Hybrides, électriques, rechargeables... On branche ou pas?

Dossiers
vendredi, 15 juin 2012
Au tournant du millénaire, deux bizarreries automobiles sont apparues sur notre marché: des voitures à essence ET à électricité. Une décennie plus tard, les hybrides se sont démocratisées. Même qu’elles ont nouvellement de la compétition : les ‘rechargeables’ et les 100% électriques. Alors, on branche ou pas?

Fin 1999 : Honda commercialise la Insight, qui marquera l’histoire comme étant la première hybride moderne à débarquer sur notre continent. La Toyota Prius de 1ère génération la talonne de quelques mois. Ces deux premières voitures sont petites, peu performantes et, surtout, très chères à l’achat.

Toyota va rapidement devenir le maître de l’hybride. La Prius en est à sa 3e génération et une dizaine d’autres modèles (aussi sous la bannière Lexus) permettent au constructeur d’occuper les deux tiers des ventes hybrides.

Mais petit est le marché : moins de 3% de tous les véhicules neufs vendus en Amérique du Nord l’an dernier. Et c’est malgré une offre grandissante : de deux modèles au début des années 2000, on en sera à plus d’une trentaine en 2012 (notre tableau), de l’entrée de gamme au très luxueux, de l’intermédiaire à l’utilitaire, du véhicule japonais à celui américain, voire européen et même coréen.

De fait, la firme J.D. Power estime qu’en 2016, seront disponibles quelque 160 véhicules ‘électrifiés’. Mais… les consommateurs n’en voudront pas : les analystes estiment que les hybrides ne représenteront même pas, d’ici cinq ans, le dixième des ventes automobiles.

Pierre Beaudoin, directeur principal des services techniques chez CAA-Québec, considère ces statistiques trop conservatrices : « Lorsque le litre d’essence excède 1,40$, les automobilistes sont nombreux à nous téléphoner, à la recherche de solutions alternatives. Le coût élevé du carburant pourrait donc bousculer les prévisions. »

Et peut-être s’apercevra-t-on alors que le gouvernement du Québec n’était pas trop ambitieux, avec ce plan lancé au printemps dernier et visant à ce que le quart des véhicules neufs vendus sur son territoire en 2020 soient à propulsion électrique (hybrides, rechargeables ou 100% électriques).

Pas d’hécatombe, mais pas de miracle…
Si on se souvient bien, la commercialisation des premières hybrides a suscité des inquiétudes quant à la fiabilité de la mécanique et la longévité des batteries. Dix ans plus tard, force est d’admettre qu’on a craint pour rien : l’hécatombe ne s’est pas produite. Au contraire, la technologie a évolué au fil des systèmes.

Pas de catastrophe… mais pas de miracle non plus. En effet, les conducteurs d’hybrides ont vite découvert que les cotes de consommation annoncées par les constructeurs étaient plus optimistes que dans la réalité. « Peu d’hybrides offrent, durant leur cycle moyen d’utilisation, une économie d’essence à la pompe suffisante pour compenser leur coût d’acquisition plus élevé, » dit Dennis DesRosiers, de la firme canadienne DesRosiers Automotive Consultants.

Et on ne s’en sort pas : qui dit technologie d’avant-garde et double motorisation, dit plusieurs milliers de dollars de plus (entre 2 500$ et 10 000$) que pour une voiture conventionnelle. Il faut donc en parcourir, des kilomètres, pour rentabiliser son investissement. Ou encore que le prix de l’essence augmente encore plus.

Les dernières années ont aussi vu poindre de nouvelles technologies qui rendent plus efficaces les traditionnels moteurs à combustion : injection directe, turbos et suralimentation, désactivation des cylindres, transmissions à variation continue. De fait, les nouvelles générations de petites voitures sont si frugales qu’elles font directement concurrence aux hybrides. Et ce, pour pas mal moins cher à l’achat…

Demander la lune?
On pourrait penser que si les constructeurs se bousculent sur la scène « hybride », c’est pour s’accaparer des parts de marché et/ou pour faire épargner à la planète des tonnes et des tonnes d’émissions polluantes.

La vérité réside plutôt dans ces normes gouvernementales d’émissions polluantes qui, ici comme ailleurs, se resserrent. L’actuelle prescription nord-américaine stipule une moyenne de consommation, pour l’ensemble des véhicules d’un constructeur, d’au maximum 8,6L/100km. En 2016, cette moyenne diminuera à 6,6L – et probablement à 4,3L en 2025.

L’analyste DesRosiers rapporte qu’il a fallu les 30 dernières années pour réduire du quart la consommation moyenne de nos véhicules. Selon lui, la marque à atteindre d’ici 15 ans, soit moitié moins qu’aujourd’hui, est inaccessible : « C’est aussi inaccessible que si, dans les années 1960, le président Kennedy avait annoncé que l’Homme allait marcher sur la Lune… et la coloniser en une dizaine d’années. »

Toutes ne sont pas égales
Marque inaccessible ou pas, les constructeurs n’ont pas le choix. Et tous les moyens leur sont bons pour réduire la gourmandise des véhicules qu’ils fabriquent. D’où cette vague d’hybrides qui déferle depuis dix ans.

Mais diversité des systèmes obligent, toutes les hybrides ne sont pas égales en termes d’économie d’essence et de réduction des émissions. C’est pourquoi l’organisme à but non lucratif Union of Concerned Scientists publie un ‘bulletin’ qui classe les hybrides selon leur rendement, versus leur coût d’acquisition et le rendement de leurs contreparties à essence.

Les grands gagnants : la Toyota Prius chez les modèles d’entrée de gamme et la Lexus CT200h du côté des plus luxueuses. Les perdants? Les utilitaires et camionnettes hybrides chez GM, le Volkswagen Touareg Hybrid et les hybrides chez BMW. (Bulletin complet : www.hybridcenter.org/hybrid-scorecard/).

Concurrence… électrique
Les hybrides ne sont pas les seules à se proposer comme des solutions alternatives de motorisation. Les voitures 100% électriques commencent à poindre leur calandre en ce sens.

À la différence des hybrides, qui mixent le traditionnel moteur à essence (émetteur de polluants) et la propulsion à l’électricité, les voitures 100% électriques, telles les Nissan Leaf, Mitsubishi i-Miev, Tesla Roaster et Smart fortwo électrique, ne misent que sur un organe électrique (et des batteries).

Le bon côté : la mécanique est simple, la puissance directe et, bien sûr, ça ne coûte rien à la pompe – en fait, ça n’a même pas besoin de passer à la pompe! Surtout, ça n’émet aucun polluant (du moins, au tuyau d’échappement).

Le Québec, avec son énergie ‘hydro’ considérée verte, est avantagé plus qu’ailleurs. D’autant qu’elle est ici peu chère, cette énergie : selon Hydro-Québec, il en coûterait plus ou moins 1$ pour parcourir 100 kilomètres en voiture électrique à Montréal, contre 4$ à San Francisco et à New York. (Les mêmes 100 kilomètres à Montréal coûterait, avec une compacte à essence, au minimum 10$).

Le principal inconvénient de la voiture 100% électrique? Malgré toutes les avancées des dernières années, constructeurs automobiles et autres fabricants qui s’y sont essayé n’ont pas réussi à mettre au point des piles offrant une autonomie électrique semblable à celle d’une voiture à l’essence.

C’est dire que pour l’heure, il faut faire de grands compromis. Une Nissan Leaf, par exemple, ne peut rouler plus que 160 kilomètres (moins, si on la sollicite de l’accélérateur ou du climatiseur) avant une recharge de ses batteries… de sept à 16 heures, selon la tension utilisée (110 ou 240 volts). On est loin du plein d’essence qui demande quelques instants et qui s’effectue pratiquement à tous les coins de rue.

Remarquez cependant que selon Statistique Canada, les trois quarts des Canadiens qui se rendent au travail en automobile parcourent moins de 20 kilomètres par jour pour rejoindre leur bureau (2006). « Pour eux, dit Pierre Beaudoin, une voiture électrique pourrait être intéressante comme deuxième véhicule pour les distances urbaines. »

La Chevrolet Volt : la solution?
Mine de rien, c’est peut-être la nouvelle Chevrolet Volt de GM qui détient la solution à court – et même à moyen terme. La voiture se détaille certes à 41 500$, mais le gouvernement du Québec offre pour elle, comme pour la Nissan Leaf, jusqu’à 8 000$ de rabais.

Lancée sur le marché canadien cet automne, cette berline intermédiaire est… une hybride à l’envers. Au lieu d’être propulsée par un moteur à combustion secondé d’un moteur électrique, la Volt est principalement mue par son moteur électrique, pour une autonomie de plus ou moins 60 kilomètres.

Un automobiliste peut donc quotidiennement parcourir cette distance, brancher sa voiture une fois la nuit tombée et ne jamais, jamais consommer une goutte d’essence.
Du zéro litre/100km, quoi.

Une fois épuisée cette autonomie électrique, le moteur à combustion de la Volt se met en branle, tel un générateur, pour renflouer les batteries. On peut alors rouler plus de 500 kilomètres avant la panne sèche.

Par conséquent : pas de panique – ou d’anxiety range, comme le disent les Américains.
   
De Quossé
L’hybride : dix ans déjà
Sous le capot d’une voiture hybride, un traditionnel moteur à combustion (modifié selon le cycle Atkinson) est jumelé à un moteur électrique, lui-même alimenté par des piles. (Souvent dissimulées derrière la banquette, ces piles retranchent cependant du cargo).

Pas besoin de ‘brancher’ une hybride : les piles se rechargent par l’action du moteur principal et par la récupération de l’énergie du freinage (regenerative braking).

Les premières hybrides pouvaient rouler jusqu’à 30km/h ou 40km/h en mode électrique, mais les plus récentes peuvent circuler jusqu’à des vitesses d’autoroute – à condition d’y aller doucement avec l’accélérateur.

Versus une voiture conventionnelle, les hybrides sont plus frugales en ville. À l’opposé, les moteurs diesel sont plus frugaux sur l’autoroute. Le meilleur des deux mondes devrait donc être les hybrides-diesel – quelques constructeurs y travaillent déjà.

L’hybride championne de la consommation demeure, encore aujourd’hui, la Toyota Prius. La 3e génération de la berline peut, en conditions idéales (parcours peu montagneux, aucun climatiseur et mercure clément), enregistrer une moyenne de 4,7 litres/100km. Les extrémistes réussissent à rouler pour moins de 3L/100km.

Tous les constructeurs automobiles ne misent pas sur la frugalité extrême; Infiniti et Porsche utilisent plutôt leur système hybride pour rehausser les performances (mais non la consommation) de leur M35h et Cayenne S respectifs.

L’hybride rechargeable : la suite logique
Les hybrides rechargeables, ou ‘plug-in’, sont l’évolution logique des hybrides. C’est simple : parce qu’elles se connectent à même la prise résidentielle, ces ‘branchées’ obtiennent un apport d’énergie supplémentaire qui n’a pas à être fourni par leur moteur à essence.

Le hic, ici comme pour la voiture 100% électrique, c’est que la recharge avec une prise de 240 volts demande au minimum quatre heures – et plus du double avec une prise de 120 volts. Et ça, c’est quand on peut trouver l’infrastructure routière (ou domiciliaire) pour se brancher...

Toyota doit commercialiser une Toyota Prius rechargeable dès l’an prochain. La Chevrolet Volt, citée plus tôt, peut être considérée comme une rechargeable, avec l’avantage que c’est sa propulsion électrique qui prime – non son moteur à essence.

100% électrique : défis insurmontables?
Pas de moteur à combustion, qu’un moteur électrique et des piles (qui délaissent d’ailleurs le nickel-cadium pour le lithium), voilà ce que sont les voitures 100% électriques. Principal avantage : zéro pollution.

Pour l’heure, seule la Nissan Leaf (depuis l’automne) et la Tesla Roadster (un bolide sport californien de plus de 100 000$) sont commercialisées au Canada. Aussi, des tests sont menés par Hydro-Québec avec la Mitsubishi i-Miev et quelques Smart fortwo électriques ont été mises en location ‘corporative’ au pays.

Bref, il y a encore très peu de voitures 100% électriques sur le marché. (À ce sujet, lisez notre reportage Silence, on roule, sur www.caaquebec.com.) Car de considérables obstacles parsèment leur route, à commencer par des bornes de recharge trop peu nombreuses (Hydro-Québec commence tout juste, en février prochain, à en installer une centaine à Montréal et à Québec); une trop petite autonomie électrique; et un prix encore très élevé.

La Nissan Leaf, par exemple, demande 38 400$. Même avec le rabais provincial de 8 000$, c’est presque deux fois le prix d’une voiture conventionnelle de même catégorie…

TABLEAU
Hybrides actuellement sur le marché :
BMW ActiveHybrid X6
BMW ActiveHybrid 7
Chevrolet Tahoe /GMC Yukon / Cadillac Escalade Hybrid
Chevrolet Silverado / GMC Sierra Hybrid
Ford Escape Hybrid
Ford Fusion Hybrid
Honda Civic Hybrid
Honda CR-Z
Honda Insight (l’hybride la moins chère du marché)
Hyundai Sonata Hybrid
Infiniti M35h Hybrid
Kia Optima Hybrid
Lexus CT200h
Lexus GS450h
Lexus HS250h
Lexus LS 600h
Lexus RX450h
Lincoln MKZ Hybrid
Mercedes ML 450 Hybrid
Mercedes S400 BlueHybrid
Nissan Altima Hybrid (dernière production en 2011)
Porsche Cayenne S Hybrid
Porsche Panamera S hybrid
Toyota Camry Hybrid
Toyota Highlander Hybrid
Toyota Prius (l’hybride la plus frugale du marché)
Toyota Prius V (familiale)
Volkswagen Touareg Hybrid (É-U seulement)

Les rechargeables
Chevrolet Volt (commercialisée depuis l’automne)
Toyota Prius rechargeable (prévue pour 2012)

Les électriques
Nissan Leaf (commercialisée depuis l’automne)
Tesla Roadster
Mitsubishi i-Miev (projet-pilote)
Smart fortwo (projet-pilote)

À surveiller au cours de la prochaine année :
Porsche 918 Spyder (2013)
Audi Q5 Hybrid
Volks Jetta
Volks Golf (2013)
Volks Passat (2013)
BMW ActiveHybrid 5
Lexus CX300h
Toyota Prius C
Tesla Model S

 

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