Fatigue au volant: Comme si vous étiez saoul

Dossiers
vendredi, 8 juillet 2011
Lorsque interrogés par la AAA Foundation for Traffic Safety, neuf policiers américains sur dix ont dit avoir déjà intercepté au moins un automobiliste parce qu’ils le croyaient en état d’ébriété… alors qu’il était victime de somnolence au volant. C'est dire que "cogner des clous" en conduisant est aussi dangereux que d'être saoul.

Surpris? Pourtant, admettez: on ne sait jamais vraiment à quel moment précis on s'assoupit. C'est comme ça sur l'oreiller, c'est aussi comme ça derrière le volant.

On se croit en pleine possession de ses moyens? Erreur: sans même le savoir, notre conduite trahit déjà qu'on est en train de s'endormir: nos mouvements de direction se font plus amples et moins précis, notre vitesse et notre trajectoire n'ont plus rien de constant, notre la vision devient fixe, moins périphérique...

Vous en doutez? Croyez-en les experts du Laboratoire de conduite de l'Université de Montréal, qui ont mené des tests en simulateur. Les cobayes soutenaient qu'ils allaient très bien - "Non, non, je ne m'endors pas!", mais leur corps et leur conduite disaient tout autrement.

"C'est stupéfiant de voir que les gens tombent en hypo-vigilance sans s'en rendre compte, s'exclame le directeur, Jacques Bergeron. Ils nous disent être dans leur état normal, mais tout dans leur comportement montre qu’ils sont sur le point de faire une fausse manœuvre ou de perdre le contrôle. »

C'est dire que lorsqu'on a conscience que nos pensées vagabondent, que notre vision se brouille, que l'on baille et que l'on a de la difficulté à garder la tête droite ou encore les yeux ouverts... on n'est déjà plus en état de conduire.

Il est alors plus que temps de s'arrêter sur le bord de la route (de grâce, dans en endroit sécuritaire) et de piquer un p'tit roupillon.

3e cause: oui, oui!

Si l'on vous demande quelles sont les deux principales causes de mortalité routière au Québec, vous répondrez la vitesse et l'alcool - et vous aurez raison.

Maintenant, si l'on vous demande quelle est la troisième cause plus importante, répondrez-vous la fatigue au volant?

Et pourtant, c'est le cas: en moyenne 116 décès et presque 10 000 blessés par année au Québec. Pour l’ensemble du Canada, la fatigue au volant serait à l’origine d’un accident mortel sur cinq.

Un sondage de la SAAQ révèle cependant que moins d’un Québécois sur dix considère la somnolence au volant comme cause principale d’accident.

C'est dire qu'on sous-estime grandement cette problématique, alors que celle-ci touche tout le monde.

Un autre sondage, cette fois de la Fondation de recherches sur les blessures de la route, démontre en effet qu'un Canadien sur cinq se serait – ou aurait été sur le point de – s'assoupir au volant au moins une fois au cours de l’année précédant l’enquête.

Mais qu'à peine 15% des interrogés se seraient garés pour se reposer...

Campagne d'un million de dollars

Question de réveiller tout ce beau monde au volant, ne mentionnons qu'une statistique, mais qui frappe: la plupart des accidents reliés à la fatigue au volant (80%) se concluent par au moins un décès.

Le problème est bien réel et c'est pourquoi la SAAQ s'y attaque cet été.

Elle investit presque un million de dollars dans une campagne qui a cours de la mi-juillet à la mi-août. Le point central de cette campagne? Une publicité télé où l'on voit un conducteur "cogner des clous"... jusqu'à ce qu'une main gantée vienne lui fermer les yeux à tout jamais.

Le café? La radio? Non, le dodo!

Les constructeurs automobiles commencent à cerner le problème et c'est pourquoi certains véhicules proposent l'alerte de changement de voie - ça "buzz" dans l'habitacle si le véhicule franchit une démarcation routière sans que le clignotant ne soit engagé.

Lincoln est allé plus loin en insérant une programmation pour qu'un tasse de café s'illumine à l'instrumentation quand trop de mouvements amples de la direction sont notés par l'ordinateur. Dans un proche avenir, des lecteurs de rétine à bord pourront même discerner le regard fixe du conducteur et suggérer une pause...

En attendant que tous ces gizmos se démocratisent, comment combattre la fatigue au volant?

Un seul remède: dormir.

Oui, le café peut stimuler un moment, mais il ne fera pas disparaître la fatigue.

Ouvrir une fenêtre, démarrer la climatisation, jaser avec le passager (s’il ne dort pas…), hausser le volume de la radio? Des "band aids" posés sur une fracture béante, sans plus, disent les experts.

Alors, ne vous fatiguez pas (!), surtout si vous êtes du genre à vous endormir avant que votre tête ne touche l’oreiller: dès les premiers signes "d'endormitoire" au volant, arrêtez-vous dans un endroit sécuritaire et reposez-vous.

Même s'il ne s'agit que d'un roupillon de 15 minutes.


Pour ne pas conduire ivre... de fatigue

  • Ne partez pas fatigué. Avant un long trajet, passez une bonne nuit de sommeil. Sachez qu'une "dette de sommeil" de cinq heures entraîne au volant le même effet que l’absorption de deux ou trois verres de vin.
  • Planifiez des trajets qui ne dépassent pas huit heures de route - et planifiez-les, en autant que possible, alors qu'il fait jour et non pas lors des périodes habituellement occupées à dormir.
  • Conservez l'habitacle frais et bien aéré - la fatigue se fait sentir plus vite lorsqu'il fait chaud. En soirée, réduisez l'éclairage du tableau de bord; les contrastes lumineux accroissent la fatigue visuelle.
  • Les experts suggèrent une pause d'une dizaine de minutes à toutes les deux heures de route pour se changer les idées et se dégourdir les jambes.
  • Encore de la route à faire demain? Offrez-vous une bonne nuit de sommeil - pas une sieste inconfortable sur la banquette arrière... Et retenez qu'un conducteur en "dette de sommeil" qui est éveillé depuis plus de 20 heures voit ses réflexes et sa concentration diminuer au même niveau qu'un conducteur présentant un taux d’alcoolémie de 0,05mg.
  • Vous êtes fatigué? Ne conduisez pas. Pourquoi risquer… de ne plus jamais vous réveiller?

Copyright © 2015 Nadine Filion. Tous droits r�serv�s.