Cours obligatoires de conduite au Québec: oui, mais encore...
À la recherche d’effets secondaires
Res-pon-sa-ble: voilà, le mot est lancé. Le nouveau Programme vise à former des conducteurs res-pon-sa-bles.
«Je vois ça comme un vent rafraîchissant, après tout le discours sur la sécurité routière, les amendes et la répression, dit Jean-Marie DeKoninck, expert en sécurité routière et fondateur d’Opération Nez-Rouge. C’est une approche positive par excellence qui fait appel à l’intelligence des jeunes.»
Et il ajoute: «Ces jeunes qu’on ne sait plus comment aborder… eh bien, ils pourraient devenir de très bons ambassadeurs! Je me prends même à espérer qu’ils entraînent des effets secondaires positifs en éclaboussant les autres conducteurs.»
Fermez votre gueule!
Dans son dernier rapport (novembre 2009), la Table québécoise de la sécurité routière, présidée par M. DeKoninck, dit vouloir évaluer si des examens de compétence devraient être exigés de façon périodique pour l’ensemble des conducteurs, jeunes ou vieux.
Une chose est sûre: le nouveau Programme fait déjà un pas en ce sens en permettant aux parents (ou à l’accompagnateur principal de l’élève) de participer à un module de deux heures.
«On sait que 80% des accidents de la route sont dus aux comportements des conducteurs, dit Lise Tourigny, de la SAAQ. L’occasion est donc idéale d’offrir un rafraîchissement, quant au comportement souhaité sur le réseau routier, à ceux qui conduisent depuis longtemps.»
Cette implication des parents sur le même banc d’école que leur enfant est d’autant plus nécessaire que, selon Pierre Savoy, instructeur en chef du programme de formation de conduite BMW Canada, les jeunes de 16 ans qui commencent à conduire ont déjà une expérience de… 16 ans.
«Oui, oui, martèle Pierre Savoy. Les jeunes ont vu leurs parents conduire toutes ces années et ils ont emmagasiné, comme des éponges. Il faut conscientiser les adultes à ce phénomène et les inciter à surveiller leur attitude au volant. Autrement dit, il faut qu’ils conduisent, avec des enfants à bord, en fermant leur gueule…»
Plus c’est long, plus c’est bon…
Ce n’est qu’en janvier 2011 que la première cohorte des conducteurs de « nouvelle génération » obtiendra son permis probatoire. Ce dernier continue de restreindre à 4 le nombre de points de démérite et dicte toujours la tolérance zéro pour l’alcool au volant.
Le nouveau Programme, échelonné sur 13 mois, est nettement plus long. Auparavant, un nouveau conducteur pouvait « faire le cours » en moins de deux mois… Ça ne fait pas l’affaire des jeunes, mais voilà qui débouche sur plusieurs avantages, disent les experts que nous avons interrogés.
D’abord, en alternant la théorie et la pratique, et encore la théorie, et encore la pratique (en tout, 24 heures de théorie et 15 heures de pratique), l’étudiant a désormais la chance d’appliquer dans la voiture les notions apprises en classe, puis de revenir en salle pour clarifier certains points.
Certes, on est loin du Danemark qui impose une séance sur circuit fermé et une épreuve dans des conditions simulant la conduite sur glace, mais reste qu’en s’étirant sur plus d’un an, la nouvelle formation québécoise permet à la plupart des étudiants de conduire en hiver – un «must», dans la Belle Province, on s’entend.
Aussi, si l’étudiant rate un examen final, qu’il soit théorique ou pratique, il lui faudra attendre 28 jours avant de pouvoir le reprendre. « Avant, l’élève pouvait recommencer la semaine suivante, et la suivante... ce qui ne l’incitait guère à se préparer convenablement, » dit M. DeKoninck.
Enfin, l’étudiant doit conduire accompagné (avec son permis d’apprenti) tant qu’il n’a pas obtenu son permis probatoire, ce qui lui permet de gagner quelques mois supplémentaires en maturité. Les parents d’adolescents, mieux que quiconque, savent qu’il y a tout un monde de différences entre 16 et 17 ans…
Contamination?
Le but visé par la SAAQ, avec le retour des cours de conduite obligatoires, est évidement d’améliorer le bilan routier. Et ce, bien qu’il sera très difficile d’établir si le nouveau Programme en sera le grand responsable, plus qu’une autre des mesures adoptées au cours des dernières années: amendes salées pour les grands excès de vitesse, photo-radars, plus de sévérité envers les récidivistes de l’alcool au volant, éventuellement le taux d’alcoolémie limité à 0.05…
Ceci dit, il faut y aller un pas à la fois, prévient Yvon Lapointe, directeur de la sécurité routière chez CAA Québec. «Au début, les conducteurs de nouvelle génération seront en minorité sur nos routes. Et ils seront plongés dans la jungle de la circulation, avec cinq millions d’autres automobilistes québécois qui pourraient rapidement les contaminer. Pour changer du tout au tout le partage de la route et que la nouvelle vague rayonne, ça va prendre toute une génération.»
Sans compter que depuis dix ans, on a sacrifié une génération de conducteurs à qui l’on a laissé entendre que la conduite, faute de cours obligatoires, « y’avait rien là »…
Mais encore…
Un nouveau Programme, tout aussi bien ficelé soit-il, ça ne suffit pas. Robert Poéti, retraité de la Sûreté du Québec et aujourd’hui spécialiste en sécurité publique et privée, soutient que si un pas vient d’être fait, il faut néanmoins continuer de resserrer la réglementation.
Pourquoi pas, dit-il, interdire la conduite de nuit aux jeunes de 16-18 ans? Limiter le nombre de passagers à bord d’un véhicule conduit par un débutant?
Et encore : « Il faut le dire, les garçons sont plus dangereux au volant que les filles. Les compagnies d’assurances ne se gênent pas pour leur charger plus cher, alors pourquoi ne pas leur accorder… zéro point de démérite? À leur première erreur, ça serait fini, merci bonsoir. »
Gageons qu’encore là, les réactions à ces propositions varieront selon l’âge du répondant…