Au nord du 60e parallèle en Smart
C'est pourquoi depuis plusieurs années, je passe une partie de la froide saison en Floride. Eh oui, Snowbird bien avant l'âge de la retraite...
Même si j'adore mon boulot, je me suis toujours promis que, de l'État des Oranges, il ne m'amènerait jamais au nord. D'accord pour des lancements de presse au sud, à l'est ou à l'ouest, mais jamais au nord, à l'exception du Salon de Détroit.
Mais voilà, j'ai dit 'oui' à la conduite d'une Smart au-delà du Cercle polaire.
Vous avez bien lu: une Smart au-delà du Cercle polaire...
Le projet est fou en soi, Smart-pas Smart. Il consiste à prendre la route à partir de Whitehorse, au Yukon, et à monter quelque 1300km vers le nord. Notre convoi de six Smart, 12 journalistes et une escouade de sécurité/secours de Mercedes roulera d'abord 530 km sur la Klondike Highway jusqu'à Dawson, aux frontières de l'Alaska. La petite ville où résident aujourd'hui à peine 1500 habitants a été, dans les années 1890, le théâtre de la Ruée vers l'Or.
Le second jour, si tout va bien, nous rejoindrons Inuvik, 775 km plus haut, dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous serons alors à moins d'une centaine de kilomètres de l'Océan Arctique.
Nous referons le chemin en sens inverse les deux jours suivants, pour un grand total de quatre journées passées sans onde cellulaire, sans radio satellite et sans aucune autre connectivité que celle de nos quatre pneumatiques sur les routes de neige et de glace.
Pour être bien honnête, j'avoue avoir douté de la présence de routes, par là-bas. Mais mon atlas ne ment pas: les plus lointaines localités canadiennes sont reliées par une autoroute - quand même! La Demptser Highway est d'ailleurs la seule autoroute au pays à traverser le Cercle polaire.
En été, la Dempster accueille les touristes en mal de débusquer la nature la plus sauvage de toute l'Amérique du Nord qui soit. Sauvage est le bon mot: si le Québec compte 4,8 habitants par km/carré (et l'Ontario, 11 ), les territoires nordiques canadiens en comptent... 0,06.
Je me doute bien que ce qui nous attend là-haut, en cette fin de janvier, c'est un désert tout blanc où les jours seront très courts - à peine quelques heures de lumière au quotidien. J'espère que nous pourrons admirer les fameuses aurores boréales.
D'ailleurs, paraît qu'Inuvik héberge un centre d'études sur ce phénomène lumineux et si nous avons un petit moment libre, entre deux tours de roues de Smart, je compte bien m'y arrêter. Une chose est sûre, on ne manquera pas de photographier l'église d'Inuvik - sans doute la plus étrange du monde, avec sa silhouette en igloo toute de blanc vêtue.
Mine de rien, Inuvik se trouve au-delà de la démarcation qui délimite le Cercle polaire; ce dernier se trouve au 66e parallèle, alors que la petite ville de 3500 habitants se situe au 68e parallèle. Là-bas, le mercure devrait osciller entre les -20 et... les -50 degrés Celsius. Pour la Floridienne temporaire que je suis, c'est tout un choc qui m'attend.
Mais m'attend aussi, dès Whitehorse, un "arctic kit": une entreprise locale se spécialisant dans la location de vêtements hivernaux m'a réservé des bottes Sorel -100 degrés Celsius et le parka le plus chaud en ville...
La Smart? J'aurais pensé qu'on lui modifierait quelques petites choses ici et là afin de l'adapter aux conditions extrêmes que nous ne manquerons pas d'affronter. Que non: on nous dit que la voiture reste telle qu'on la connaît. Tout au plus lui a-t-on donné à boire du liquide lave-glace de circonstances et, à chausser, de saprés bons pneus d'hiver.
J'ai bien hâte de voir comment la petite urbaine se débrouillera dans l'immensité blanche du presque Pôle Nord. Mais juste au cas où, faites une petite prière pour que la version qui nous soit décernée profite des sièges chauffants.
Personnellement, je n'en suis pas à ma première folie avec la Smart. Si vous êtes un lecteur assidû de ces pages, vous savez qu'elle a été au coeur d'un périple de 6000km (moyennant à peine 250$ de carburant diesel!) le long de la Côte Pacifique, en septembre 2005.
À l'époque, la petite deux places n'était pas encore vendue aux États-Unis et elle avait fait grande sensation sur Sunset Boulevard: "Où avez-vous caché l'autre moitié de votre véhicule?" nous avait-on lancé. Et encore: "Est-ce qu'elle a rétréci au lavage?"
L'été suivant à Athènes, j'avais eu l'occasion de voir de près la grande folie (une autre!) d'un Grec passionné de la conduite tout-terrain. En effet, Stefan Attart avait fait monter une Smart... sur des roues de tracteur. Avec sa plateforme d'Unimog et sa motorisation amendée en conséquence, la Smart ForFun avait tellement gagné en puissance qu'elle aurait pu, dit-on, remorquer une petite maison.
Et maintenant, le Cercle polaire... Je ne peux m'empêcher de penser qu'après avoir été ainsi jetée dans la fosse aux ours blancs, la Smart ne pourra nous impressionner... que si on allait la conduire sur la Lune. Dans 20 ans, peut-être?
En attendant, sachez qu'à l'heure précise où vous lisez ces lignes, je suis hors de toute zone cellulaire, quelque part entre Whitehorse, Dawson et Inuvik. Je vous donne donc rendez-vous dans cette même page lundi prochain, pour les détails (et les clichés!) croustillants de l'aventure. Priez pour que Mère Nature soit de notre côté et nous épargne de ses blizzards!