Sur la trace des maharajas

Blog Live
samedi, 21 novembre 2009
Maharajas par-ci, maharajas par là... On se croirait plongés dans les contes des Mille et Une Nuits. Le Fort Mehrangarh nous est particulièrement spectaculaire, juché sur un piton rocheux haut de 125 mètres et surplombant Jodhpur, la Ville Bleue.

On dit du Fort Mehrangarh qu'il est la plus majestueuse des forteresses de tout le Rajasthan, la région que nous visitons. Et je ne serais pas étonnée qu'il s'agisse aussi des plus spectaculaires remparts de toute l'Inde... Alors que nous traversons des salles d'apparat et des cours ensoleillées, que nous grimpons des escaliers en colimaçon et que nous nous penchons à de vertigineuses balustrades, nous nous émerveillons de tout ce travail d'artiste qui a transformé la pierre de grès rouge en une multitude d'objets d'art architecturaux. Jamais a-t-on vu autant de détails sculptés réunis en un seul endroit.

La forteresse a été commandée en 1459 par Rao Jodha, prince bathore du Marwar. Les Marwar étaient de fins entrepreneurs, nous dit-on, et à l'époque, Jodhpur était sise sur la Route des Caravanes. Des siècles plus tard, le sens du "business" se ressent encore dans toute la ville, ne serait-ce parce qu'il n'y règne pas l'anarchie rencontrée ailleurs. Les rues sont propres et la circulation, fluide malgré les vaches et les touk-touk. Surtout, la couleur indigo qui pare les murs dans la vieille ville est régulièrement rafraîchie, pour le plus grand bonheur de l'oeil.

On nous dit des maharajas qu'ils collectionnaient femmes et concubines. Les couples croyaient malgré tout qu'ils devaient rester unis pendant... sept vies. Lorsque l'époux précédait sa femme dans la mort, cette dernière perdait tout statut social et devait alors se jeter dans le bûcher. Voilà qui lui permettait de se réincarner en même temps que son disparu et de le suivre dans l'au-delà. Une telle pratique n'a plus cours aujourd'hui, soutient notre Guide du Jour devant le Jaswant Thada. Ce mausolée de marbre (un autre!) honore le maharaja Jaswant Singh qui, malgré une courte vie (1878-1895), a doté d'eau ses terres arides grâce à un ingénieux système d'irrigation.

Jodhpur peut se vanter de détenir l'un des plus luxueux hôtels de toute l'Inde. Le Umaid Bhavan Palace est un immense palais de marbre et de grès que le maharaja Umaid Singh fit ériger dès 1929 afin de donner du travail à son peuple criant famine. On doit l'alliance des styles rajpoute, jaïn et art déco au même architecte Lanchester qui a dessiné les plans du hall central au Palais de Westminter, à Londres.

Il a fallu 15 ans pour construire les 347 pièces du Umaid Bhavan Palace, y compris deux théâtres, huit salles à manger et plusieurs grands salons de réception. Depuis, le tiers du palais a été tranformé en hôtel (la nuitée débute à 500 Euros...). L'autre tiers est aménagé en musée que nous visitons, alors que la dernière aile est réservée au petit-fils d'Umaid, qui y vit encore aujourd'hui avec sa famille. Imaginez: à peine cinq personnes dans toute cette immensité architecturale...

Nous terminons notre visite de Jodhpur par un tour au marché. C'est l'heure de pointe et la pollution est à son comble. De quoi se dire que Kyoto n'a aucune chance si l'Inde ne se met pas, elle aussi, de la partie! L'achalandage du boulevard qui mène au bazar n'a d'égal que celui des étals poussiéreux où l'on trouve de tout: des vêtements, des casseroles, de vieux téléviseurs de toute évidence en panne, et Dieu sait quoi encore.

Dans la cohue, le groupe se serre les coudes pour ne pas se perdre de vue. Certains sortent un mouchoir pour se protéger des odeurs et du smog persistant. Les yeux ne peuvent pas tout voir, mais personne ne rate l'homme handicapé qui doit rouler sur le sol pour se déplacer. Entre chaque roulade, il pousse un bol argenté dans lequel il nous invite à déposer quelques roupies. Les bourses se délient et il est à la fois difficile de regarder... et de ne pas regarder.

Plus loin, ces sont des Indiennes vêtues de saris haut en couleurs qui détonnent dans toute cette poussière. Et là, tout près, c'est un troupeau d'ânes que la gardienne tente de rappeler à l'ordre parce qu'il a failli nous faire du rentre-dedans. Les enfants va-nu-pieds aux tignasses pouilleuses nous quémandent des crayons (!) et quelques rares femmes portant la burka nous reluquent de sous leur prison noire. À chaque instant, un touk-touk nous frôle, une motocyclette nous coupe la voie, une vache nous bloque le chemin.

Partout, les odeurs, la saleté, la cacophonie et la foule nous agressent. J'ai vécu Dakar, Port-au-Prince, Marrakech, Tokyo, Pékin et Shanghaï, mais jamais, au grand jamais je n'ai vu un tel concentré en dix volumes de tout ce qui se fait de pire. L'expérience est fabuleuse. Mais Dieu que la douche chaude sera la bienvenue!

Notre Vedette du Jour est Andrew: le plus jeune de notre groupe a eu l'intelligence (ou serait-ce une simple coïncidence?) de revêtir un chandail bleu afin de souligner l'indigo de Jodhpur. Aussi, nous lui offrons nos félicitations parce qu'il a eu le courage de monter à bord d'un touk-touk pour rentrer à l'hôtel!

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