Un peu de contexte, d’abord. Sur la route de l’économie d’essence, bon nombre de constructeurs automobiles (surtout japonais) investissent des milliards de dollars dans le développement d’hybrides.

Mais Mazda a – encore – voulu faire les choses différemment. Encore? Rappelez-vous les moteurs rotatifs…

Que voulez-vous Mazda n’a pas le million de dollar à l’heure que Toyota dépense pour le seul chapitre de la recherche en technologies “vertes”.

Mazda doit donc faire les choses différemment – ou, diront certains, il lui faut faire plus avec moins.

Faire plus avec moins

Et cette fois, chez Mazda, la différence a pris la forme de la technologie Skyactiv.

On pourrait vous abreuver de détails techniques sur la chose – et de fait, si vous en voulez, lisez ceci.

L’important, dans le cas qui nous concerne, c’est qu’avec sa philosophie Skyactiv, Mazda s’apprêtait à faire débarquer en Amérique du Nord un moteur turbodiesel révolutionnaire.

Révolutionnaire comment? Rien de moins qu’avec le taux de compression le plus bas du monde pour un moteur diesel, soit à 14:1, alors que la moyenne tourne autour des 17:1.

Toutefois, il semble que la révolution… devra patienter encore un peu.

Des préliminaires qui promettaient

La première itération sur notre continent du moteur Skyactiv-D (D pour… diesel, évidemment) doit se glisser sous le capot de la berline intermédiaire Mazda6 et ce, sous la forme d’un quatre cylindres turbocompressé de 2,2 litres.

Au menu: une puissance de 173 chevaux et, ce qui compte surtout chez les moteurs diesel, un imposant couple de 310 lb-pi.

Nous avions pu faire l’essai routier, à Vancouver à l’été 2011 (nos photos), d’un prototype débarqué du Japon et équipé d’une version préliminaire de cet organe mécanique. Nous n’avions alors que des éloges pour sa vigueur et sa douceur. Oui, oui, sa douceur!

Nous étions donc fin prêts à faire valoir qu’avec l’arrivée prévue cet été de la Mazda6 Skyactiv-D, il s’agissait là de l’une des (trop) rares voitures de non-luxe à moteur diesel du marché.

En effet, outre Volkswagen, un vétéran en la matière, on ne peut nommer qu’un seul autre constructeur d’entrée de gamme qui propose (tout nouvellement) une motorisation diesel – et c’est Chevrolet, avec sa Chevrolet Cruze diesel.

Vous noterez d’ailleurs que Mazda est actuellement le seul constructeur japonais à tenter le coup “diesel” sur notre continent.

Sans urée, s’il vous plaît!

Alors, comment expliquer que la Mazda6 Skyactiv-D retarde de presque dix mois son débarquement sur notre continent?

Mazda invoque des longueurs dans le processus “pour composer avec les tests finaux et de certification des émissions”.

Et vrai que de ce côté-ci de l’Atlantique, les normes à respecter sont jusqu’à trois fois plus sévères qu’en Europe à l’égard des émissions d’oxyde d’azote (NOx, ce gaz à effet de serre et responsable du smog).

Du coup, cela pénalise les moteurs diesel qui en sont les principaux émetteurs.

Certes, ceux de petite cylindrée peuvent toujours s’en tirer avec des filtres à particules.

Mais ceux dont la cylindrée dépasse les 2,0 litres doivent recourir à des traitements à l’échappement, comme la réduction catalytique sélective (SCR) par injection d’urée (qui transforme l’oxyde d’azote en vapeurs inoffensives.

L’injection d’urée, Mazda voulait à tout prix éviter.

Parce que d’être parvenue au plus petit taux de compression au monde a justement, pour la compagnie, l’avantage d’éviter de tels coûteux et complexes systèmes de traitement des émissions.

“Nous sommes bien conscients qu’il est difficile pour la Mazda6 d’obtenir les certifications nécessaires sans l’injection d’urée, mais l’objectif peut être atteint”, nous a confié dans un courriel Thomas McDonald, porte-parole pour les opérations de Mazda en Amérique du Nord.

De l’eau dans le gaz… ou du diesel dans l’huile?

Mais voilà: ce retard cache-t-il autre chose? Tel le fait qu’en Australie, ce moteur diesel Skyactiv-D (qui, là-bas, propulse l’utilitaire Mazda CX-5) ait causé bien des maux de tête?

C’est le site Truth About Cars qui rapporte que, dès son lancement l’année dernière au pays de Crocodile Dundee, la mécanique a connu des problèmes de carburant s’égouttant dans le carter d’huile, lorsqu’un excès de diesel était utilisé pour nettoyer le filtre à particules.

Est-ce que l’on s’entend pour dire que le diesel et l’huile ne partagent pas tout à fait les mêmes propriétés lubrifiantes?

Mis au fait du problème, le constructeur nippon a demandé aux propriétaires australiens de vérifier le niveau d’huile de leur véhicule à tous les 1000 kilomètres. (Rappelez-vous que nous sommes dans une ère où les intervalles de service sont de plus en plus espacés…)

Mazda prévenait même que des vidanges d’huile pouvaient s’avérer nécessaire… à tous les 2000 km.

Soit presque à tous les deux pleins de carburant.

Pas très tentant, quand on sait que les véhicules à motorisation diesel affichent des prix d’étiquette de plusieurs milliers de dollars plus élevés que leurs contreparties à essence.

Le diesel en Amérique? Pas le droit à l’erreur!

Est-ce pour cette raison que l’on doit patienter 10 mois supplémentaires, soit jusqu’au printemps prochain, pour la distribution de la Mazda 6 Skyactiv-D en Amérique du Nord?

M. McDonald répond d’un “Nous ne commentons pas les spéculations”.

La porte-parole canadienne, Sandra Lemaître, soutient quant à elle que le problème rencontré en Australie, avec le Mazda CX-5 Skyactiv-D, a été résolu il y a près d’un an déjà.

Et qu’ici, “cela n’a aucun impact sur notre processus de certification”.

On le souhaite. Parce qu’en Amérique, où l’histoire du diesel a bien mal débuté dans les années 1980, avec les puantes, fumantes et peu fiables motorisations américaines, Mazda n’a pas le droit à l’erreur: il doit faire débarquer une technologie à la fois frugale et fiable.

Le constructeur japonais a le mérite de s’y essayer.

Et s’il réussit, attendez-vous à ce que son quatre cylindres Skyactiv-D 2,2 litres se glisse également dans son utilitaire Mazda CX-5, voire dans sa compacte Mazda3 – deux catégories de véhicules abordables où le diesel ne foisonne pas.

Et alors, Mazda pourra tirer tous les bénéfices de son audacieux pari contre les hybrides.