Affronter la tempête polaire à bord d'une Smart
Non seulement nous les avons menées en Arctique, nos Smart, mais nous en sommes revenus sains et saufs, après 2600km sans onde cellulaire, sans radio satellite (!) et dans la tempête polaire.
Il faut imaginer nos sept Smart rouler en convoi et vaillamment peiner contre les éléments.
La route est glacée et des flèches de neige s'y dessinent? Qu'à cela ne tienne: nos vitesses atteignent parfois 120km/h.
Jamais je n'aurais pensé faire rouler une Smart sur une patinoire enneigée. L'important, c'est de fermement tenir le volant et de ne pas avoir à freiner. Nous espérons apercevoir des caribous, mais prions pour les voir dans la plaine glacée plutôt qu'en travers de notre chemin...
Heureusement, la circulation est, comme qui dirait, des plus fluides. En deux heures de route, nous n'avons croisé... qu'un seul véhicule. Étonnement, et malgré leur nature de citadine, nos Smart gardent le cap. Le poids de nos valises (oui, oui, tout notre bagage y a tenu!) les font bien s'asseoir sur leurs roues motrices arrière. Aussi, leur direction est d'une bonne précision, nous menant au quart de tour là où on les pointe.
Nous utilisons régulièrement les commandes manuelles du passage des vitesse au volant. En plus de nous faire ralentir sans avoir à toucher les freins, elles font révolutionner le moteur et nous permettent, en montée, de tirer un peu plus de puissance de ce trois cylindres de 70 chevaux.
L'un des plus grands défis, pour nous conducteurs, est de ne pas rouler sur les flancs de la route. La neige compactée y kidnappe traîtreusement les roues, ce qui entraîne alors la voiture dans une série de 360 degrés incontrôlables. Deux Smart l'ont appris à leurs dépends et pour résumer la chose sans trop briser d'orgueils masculins, disons simplement que le visage des rescapés étaient pas mal blancs et que leurs genoux étaient pas mal mous.
On dit que la peur est bonne conseillère et l'adage s'est avéré pour nous: le groupe a unaniment décidé de ralentir le tempo. En dix ans de carrière de journalisme automobile, c'est bien la première fois que j'entends mes collègues demander à ce qu'on roule moins vite...
Notre autre grand défi est la visibilité: toujours réduite, elle devient tout à coup, sous la force du vent, complètement nulle. Jamais plus nous n'entendrons un bulletin de circulation parler de "visibilité réduite" sans nous souvenir de tous ces kilomètres parcourus au Cercle polaire, alors que le vent faisait s'élever la neige des congénères et que nous nous perdions dans le brouillard blanc laissé par la Smart qui roulait devant.
On le traverse, le Cercle arctique!
L'un des moments forts de notre aventure reste cet arrêt au 66e parallèle de la Terre, point qui marque l'entrée au Cercle polaire. La simplicité de l'endroit étonne: une affiche de bois, une table de pique-nique qui disparaît sous la neige et un stationnement désert, soudain envahi par sept Smart et leurs véhicules de sécurité. Pas de démarcation physique sur le terrain, uniquement des montagnes et des arbres. Et de la neige. Et du vent. À perte de vue. C'est magnifique.
Curieusement, le froid au Cercle arctique n'est pas aussi craquant qu'escompté. Tout au plus nos Smart ont enregistré un minimum de -23 degrés Celsius. Et -23 degrés secs, c'est nettement plus confortable que -10 degrés humides. Certes, ça donne du fil à retordre à nos portières, qui éprouvent de plus en plus de difficulté à se refermer.
Mais c'est là le seul problème que rencontrent nos voitures, outre quelques pare-brise étoilés par le gravier. Même les Smart qui ont malencontreusement visité des bancs de neige d'un peu trop près s'en tirent sans une égratignure, sauf un pare-choc amoché. Ça en dit long sur leur solidité.
La route est longue et ardue et pour tout dire, ce périple en petites Smart aux confins de l'Océan Arctique nous semble surréaliste. Encore plus lorsqu'un loup se jette littéralement devant nous et se mette à courir sur la route comme s'il avait le diable aux trousses. Ce qu'il pensait sûrement avoir, d'ailleurs. J'peux vous dire qu'un loup, c'est capable de courir à 55 km/h!
Nous parvenons à Inuvik après deux longs jours de route. Et dans ce village de 3500 habitants, nous sommes entrés par la porte d'en arrière, c'est-à-dire par la route de glace aménagée à même le delta de la MacKenzie. Avouez, ce n'est pas tous les jours qu'on peut se targuer de rouler sur des rivières...
Nos Smart n'ont subi aucune modification particulière pour vaincre ce Grand Nord, sauf l'installation de pneus d'hiver Continental et l'ajout de liquide lave-glace -49 degrés. De les voir ainsi galoper sur la Dempster glacée, on se dit qu'elles peuvent très bien affronter l'hiver québécois - mais elles n'aiment pas la neige trop épaisse, s'y retrouvant vite coincées.
Non plus, leurs éléments suspenseurs n'apprécient pas les cahots gelés, mais avec surprise, le petit habitacle ne nous a pas malmenés. Tout au plus nos honorables derrières commençaient, en fin de journée, à nous faire sentir qu'ils avaient besoin d'un peu de répit...
Les derniers kilomètres qui nous ramènent à Whitehorse, quatre jours après notre départ, nous voient nostalgiques. Personne ne savait vraiment dans quoi il s'embarquait en décidant de conduire des Smart jusqu'à Inuvik. Et mine de rien, de pouvoir y aller et, surtout, d'en revenir en un seul morceau, constitue tout une prouesse.
Nous digérons la chose, faisant le plein de ces sapins qui ploient sous la neige, de ces chaînes de montagnes aux pics élancés, de ce désert tout blanc qui nous fait pousser des "ho" et des "ha", même après 2600 kilomètres.
Nous profitons de ces derniers moments de calme, loin de toute connectivité cellulaire, pour tranquillement digérer ce que nous venons de vivre. Non mais, on a quand même traversé le Cercle polaire en Smart! D'ailleurs, cet exploit, le grand patron de Mercedes-Benz Canada nous a demandé de l'immortaliser... en poème.
Et alors que les kilomètres défilent sous nos calandres, nous nous surprenons à faire rimer "Arctique" avec... "Sympathique". Voici ce que nos talents littéraires ont pondu:
2600 km sans cellulaire, c'est pas si tant pire le calvaire
Smart pas Smart, le projet est fou en soi.
Traverser le cercle polaire relève de l'exploit,
et c'est encore pire dans une petite bibitte sans poids.
Si vous y ajoutez 12 journalistes à la tête de noix,
c'est la catastrophe qui vous attend au détour de la voie.
Mais catastrophe, il n'y aura pas,
car malgré la poudrerie, le vent et le froid,
nos Smart ont su se montrer le roi
de la Dempster qui n'en faisait qu'à sa loi.
Reste qu'après un p'tit moment d'effroi,
tous ont fait une profession de foi:
ralentir le tempo
et plutôt sauver notre peau.
En dix ans de boulot,
c'est bien la première fois
que j'entends ces rigolos
demander à ce qu'on y aille mollow.
Rouler 2600 kilomètres sans onde cellulaire,
sans radio satellite et dans la tempête polaire,
on aura pu croire que ça serait un calvaire.
Que non:
le désert blanc que nous traversons
suffit à lui seul à nous faire perdre la raison.
Les yeux ne s'en lassent pas,
de cette blanche taïga
et de ces grands pics tout blancs;
on se croirait presque en Himalaya.
C'est sans compter ce loup,
qui l'espace de quelques tours de roues,
a voulu nous faire le coup
du "Je suis bien plus vite que vous".
Qui aurait cru qu'en Arctique,
le mercure nous serait si sympathique?
Il faut dire qu'avec leurs sièges chauffants,
nos Smart nous laissent prendre du bon temps.
À tant rouler par monts et par vaux,
on aurait pu se plaindre de maux de dos.
Au contraire, nos voitures sont très confo
et ce... même pour les plus gros.
Tout au plus nos portières
nous font-elle un peu la guerre,
alors que des étoiles de verre
transfoment nos pare-brise en petite misère.
Jamais plus à la radio je n'entendrai
le mot "visibilité réduite" sans repenser
à cette combien folle randonnée
à 120km/h sur de la glace damée.
Smart a voulu nous impressionner
et de ne finir qu'avec un seul pare-choc amoché
nous fait dire que la prochaine grande épopée...
c'est sur la Lune qu'il faudra la mener.