Comment la Smart a conquis l'Amérique
Début du nouveau millénaire, au siège social torontois de Mercedes Canada: Denis Bellemare, nouveau directeur régional pour l’est du pays, y remarque une Smart ForTwo: «Elle était belle, toute bleue… Je me suis dit qu’il nous la fallait!»
Il en parle à Marcus Breitschwerdt, qui venait tout juste d’entrer en fonction comme président de Mercedes Canada. Ce dernier se rappelle: «J’ai tout de suite eu le sentiment que la Smart était logique, pour le Canada. Les patrons d’Allemagne ont certes émis pas mal de doutes, mais nous voulions réellement tenter l’expérience et nous avons su les convaincre.»
Trois Smart ForTwo sont alors débarquées en sol canadien, dont une à Montréal. «J’ai profité de l’hiver pour la laisser geler plusieurs jours dans le banc de neige… et voir si son moteur diesel démarrait bien, raconte M. Bellemare. Lors des tempêtes, j’allais la promener dans les stationnements afin de mettre sa tenue de route à l’épreuve.»
Les tests-maison ont été concluants mais, surtout, les premières réactions ont été dithyrambiques. «Je me souviens de tous ces regards interrogatifs, dit encore M. Bellemare. Il y a des gens qui me suivaient jusqu’au concessionnaire, afin de savoir ce qu’était cette bibitte-là !»
Vous avez dit 1500 Smart?
Si on recule de cinq ou six ans, on se rappellera que l’environnement commençait tout juste à occuper une place importante au cœur des préoccupations : réchauffement planétaire, réduction de la consommation d’essence, diminution des émanations polluantes automobiles...
La Smart ne pouvait mieux tomber.
La cerise sur le gâteau a cependant été un appel de Transports Canada: «Le ministère avait procédé à des tests de collision avec la Smart et nous appelait pour nous dire qu’il avait été impressionné,» dit M. Bellemare.
Les conditions gagnantes, comme diraient l’autre, étaient réunies pour un débarquement de la micro-voiture sur notre continent.
Au départ, les États-Unis ont dit non à la Smart. Qu’à cela ne tienne, le Canada voulait aller de l’avant. L’Allemagne lui a cependant imposé un minimum de 1500 ventes sur trois ans, sans quoi le projet-pilote ne pouvait être mené.
Voilà qui a bien fait rigoler M. Bellemare: «Lorsque j’ai su que le prix de base allait être autour des 16 000$, j’ai tout de suite dit que je les prendrais toutes, les Smart, et que j’allais les vendre moi-même, juste au Québec!»
Le président Breitschwerdt s’est aussi montré optimiste. «Sur papier, on prévoyait vendre 3000 Smart sur trois ans pour l’ensemble du Canada – mais dans mes rêves les plus fous, je visais 6000 unités.»
On en a vendu 10 000…
Arrivée sur le marché à l’automne 2004, la Smart a fait encore mieux que les plus folles prédictions: à ce jour, plus de 10 000 acheteurs canadiens l’ont choisie. «Uniquement au Québec, nous en avons vendu 3000, dit M. Bellemare. Et nous en aurions vendu encore plus si nous en avions reçu davantage…»
Cette année, M. Bellemare compte écouler, au Québec, 4000 unités de la Smart de seconde génération. Celle-ci vient de délaisser sa motorisation diesel pour un moteur à essence et son prix de départ a été réduit à 14 900$ (moins l’éco-rabais de 2000$ offert par le gouvernement fédéral).
Et pas qu’en ville!
Le plus inattendu, dans toute cette aventure canadienne, c’est que la Smart, pourtant considérée comme une voiture urbaine, n’a pas été populaire uniquement au sein des grandes métropoles. «De fait, dit M. Breitschwerdt, nous vendons 70% de nos Smart dans ce que nous appelons nos régions rurales – à Chicoutimi et Kelona, par exemple.»
L’expérience a aussi permis de gonfler le trafic dans les salles de montre canadiennes de Mercedes. «Nous y voyons des clients qui n’auraient jamais considéré notre marque auparavant,» dit encore le président.
Ce dernier conclut en soulignant que le projet canadien en a été un très rassembleur: «Nous avons travaillé en équipe pour obtenir la Smart, nous nous sommes battus pour elle, et c’est l’une des plus belles expériences professionnelles de ma vie. Heureusement que ça a bien fonctionné, sinon je serais peut-être en train de vendre de la pizza!»