Cellulaire au volant interdit: pas demain la veille!
Vrai que pour bien faire, question sécurité routière, le cellulaire au volant devrait être interdit. « Mais ça serait de vivre dans un monde idéal », admet Jean-Marie De Koninck, président de la Table québécoise de la sécurité routière. Et comme le monde idéal n’est pas encore pour aujourd’hui…
L’interdiction complète du cellulaire au volant est sans doute l’idée la moins populaire que la Table québécoise ait eu à mijoter depuis sa création en 2005. Mais que l’on se rassure : ses membres n’ont pas l’intention de la recommander à la ministre Boulet. Du moins, pas dans le prochain rapport qui doit être déposé d’ici la fin de l’année. Trop d’obstacles jonchent une telle avenue.
Monsieur l’agent, je me parlais tout seul!
D’une part, le Québec fait déjà figure de précurseur en interdisant le cellulaire en main au volant. Seules deux autres provinces canadiennes en font tout autant : Terre-Neuve/Labrador depuis 2003 et la Nouvelle-Écosse, en même temps que le Québec depuis le 1er avril 2008.
L’Ontario emboîtera le pas à compter du 26 octobre et il est aussi dit que la Colombie-Britannique et l’Alberta pourraient bientôt faire de même.
Aussi, le cellulaire en main au volant, geste qui peut être établi sur le fait et qui est sanctionné au Québec par la Loi 42 (trois points d’inaptitude, 115$ d’amende), donne déjà pas mal de fil à retordre aux policiers.
Imaginez maintenant le casse-tête des agents, advenant une interdiction totale, qui auraient à déterminer si l’automobiliste discute par connexion Bluetooth ou s’il se parle seul à seul à bord de son véhicule…
« Texter » : 23 fois plus à risque
Le cellulaire a pris une telle ampleur en moins d’un quart de siècle qu’il est aujourd’hui très difficile de légiférer son utilisation au volant. « La technologie nous a rattrapés si vite qu’elle nous a pris par surprise, dit M. De Koninck. Pour bien faire, il aurait fallu l’interdire dès son apparition, alors qu’à peine 1% des gens possédaient un cellulaire. »
Mais à l’époque, c’est-à-dire au tournant des années 1980, le nombre de véhicules sur les routes du Québec était deux fois moindre qu’aujourd’hui.
Et surtout, les téléphones d’alors servaient uniquement à discourir. Pas à « texter », ni à consulter ses courriels, comme c’est désormais le cas. Car au-delà de la problématique sur la conversation téléphonique au volant, il y a cette autre utilisation des appareils qui, selon des études rapportées par M. De Koninck, augmente de 23 fois le risque d’être impliqué dans un accident de la route avec blessés.
Les risques croissent avec l’usage
Au lieu d’une réglementation impossible à faire respecter, sans doute faudra-t-il en arriver à de la sensibilisation sur les dangers.
Cette sensibilisation devra être mise en place, croit M. De Koninck, avec l’aide de l’industrie de la téléphonie, « un peu comme Éduc-Alcool le fait pour l’alcool au volant, dit-il. D’ailleurs, comment se fait-il que les fabricants de cellulaires ne nous mettent toujours pas en garde? »
Mais oui, à quand l’appareil portant l’inscription : « Danger : les risques d’accident croissent avec l’usage »?
Au lieu de quoi, Google y va d’une application « Sur votre mobile » qui permet de consulter cartes, routes d’évitement et points d’intérêt à même son téléphone…
« Texte, Maison, J’arrive… »
Reste que le gros bon sens de tous et chacun doit, d’abord et avant tout, être est appelé à la rescousse.
Les sources de distraction sont de plus en plus nombreuses à bord de nos véhicules. On n’a qu’à penser aux systèmes de navigation, d’information ou de divertissement, voire ces aides à la conduite qui envahissent les véhicules de luxe : avertisseurs d’angles morts et de dépassement de voies, régulateurs de vitesse intelligents… Un concert d’alertes visuelles et sonores vient très vite saturer l’habitacle.
S’il est dit que 80% des accidents de la route sont attribuables à des erreurs humaines, le cellulaire a l’avantage d’être une source de distraction qui peut être contrôlée – après tout, les boîtes vocales doivent bien servir à quelque chose, non?
Encore faut-il se discipliner et éviter, en autant que possible, l’utilisation du cellulaire au volant et ce, mains-libres ou pas (lire notre texte Cellulaire au volant : Vous n’êtes pas Superman).
Et patience : la technologie est sur le point d’être sauvée… par la technologie elle-même. En effet, nos outils de communication peuvent déjà être commandés, dans certains modèles automobiles, par des dispositifs de reconnaissance vocale. Bientôt, il nous suffira de lancer à voix haute : « Texte, Maison, J’arrive »…