Design automobile : l'industrie prend le virage écolo
Invariablement, un grand thème revient: l’environnement. Par exemple, les matériaux utilisés dans les habitacles tendent à être de plus en plus écologiques, dit Simon Lamarre. «Un peu comme si on essayait de déculpabiliser la voiture.»
«On commence même à voir du bambou, confirme Ralph Gilles. Parce qu’il pousse vite et est facile à récolter, beaucoup de nos fournisseurs nous le proposent. Certes, ce n’est qu’une petite partie de la voiture, mais cela démontre une nouvelle direction.»
Nos deux designers observent le souci environnemental jusque dans les proportions des véhicules. «L’aérodynamisme a un grand impact sur la consommation en carburant et les émissions d’un véhicule, explique Simon Lamarre. On voit donc des lignes extérieures plus aventurières, des formes inhabituelles au premier regard. La berline pourrait carrément changer de proportions.»
«Ça fait des années que l’on dessine des véhicules autour d’un moteur, ajoute Ralph Gilles. Mais quand on ose changer les pièces d’un casse-tête comme on le fait de plus en plus, ça donne des résultats pas mal intéressants, côté silhouette.»
Toujours pas de portière au toit, mais…
Simon Lamarre ne croit pas pour autant à une révolution automobile sans dessus dessous. «On ne se retrouvera pas demain matin avec des véhicules à six roues, les portières au toit ! Après tout, le milieu en reste un très traditionnel.»
Le designer de 39 ans s’attend toutefois à «des graphiques plus expressifs, des calandres et des phares plus dramatiques, des surfaces complexes et des lignes plus crispées, tout ça dans le but d’attirer l’attention du client.»
Car voilà le but de tout l’exercice: traquer le consommateur qui, dans le marché actuel, a plus que l’embarras du choix. Cependant, «si c’est le design extérieur qui attire le client, c’est souvent l’habitacle qui le fait pencher pour tel ou tel modèle,» dit encore Simon Lamarre. D’où l’importance, de plus en plus marquée ces dernières années, des habitacles.
«Les gens passent plus de temps dans leur voiture, ils la veulent donc confortable et agréable, comme une extension de leur salon, dit le designer de Volvo. M’est avis que nous délaisserons peu à peu les intérieurs noirs, au profit d’habitacles aux teintes plus claires. Nous y retrouverons aussi des jeux de contrastes de couleurs, ainsi que des éléments de surprise – les gens aiment être surpris! J’imagine facilement une ligne de lumière sous une moulure, qui pourrait changer de couleur au gré des humeurs.»
Ralph Gilles ajoute que l’information sera de plus en plus dominante, dans les intérieurs automobiles. Systèmes de navigation, ordinateurs de bord, écrans tactiles, connectivité mobile… «La gestion de ces informations est devenue une priorité, dit le designer de Chrysler. Ils nous faut non seulement les concevoir au goût du jour – ces temps-ci, les gens demandent des écrans plus grands –, mais il nous faut aussi les faire ergonomiques et pouvant être utilisés de façon sécuritaire.»
Du jamais vu
Une autre tendance «automobile» se dessine : tant Ralph Gilles, installé au Michigan, que Simon Lamarre, qui travaille de l’autre côté de l’Atlantique, à Göteborg en Suède, remarquent la prolifération des genres de véhicules. Internationalement, elle est bien finie, l’époque où le consommateur avait le choix entre une berline… et une berline.
«On n’hésite plus à mélanger les concepts, dit Simon Lamarre. Les catégories se multiplient, chaque constructeur cherche à diversifier son produit et à trouver une niche qui lui soit particulière.»
«Auparavant, la voiture servait toutes les causes, renchérit Ralph Gilles. Aujourd’hui, on essaie plutôt de l’adapter aux goûts des clients, en personnalisant les genres, les couleurs, les technologies. La philosophie du véhicule ‘de base’ est en train de disparaître parce que la compétition en place est la plus féroce jamais vue, dans cette industrie.»
«Plus je travaille dans le milieu de l’automobile, conclut Simon Lamarre, plus je découvre que l’expérimental a été accepté et que tout est désormais possible. C’est à la fois amusant et inquiétant. Chacun cherche de nouvelles expressions, ce qui donne lieu à choses inédites, intéressantes ou pas. Préparez-vous donc à voir des résultats très diversifiés.»
Simon Lamarre
Designer chez Volvo depuis mars 1995
Titre : chef designer de studio
Né le 29 octobre 1968, à Sainte-Thérèse dans les Laurentides
Vit aujourd’hui à Göteborg, en Suède
Marié, père d’un garçon de 10 ans et de jumelles de 7 ans
On lui doit le design intérieur du Volvo XC90 et celui extérieur de la Volvo C30
Il nous a dit : « J’ai le meilleur ‘job’ du monde, mais aussi le plus frustrant. Il y a un tas de caprices dans le monde automobile, qui ne sont pas toujours très logiques, mais il faut faire avec. Ce qui me fait dire que le design ultime est… le compromis ultime. »
Ralph Gilles
Designer chez Chrysler depuis 1992
Titre : vice-président, Design Jeep, Camions et intérieurs
D’origine haïtienne, Ralph est né à New York le 14 janvier 1970 et a grandi à Montréal
Vit aujourd’hui à Leonard, Michigan
Marié et père de deux fillettes (sept et neuf ans)
On lui doit le design intérieur de la Dodge Viper, celui extérieur des Chrysler300/Dodge Magnum, ainsi que les nouvelles fourgonnettes Dodge Caravan/Chrysler Town & Country
Il nous a dit : « Si j’avais carte blanche, je dessinerais une voiture de sport environnementale. Je rêve de concevoir un bolide « vert » qui soit amusant à piloter! »