernières années. Au départ, les transactions étaient dispendieuses et limitées à quelques privilégiés, soutient Ben Woo, organisateur du Salon Sport, Compact et Performance, qui s’est déroulé en octobre au Stade olympique. « Mais aujourd’hui, il s’importe tellement de « JDM » que les prix demandés ici sont similaires à ceux du Japon, » dit-il.
Plusieurs petites entreprises, qui faisaient jusqu’à présent le commerce de pièces d’auto japonaises, se sont converties en importateurs de véhicules. « Elles proposent des « JDM » pour aussi peu que 10 000$ - c’est payer peu cher l’exclusivité, » dit George Iny, président de l’Association pour la protection des automobilistes.
Alexandre Crépault, un Montréalais propriétaire d’une Nissan Skyline, confirme : « Ceux qui cherchent l’attention cherchent définitivement à la bonne place. »
Hausse annuelle de 24%
Au Canada, l’importation de véhicules de 15 ans et plus a substantiellement augmenté depuis 2002, à raison de 24% par année. De 10 072 véhicules en 2002, elle est passée à près de 20 000 véhicules l’an dernier.
Cependant, impossible pour les autorités fédérales de dire combien de ces véhicules sont des conduites à droite. À la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) non plus, on ne peut quantifier le nombre de « JDM » qui circulent sur nos routes.
Tout au plus, la SAAQ peut affirmer que 350 Nissan Skyline ont été immatriculées au Québec depuis 2004. Et cela l’inquiète : « Ces véhicules posent problème parce que leur conduite à droite rend dangereuses les manœuvres de dépassement, » dit Gaétan Bergeron, chef du service de l’ingénierie des véhicules à la SAAQ. Alexandre Crépault l’admet : « Il m’a fallu une semaine pour m’habituer à manier le levier de vitesse de la main gauche. »
Une étude menée au printemps en Colombie-Britannique, où le phénomène des « JDM » est plus marqué en raison de la proximité du Japon, a révélé que les véhicules avec volant à droite sont 40% plus à risque d’être impliqués dans une collision que les véhicules avec volant à gauche. «Le temps moyen pour qu’un accident survienne après l’acquisition d’un véhicule avec conduite à droite est de 223 jours, contre 705 jours pour une conduite à gauche,» rapporte Peter Cooper, porte-parole de l’Insurance Corporation British Columbia.
Selon ce dernier, 200 véhicules avec conduite à droite seraient importés chaque mois dans la province de l’Ouest.
Le Code de la route à la rescousse?
Autre inquiétude pour la SAAQ : les « JDM » disposent souvent d’autant de chevaux-vapeur qu’une Porsche, mais s’offrent à beaucoup moins cher. « Voilà qui rend accessibles des voitures très puissantes à des conducteurs qui, autrement, n’en auraient pas eu les moyens, déplore M. Bergeron. Souvent, ces conducteurs n’ont pas beaucoup d’expérience au volant et sont très téméraires. »
La SAAQ espérait que le gouvernement fédéral légifère et, qu’à l’instar des États-Unis, il fasse passer l’âge d’importation des véhicules non conformes de 15 à 25 ans. Le milieu s’attendait à des consultations en ce sens cet automne, mais Transports Canada a confirmé au Journal Les Affaires qu’aucun amendement n’a encore été officiellement présenté.
La SAAQ tente malgré tout de freiner le mouvement, du moins au Québec. L’inspection provinciale obligatoire pour tout véhicule importé commence à exiger, pour les « JDM », certaines modifications techniques. Aussi, « nous analysons le Code de la route afin d’y trouver certains articles généraux qui pourraient nous aider, dit M. Bergeron. Le dossier nous interpelle et nous souhaitons le régler au plus vite – nous ne voulons pas nous faire accuser d’avoir trop attendu, s’il arrivait quelque chose… »