2007: la plupart des diesel bannis du marché

Dossiers
samedi, 24 mars 2007
À moins d’investir 48 000$ dans l'achat d'un Jeep Grand Cherokee, voire 60 000$ dans l’achat d’une Mercedes-Benz, les Canadiens ne peuvent cette année acquérir une voiture ou un utilitaire 2007 à motorisation diesel. Nouvelles normes environnementales oblige, la plupart des moteurs diesel sont temporairement bannis du marché – à commencer par ceux de Volkswagen.

Environnement Canada, de concert avec l’américaine Environmental Protection Agency, exige depuis l’année-modèle 20007 que tous les nouveaux véhicules émettent encore moins de polluants (voir explications ci-dessous)**.

Pour l’heure, aucun moteur diesel ne rencontre ces normes, exception faite des moteurs BlueTec de Mercedes-Benz.

Les seuls modèles diesel autorisés à la vente en 2007 sont donc des Mercedes-Benz – le moins dispendieux, l’utilitaire ML320, demande au minimum 59 800$. Aussi, un moteur BlueTec équipe nouvellement le Jeep Grand Cherokee, pour un prix d’étiquette de 48 750$.

Autrement, la 2e génération de la petite urbaine Smart, qui nous arrive en fin d’année, délaisse sa mécanique diesel pour un moteur à essence. Et le Jeep Liberty diesel n’est plus offert depuis l’an dernier.

Surtout, Volkswagen, le plus important distributeur de véhicules diesel au Canada (12 631 unités l’an dernier, soit le tiers de toutes ses ventes au pays), n’offre aucun modèle diesel (TDI) 2007.

Les acheteurs peuvent toujours se rabattre sur des modèles 2006 fabriqués en excédent, mais seulement pour quelques semaines encore. « Afin de contrer la situation, nous avons commandé une surproduction de TDI 2006, explique John White, vice-président directeur Volkswagen Canada. Nous devrions pouvoir compter sur des berlines Jetta jusqu’en juin, mais les quelque Golf et Jetta familiales qui nous restent seront écoulées d’ici la fin mars. »

Il faudra attendre près d’un an avant que ne débarquent des Volkswagen TDI conformes aux normes environnementales. « Le premier modèle, la Jetta, nous arrivera au printemps 2008, dit M. White. Il sera suivi en fin d’année par l’utilitaire Touareg. Nous n’avons cependant aucune confirmation quant aux autres modèles, tels la Passat ou la Rabbit. »

Catastrophe?

Une catastrophe pour Volkswagen, que cette année 2007 sans diesel? « Non, assure M. White. Ce n’est certes pas l’idéal, mais nous avons prévu le coup en lançant l’automne dernier les Jetta City et Golf City (à essence). Ces véhicules d’entrée de gamme compenseront pour les volumes perdus – nous anticipons même une croissance de 10% cette année. »

De fait, l’an dernier, les ventes de Volkswagen ont cru au Québec de 19%. Cette première hausse québécoise depuis 2002 pour le constructeur allemand, M. White l’attribue à la popularité des modèles City. Il admet toutefois que sans l’apport diesel, la compagnie ne pourra franchir la barre des 40 000 unités annuelles vendues au pays – une marque qu’il n’a pas atteinte depuis quatre ans.

Solution intérimaire

En offrant des TDI 2006, Volkswagen se dote d’une solution intérimaire, estime George Iny, président de l’Association pour la protection des automobilistes (APA). « C’est mieux que de ne rien avoir, » dit-il.

Mais est-ce que les acheteurs de diesel rechignent à se doter d’un modèle de fin de production? «Non», soutient Norman Hébert, président du groupe Park Avenue qui réunit plusieurs bannières automobiles, dont celle de Volkswagen.

« Les propriétaires de modèles diesel conservent longtemps leur véhicule et/ou leur font faire beaucoup de route, dit l’homme d’affaires de la Rive-Sud de Montréal. En bout de ligne, la dépréciation entre un modèle 2006 et un modèle 2007 ne sera pas très grande. »

Pire en région

Au Québec l’an dernier, 30% des ventes de Volkswagen ont été des modèles diesel (3095 véhicules TDI). Cette année, croit George Iny de l’APA, les concessionnaires Volkswagen établis en région seront davantage touchés par la pénurie de TDI que ceux installés en milieux urbains.

Ainsi, Gilles Pagé, directeur des ventes chez Automobiles Lauzon à Blainville, rapporte que « la demande diesel ne représente chez nous que deux véhicules sur dix. » Au contraire, à Joliette, le concessionnaire Volkswagen livre 60% de ses véhicules en propulsion diesel.

« En apprenant l’absence de TDI 2007, j’admets avoir paniqué, dit Louis-Philippe Lewis, directeur des ventes chez Joliette Volkswagen. Il faut dire que l’année précédente, lorsque le prix de l’essence a grimpé à 1,45$ le litre, j’ai vendu 25 TDI en moins de deux semaines… pour ensuite en manquer pendant trois mois. »

M. Lewis espère que le scénario ne se répétera pas cet été. Sinon : « On va paniquer autant que les clients vont paniquer. »

Vers l’hybride?

L’onde de choc pourrait cependant ne pas être trop marquée chez les actuels propriétaires de véhicules diesel. « Les automobilistes sont très fidèles à leurs véhicules diesel, soutient Chantal Lauzé, directrice des ventes chez Volkswagen Saint-Jérôme. Plusieurs attendront donc le nouveau moteur, qui sera d’ailleurs plus performant. »

Là ou l’absence de TDI 2007 fera le plus mal à Volkswagen, croit George Iny, c’est auprès d’une nouvelle clientèle qui, advenant une autre hausse des prix de l’essence cet été, se tournera vers autre chose. « Elle pourra envisager la technologie hybride, dit-il. Après tout, la Honda Civic Hybrid est moins dispendieuse que la Jetta diesel – et beaucoup plus fiable. »

À ce, Norman Hébert, du groupe Park Avenue, répond du tac au tac : « Pas de problème, nous en vendons aussi, des Honda Civic Hybrid! »


** Les véhicules les plus éco-énergétiques temporairement bannis du marché
    
En vertu du Règlement sur les émissions des véhicules routiers et de leurs moteurs d’Environnement Canada, règlement qui s’aligne sur les standards de l’américaine Environmental Protection Agency, tous les véhicules d’année-modèle 2007 (et subséquentes) doivent émettre encore moins de polluants.

Environnement Canada considère cinq polluants qui jaillissent des tuyaux d’échappement : l’oxyde d’azote (NOx), les hydrocarbures, le monoxyde de carbone, les particules et le formaldéhyde. « Tous sont des gaz qui contribuent à la pollution atmosphérique ou, si vous voulez, au smog, » dit Ed Crupi, chef de groupe pour l’élaboration des règlements.

Plus que tout autre carburant, le diesel est reconnu pour émettre de l’oxyde d’azote et des particules. Pour 2007, la limite de ces polluants a été resserrée –  du tiers pour le premier, du quart pour le second. Tous les véhicules sont concernés, à motorisation diesel ou non, à l’exception des camionnette à grande capacité (heavy-duty), qui bénéficient d’une période de transition jusqu’en 2009.

La plupart des moteurs diesel actuellement sur le marché émettent davantage que les limites désormais permises (0,01242 g/km pour le Nox et 0,001242 g/km pour les particules). Les constructeurs automobiles doivent donc retourner à leur table à dessin et concocter des dispositifs qui traitent ces émissions polluantes à leur sortie.

Ainsi, le futur moteur TDI de Volkswagen promet un catalyseur de stockage d’oxyde d’azote et un filtre à particules intégré au système d’échappement.

Ironiquement, les véhicules diesel sont notoires pour leur économie d’essence. À quantité égale de carburant, ils parcourent 30% plus de distance qu’une voiture à essence, davantage lorsque les conditions sont idéales.

L’année 2007 passera donc à l’histoire automobile comme celle où l’Amérique du Nord a proscrit les Volkswagen TDI et leur petite consommation moyenne de 5,8L/100km… mais a gardé en catalogue les gourmands moteurs à essence V8.


Saviez-vous que...

... au Québec, l’an dernier, lorsqu’un modèle Volkswagen s’offrait avec la motorisation diesel et celle à essence, 40% des acheteurs ont préféré la première.

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