Genève 2014: la toute jeune compagnie NanoFlowCell a dévoilé en grande primeur mondiale son prototype de Quant e-limousine.
Soit, merci à des batteries à flot continu: une voiture qui roule à l’eau de mer.
Du coup, les réseaux sociaux se sont enflammés, soit pour retweeter ce que l’on considérait comme l’innovation de l’heure, soit pour décrier que pareille technologie n’était que… vapeur d’eau.
Salée ou pas.
Genève 2015: NanoFlowcell persiste et signe, cette fois non pas avec un, mais bien deux prototypes. Le premier, le Quant F, est le digne successeur de la berline Quant e-limousine présentée l’an dernier.
À son sujet, lisez le reportage de Luc Gagné sur les prouesses de cette Quant F: 800 kilomètres d’autonomie en zéro émissions, puissance de 1090 chevaux et vitesse maximale de 300 km/h.
Le second prototype, qui vient d’être présenté à la presse mondiale cette semaine, semble plus intéressant encore: le Quantino Concept est le «bébé» de la famille Quant et affirme, lui aussi, pouvoir carburer à…
… oups! Cette fois, on ne parle plus d’eau de mer, mais plutôt de «fluides ioniques».
À peine plus longue qu’une voiture sous-compacte, avec ses 3,91 mètres, la sportive 2+2 places promet une autonomie «aqueuse» de près de 1000 kilomètres, une puissance de 136 chevaux et une vitesse maximale de 200 km/h.
Révolution ou arnaque?
Les percées, les «premières de l’industrie» et les «du jamais vu» se livrent une féroce bataille dans les discours tenus par Nunzio LaVecchia, chef de la direction technique chez NanoFlowCell:
- la technologie implique deux réservoirs de liquides, l’un de charge positive et l’autre de charge négative, question de produire une propulsion électro-chimique jusqu’à cinq fois plus grande versus n’importe quelles batteries conventionnelles;
- la Quantino exhibe la tension d’un kart de golf (48 volts), la plus basse jamais accordée, dit-on, à une voiture de tourisme;
- qui dit eau et basse tension… dit véhicule qui ne risque guère de prendre feu au fond d’un garage résidentiel ou au beau milieu de la route. Voilà un très vilain pied de nez aux Tesla de ce monde…
«Vaporcar»…
Mais trop, c’est comme pas assez. Et quand c’est trop beau pour être vrai, c’est généralement que ça l’est.
D’ailleurs, les ingénieurs et autres experts ne mâchent pas leurs mots, quant il s’agit d’exposer leur scepticisme. Les critiques les plus virulentes, on peut cependant les lire – sans surprise – sur le forum public de Tesla.
Elles vont du «monstre impraticable» aux «histoires de ma grand-mère», en passant par le «vaporcar» et – notre préférée: le «détecteur de conneries qui se met en marche si souvent qu’il aura besoin de nouvelles batteries.»
Jouer avec les mots
Surtout, personne n’a encore pu expérimenter – ou même vérifier – la technologie derrière les prétentions de cette voiture qui roule à l’eau salée.
Certes, NanoFlowcell affirme avoir obtenu les autorisations nécessaires, l’été dernier, pour tester la Quant e-limousine sur les routes européennes – ce qu’elle n’a d’ailleurs toujours pas fait.
En réalité, aucune autorisation n’a été délivrée par quelque autorité gouvernementale que ce soit.
Plutôt, une compagnie allemande privée a mis au point une certification pour aider les entreprises à «démontrer la sécurité et la performance système de stockage d’énergie». Mais pareille annonce a été faite sans jamais prononcer les mots Quant e-limousine, encore moins NanoFlowcell.
Docteur, musicien ou… fraudeur?
De fait, il suffit d’une petite virée dans Internet pour découvrir que l’artisan derrière toutes ces promesses, l’Italien Nunzio La Vecchia qui vit aujourd’hui en Suisse, n’est pas blanc comme neige.
D’abord, nul ne sait de quelle institution ou université il détient son doctorat de physique. Et il y a cinq ans, l’homme au look d’Elvis Presley (il se dit aussi chanteur et guitariste) ne discourait pas de batteries à flot continu, mais plutôt d’énergie solaire.
La suédoise Koenigsegg s’était d’ailleurs associée à son entreprise, NLV Solar, afin de dévoiler un premier prototype de Quant à énergie solaire – ce qui fut fait au salon de Genève en 2009.
Mais l’association entre les deux parties aura été de courte durée – moins d’un an. Nul ne sait vraiment en quels termes l’entente s’est terminée, mais une chose est sûre: le site Internet de NLV ne mène plus nulle part.
Besoin d’un autre «détail»? Il y a deux ans, un tribunal suisse a condamné LaVecchia pour avoir fraudé une riche héritière (alors décédée), lui ordonnant de rembourser à ses descendants les 44 millions de francs (56,3$ millions canadiens) dont il l’avait flouée.
Bref, vous comprenez qu’on a là une technologie plus près de… l’évaporation que de la concrétisation.