4x4 au Québec: Pour les pieds droits sans orgueil
Les balades tout-terrain en forêt, ça ne date pas d’hier. Ça remonte même aux années 1960, avec la commercialisation des véhicules à quatre roues motrices, auparavant réservés à des usages militaires.
L’activité est bien ancrée dans les passions québécoises. Il y en a qui s’y adonnent depuis qu’ils sont tout jeunes, merci à leurs paternels qui leur ont transmis l’engouement. comme c’est le cas pour Pierre-Luc Fournier, trésorier de la Fédération des Clubs 4×4 du Québec.
Et il y a ceux (et celles!) qui ont découvert par eux-mêmes le loisir motorisé, que ce soit dans leur jeunesse ou sur le tard.
Mais pour ceux-là, la montagne peut sembler bien haute à escalader: quel véhicule choisir et comment l’équiper? Comment le conduire? Où aller? Quoi apporter?
Heureusement, le Québec foisonne d’une trentaine de clubs de 4×4 de tous genres, allant des “Chums de Trail” aux “Aventuriers 4×4”, en passant par les “Club Torq”, “Communauté MOD 4×4” et “Adrenaline”. Sans oublier les différents clubs régionaux de Jeep, Nissan ou Land Rover.
Faire renaître le terrain de jeu
Après deux saisons estivales, près des deux tiers de ces clubs sont membres de la toute nouvelle et toute jeune Fédération des Clubs 4×4 du Québec.
La Fédération des Clubs 4×4 du Québec est née… d’une catastrophe en devenir. C’est qu’on assistait au Québec, merci à l’étalement urbain et à la création de parcs régionaux, à la disparition graduelle mais très certaine des sentiers où les véhicules quatre roues motrices sont autorisés à rouler – ou, à tout le moins, tolérés.
Des fervents ont donc mis sur pied une association destinée à reprendre du territoire – et à redorer le blason de leur activité.
Au menu: de la sollicitation auprès des clubs afin d’obtenir leur support, de même que des rencontres et des ententes avec Ressources naturelles Québec pour un accès aux terres du domaine de l’État et ainsi développer un réseau hors route provincial incomparable.
Ça, c’est pour le travail de bureau, en semaine.
La fin de semaine? Les bénévoles de la Fédération sautent dans leur 4×4 et… se consacrent au défrichage d’anciens chemins forestiers depuis fort longtemps oubliés, au remplacement de leurs ponceaux détruits par les intempéries, bref à l’amélioration du moindre petit kilomètre de sentier qui leur redonnera du terrain de jeu.
Pour le moment, dans la Belle Province, des sentiers propices où il est légal d’y piloter son 4×4, il n’y en a pas des tonnes.
Certes, on peut grimper dans le Nord et prévoir plusieurs jours d’expédition. Mais pour l’escapade d’un jour aux environs de la métropole montréalais ou de la capitale provinciale… pffft. Tout au plus y a-t-il la “Jack Rabbit” dans le coin de Montcalm (nos photos), de même que quelques terres publiques à Labelle (au Nord de Tremblant) et à Saint-Donat (dans Lanaudière).
Qui plus est, ces pistes ne sont pas affichées et aucun répertoire n’a été publié. Pour l’heure, c’est le bon vieux bouche-à-oreille qui fonctionne.
Mais d’ici quelques semaines, la donne va changer: la Fédération travaille à une carte de sentiers (100$) qui recense d’abord une dizaine de kilomètres, dans les Laurentides.
Au fil des mois, d’autres régions du Québec s’ajouteront, avec un potentiel de développement de plusieurs centaines de kilomètres de pistes.
Camaraderie et entraide
Au-delà du mandat politique qu’elle s’est donné, la Fédération des Clubs 4×4 du Québec – et ses clubs membres – est la porte d’entrée pour ceux et celles qui veulent partager leur passion des chemins non battus.
Sachez que la pratique du hors-piste est souvent une affaire de… famille. Neuf fois sur dix, c’est certes l’homme qui se trouve au volant, mais très souvent, la conjointe, les enfants, voire le chien de la maisonnée se joignent également aux pérégrinations forestières.
Vous voulez être de ceux-là? On vous accueillera à bras ouverts dans l’un ou l’autre des clubs de 4×4 du Québec, où règnent une camaraderie et un sens de l’entraide qui n’ont pas d’égal, sauf peut-être dans la chambre des joueurs d’une ligue de hockey amateur.
Et encore…
Ça prend… un 4×4
Soyez donc tout heureux quand on vous inondera de conseils. Mais ne soyez pas intimidé par un vocabulaire qui, au départ, vous semblera être du chinois. Car pour bien démarrer une balade en off-road, ça ne vous prend qu’une chose: un véhicule 4×4.
Non pas un multisegment à traction intégrale, mais bien un véritable utilitaire avec boîte de transfert pour pouvoir engager le mode communément appelé de “p’tit boeuf”.
Qu’importe si la commande prend la forme d’une roulette ou du traditionnel second levier au plancher; l’important est de pouvoir démultiplier la force du moteur en situations désavantageuses.
Et la transmission, vous vous demandez: manuelle ou automatique? Deux écoles de pensée à ce sujet, puisque “les deux ont leurs avantages… et leurs inconvénients,” dit Pierre-Luc Fournier, de la Fédération des Clubs 4×4 du Québec.
Majoritairement, le débutant voudra choisir la boîte automatique, pour mieux se concentrer sur sa conduite, mais aussi pour rétrograder plus vite. La boîte manuelle plaît généralement aux fans finis, qui disent alors pouvoir choisir eux-mêmes le couple à appliquer aux roues et demeurer en contrôle du frein-moteur.
Vous faites des cauchemars à l’idée d’égratigner votre carrosserie sur une roche pointue ou une branche à la “Hé merde, ça ne passait pas, finalement…”? Optez pour un véhicule usagé.
Et sachez que dans la confrérie, on ne répare pas ça, des blessures de guerre subies hors des sentiers battus et gagnées à la sueur de son pied droit.
Même qu’on les aime et qu’elles deviennent partie intégrante de l’histoire du véhicule…
Mais encore
Vous avez les moyens d’un véhicule avec les différentiels arrière et même avant qui se verrouillent, comme pour le Jeep Rubicon? Parfait: vous vous tirerez d’affaire en quelques instants, là où d’autres pataugeront pendant plusieurs heures – et vous aurez l’air d’un vrai pro expérimenté.
Ceci dit, un 4×4 tout à fait de base vous permettra de vous amuser ferme pendant de nombreuses randonnées.
“J’ai fait mes cinq ou six premières années avec un Land Cruiser 1985 “stock” et j’ai eu du fun en masse”
- Pierre-Luc Fournier, de la Fédération des Clubs 4×4 du Québec
Évidemment, à des pneus citadins, vous préférerez des pneus qui mordent la boue et s’agrippent au roc comme si leur vie en dépend (de fait, leur vie en dépend).
Et sans doute voudrez-vous retirer les marche-pieds qui pourraient nuire lors de passages étroits entre deux arbres.
Au fil du temps, si la piqûre vous prend au point de vouloir affronter des sentiers “Diamant Noir”, vous voudrez rehausser la suspension et grossir la taille de vos pneus – les deux principales modification apportées aux utilitaires qui se destinent au plus profond des bois.
Sinon, pas grand-chose d’autre de requis en termes d’équipements pour les premières balades, mise à part une sangle de remorquage (à défaut de pouvoir compter sur un treuil) et peut-être un cric et une pelle.
Les différentiels qui se verrouillent, les radios satellites et les compresseurs portatifs pour re-gonfler les pneumatiques, une fois la virée terminée, ça viendra plus tard…
Quoi faire…
La première règle en tout-terrain: soyez toujours accompagné d’un autre 4×4. Et même d’un troisième.
“C’est une question de sécurité, dit Pierre-Luc Fournier. Un autre 4×4 peut vous remorquer d’un mauvais pas, mais si vous êtes vraiment mal pris, il sera celui qui regagnera la civilisation pour aller chercher de l’aide.”
Autrement dit, c’est votre police d’assurance sur quatre roues (motrices, elle aussi).
La règle numéro deux: ne planifiez rien d’autre pour cette journée-là. Vous prévoyez terminer l’activité par un bon souper au resto où vous avez donné rendez-vous à des amis?
Tut-tut-tut: Tous les “4×4-eux” savent à quelle heure ils entrent dans les bois, mais ils ne savent jamais à quelle heure ils en ressortiront.
Et c’est si vite arrivé, une crevaison qui force le montage du pneu de secours; un arbre tombé qui empêche le passage; une ondée qui transforme le terrain en champ de boue…
C’est pourquoi vous voudrez prévoir des vêtements de rechange, ainsi que de quoi vous désaltérer et vous sustenter “au cas où”. “Je prévois toujours un ou deux repas de plus, histoire de faire face à n’importe quel pépin,” dit Pierre-Luc Fournier.
Ne comptez pas sur votre cellulaire pour aviser quelqu’un de votre retard (ou pour mettre votre statut Facebook à jour…): les ondes cellulaires ne rejoignent généralement pas là où vous vous baladez en hors-piste…
Et vous savez quoi? C’est bien tant mieux.
… et quoi ne pas faire
La Fédération des Clubs 4×4 du Québec encourage une conduite hors-piste sécuritaire et respectueuse, tant de l’environnement que des autres qui le partagent avec eux.
Voici, en quelques points, ses principales recommandations:
- On est au volant, on aura à prendre des décisions cruciales, donc pas d’alcool, ni de drogue;
- On ramasse ses déchets;
- On ne roule pas un véhicule en mauvais état qui laisse couler ses fluides dans la nature;
- On laisse le moins de traces possibles. Ça ne passe pas? On ne détruit pas la piste en “zigonnant” indéfiniment avec l’accélérateur; on tente de passer ailleurs.
- On laisse sa fierté à la maison; les conducteurs de off-road qui ont l’orgueil dans le pied droit ne font jamais long feu…
Pour obtenir des conseils de conduite hors route, n’hésitez pas à joindre un club. Leurs membres se feront un plaisir de vous initier à l’ABC du dosage de la vitesse, à l’importance de bien analyser le terrain avant de l’affronter, à la prévention des dévers (il faut tourner les roues vers le bas de la pente, vers là où ça veut verser) et quoi encore.
Au delà de l’apprentissage des bonnes techniques, vous vous ferez des amis, découvrirez de nouveaux sentiers et profiterez de la nature, tout en relevant des défis. Bref, “toutes les raisons qui font que j’apprécie tant le hors-route”, conclut Pierre-Luc Fournier.