Ces occasions qui viennent d'ailleurs: attention aux voitures inondées!
Le véhicule d’occasion que vous reluquez n’a l’air de rien d’autre que d’une bonne… occasion. Il est assez récent, n’a pas beaucoup roulé, son prix est intéressant et comme il vient du Texas et qu’il n’a jamais connu l’hiver, vous vous dites que c’est là une bien bonne affaire.
Attention! Avec la tempête Harvey qui a entraîné au Texas des inondations telles que celles connues par la Louisiane lors de l’ouragan Katrina il y a une décennie, de nombreux véhicules viendront – excusez le jeu de mot: inonder le marché nord-américain de l’automobile usagée.
Car comme à chaque catastrophe naturelle du genre, de nombreux automobilistes qui n’auront pas opté pour la couverture d’assurance complète seront aux prises avec une épave sur quatre roues. Et plusieurs d’entre eux tenteront de s’en débarrasser subrepticement par les petites annonces classées.
Malheureusement, ils réussiront. Car comme l’explique Jesse Caron, expert automobile chez CAA-Québec, les dommages causés aux véhicules qui se sont pris pour des bateaux, même l’espace d’un court instant, sont invisibles. Ce qui ne les empêche pas d’être sournois et dangereux: «Même si elle démarre toujours, une voiture inondée peut être fortement endommagée et elle risque de se comporter de façon erratique, voire dangereuse, plus tôt que tard,» dit M. Caron.
Cela dit, les problèmes ne se manifestent pas toujours dans l’immédiat. Et justement, dit George Iny, président de l’Association canadienne pour la protection des automobilistes (APA): «Le hic avec les véhicules inondés, c’est que les problèmes sont intermittents, donc difficiles à diagnostiquer et à réparer. Qui plus est, ils ne surviennent pas tous en même temps: problèmes électriques et électroniques, puis corrosion et moisissures… Lorsque, finalement, on réalise ce à quoi on a affaire, il est généralement trop tard pour obtenir quelque recours que ce soit.»
Certes, depuis que Katrina a frappé la Nouvelle-Orléans en 2005 et, par conséquent, le marché de l’automobile d’occasion, les règles gouvernementales ne sont resserrées d’un bout à l’autre du continent. À commencer par les pratiques de divulgation aux (et par les) assureurs, qui sont devenues plus sévères.
Reste qu’il y a toujours des mailles dans un filet qui s’étire d’un état américain à l’autre… et jusqu’à nos provinces. Comment éviter les pièges? Nous avons pour vous ces quelques conseils.
#1 L’inspection: un must!
Si tous les acheteurs de véhicules usagés prenaient la peine de payer pour une pré-inspection effectuée chez un garagiste de confiance, telle que recommandée par les spécialistes de l’automobile, il n’y aurait jamais de véhicules inondés, ici ou ailleurs, vendus comme s’ils n’avaient jamais connu l’ondée.
On ne le répétera jamais assez: l’inspection mécanique effectuée par un garagiste indépendant (ou un centre technique de CAA-Québec) est primordiale. Moyennant de 50$ à 150$, cette opération vous dévoilera la plupart des vices cachés: compteurs reculés, réparations plus importantes que prévu, véhicules accidentés, reconstruits ou… inondés.
Notez qu’une bonne inspection passe par une vérification de la carrosserie, une évaluation des systèmes électriques, l’analyse de la performance du moteur par ordinateur et… un essai routier.
#2 L’essai routier: un autre indispensable
Justement, l’essai routier est l’autre indispensable dans votre processus d’achat d’occasion. Et ne soyez pas gênés de le solliciter; passer outre revient à se marier… sans avoir au préalable rencontré votre partenaire de vie. (!)
Idéalement, votre essai s’effectuera sur un parcours varié: route, autoroute et ville. Essayez de rouler dans un environnement qui vous est familier, ce qui vous permettra de vous concentrer sur le comportement de la voiture, non sur la signalisation routière.
Soyez attentif aux bruits et aux odeurs de la voiture essayée, question de déceler ce qui pourrait clocher.
Elle vous fait peut-être bien envie, cette voiture, mais soyez-en très critique pendant qu’il est encore temps, c’est à dire avant de l’acheter: la tenue de route est-elle stable? Les accessoires fonctionnent-ils correctement? Les rapports de transmission se passent-ils sans anicroche? Est-ce que… l’habitacle sent l’humidité?
#3 L’historique… dans une moindre mesure
Obtenir les factures d’entretien et de réparations est une bien bonne chose lorsqu’on achète usagé, mais rien ne vous dira, dans ces documents, si le véhicule a été inondé.
À ce sujet, l’historique que vous obtiendrez pour une cinquantaine de dollars auprès de Carproof ou des autres firmes du genre peuvent davantage vous aider. Vous aurez ainsi le coeur net quant à la provenance du véhicule, mais aussi quant à ses différents propriétaires avec, en prime, son journal d’entretien. S’il y a lieu, les informations vous seront livrées sur les accidents rapportés par la police, l’estimation des dommages, les déclarations de vol, de reconstruction, voire le dossier d’importation.
Cela dit, pareil historique n’est pas une assurance à toute épreuve et est donc à prendre avec un grain de sel. «Ne vous y fiez pas à 100%, dit Jean-François Cavanagh, avocat spécialisé dans le droit automobile. Après tout, il ne s’agit que d’une compilation des données d’immatriculation et des regroupements d’assureurs; il peut y avoir des erreurs.»
Ou des informations capitales qui brillent par leur absence, parce qu’elles n’ont pas été divulguées…
#4 Faut-il vraiment qu’elle vienne d’ailleurs?
Faire l’acquisition d’une voiture usagée et s’en tirer à bon compte demande plus de temps et d’énergie que ce que la majorité des acheteurs croient. Il faut jouer à Colombo pour déterrer le vrai du faux – et c’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’un véhicule provenant de l’extérieur de nos frontières.
Pourquoi? Parce qu’une bonne partie des occases qui entrent au Canada sont tout juste bonnes pour la casse. En effet, des automobiles accidentées sont importées au pays en prétextant l’utilisation de leurs pièces, mais merci aux dédales administratifs qui ouvrent la porte aux blanchiment des titres, certaines se retrouvent néanmoins sur nos routes, retapées tant bien que mal.
Et trop souvent, plus mal que bien.
Certes, le Registraire des véhicules importés du Canada considère les véhicules portant un statut de «salvage/flood» ou de «water damage» comme irrécupérables et, donc, ces véhicules ne peuvent être immatriculés. Ils ne peuvent être importés au pays de la Feuille d’érable que pour leurs pièces ou la ferraille.
Mais encore faut-il qu’ils aient été officiellement déclarés perte totale dans l’état américain d’où ils viennent…
#5 Chez nous, c’est perte totale…
Justement, CAA rapporte qu’au Québec, les assureurs déclarent rapidement perte totale les véhicules inondés, que l’eau n’ait fait qu’effleurer leur plancher ou les ait engloutis.
Encore une fois, l’expert automobile Jesse Caron explique pourquoi: «Les voitures modernes dépendent largement de composantes électroniques et d’ordinateurs, souvent reliés entre eux, et qui sont vulnérables aux infiltrations d’eau. D’ailleurs, quand on pense que le mélange air-essence, l’injection, la transmission et l’allumage des cylindres, par exemple, dépendent de l’électronique, il n’y a pas de risque à prendre: un véhicule immergé au-dessus du plancher est donc bon pour la casse.»
Et lorsqu’un véhicule est déclaré perte totale pour cause d’inondation, la SAAQ n’acceptera plus jamais qu’il soit immatriculé et reprenne la route: le statut «irrécupérable» s’affichera à son dossier. Pour toujours.